Allergie au politique

Platon, Apologie de Socrate, 30b 31 cd

Je ne fais rien d’autre en effet que de circuler partout; je vous engage, les plus jeunes comme les plus âgés, à n’avoir, ni pour vos corps, ni pour votre fortune, de souci qui soit antérieur à celui de l’amélioration de votre âme, ni qui soit même également fort; je vous dis que ce n’est pas de la fortune que naît le vrai mérite, mais que c’est le vrai mérite qui fait bonnes, la fortune, les autres choses humaines aussi, toutes sans exception, dans les affaires privées comme dans celles de l’État. Maintenant, si c’est en disant cela que je corromps la jeunesse, alors c’est que cela est dommageable! (…) Mais peut-être jugera-t-on étrange, précisément, que, tout en donnant dans le privé, de droite et de gauche, ces consultations, je n’aie pas l’audace de m’occuper des affaires publiques et de donner à la Cité mes consultations sur ce qui vous concerne! Or la raison en est ce que maintes fois, en maint endroit, vous m’avez entendu dire: à savoir qu’il m’arrive, je ne sais quoi de divin et de démonique… Les débuts en remontent à mon enfance: c’est une voix qui se fait entendre en moi, et qui, chaque fois que cela arrive, me détourne de ce qu’éventuellement je suis sur le point de faire mais qui jamais ne me pousse à l’action. Voilà ce qui s’oppose à ce que je fasse de la politique. Bienheureuse opposition, en vérité, si je m’en crois! Sachez-le bien, en effet, Athéniens: si, depuis longtemps j’avais entrepris de faire de la politique, il y a longtemps que ma perte serait chose accomplie et que je n’aurais pu être utile, ni à vous, ni à moi-même!