Bloc-Notes 2018
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Pétainisme

A propos d'une lettre ouverte fustigeant la politique migratoire de Macron, dont le lien a été partagé, ce commentaire, trouvé sur Fb.

J'avoue ne pas trop apprécier ces généralités qui fleurent vite le stéréotype. Peuple, société, Nation ou Patrie plus encore, voici concepts usés jusqu'à la corde d'avoir trop servi à toutes les causes même infamantes parfois, qui font me demander toujours ce qu'ils peuvent bien encore signifier.

Ce qui constitue un peuple, en dehors de la sphère politique qui le constitue, je ne sais. Car s'il est chose dont on puisse s'assurer c'est bien de ceci : contrairement aux apparences ce n'est pas le peuple qui fait le politique ; pas même en démocratie. C'est tout le contraire : la sphère politique qui crée le peuple comme entité, idéal, objet qu'importe. Rosanvallon l'avait vu ; Marx l'avait en son temps théorisé : peuple introuvable ? non, peuple abstrait ! Le tout est plus que la somme de ses parties, on le sait : décidément, du local au global le chemin est obstrué. On ne peut rien induire du citoyen au peuple ; ni de ce dernier à son histoire. Les caractéristiques des individus si mêlées, imbriquées, si contradictoires ou ambivalentes ne permettent rien de déduire du peuple ; inutile d'ajouter que l'inverse vaut tout autant : quelque glorieuse que puisse paraître l'histoire d'un peuple elle ne présume en rien des individus qui le composent. Marx s'allait répétant que l'homme fait autant l'histoire que l'histoire fait l'homme : il fallait l'entendre. Autant mu que moteur ; acteur sans doute mais d'une histoire qu'il ne comprend ni ne maîtrise.

Au reste, je ne connais pas de peuple qui n'eût à côté de ses heures de gloire, sa part d'ombre : la Révolution bien sûr, la Résistance, oui, mais à côté une Restauration médiocre, une collaboration honteuse … Les unes n'effcent pas les autres. Si lyrique et enthousiasmante que put être la Révolution, la page n'efface ni la corruption des uns, ni le fanatisme des autres ; ni les égarements, ni les couperets trop fréquents. Si noire que puisse être une page, je pense évidemment aux années 33-45, elle n'annule ni la beauté de la musique, ni la grandeur de la littérature ni les avancées scientifiques de l'Allemagne. En dépit du récit national que les bonnes âmes et la propagande bien pensante veulent promouvoir, il n'est pas d'histoire qui ne traduise ce partage, pas même équilibré, d'ombre et de lumière. Dusse-je aller jusqu'au bout du raisonnement, je l'appliquerai jusqu'au peuple juif qui, longtemps, pour n'avoir eu ni terre ni Etat, eut peu ou pas de pages dont il eût à rougir mais de si belles - musicales, religieuses, philosophiques …- dont il eût pu se vanter mais qui, sitôt son Etat fondé, sitôt sa terre menacée qu'il fallut bien défendre, commença à écrire des pages sombres et parfois honteuses qu'on eût aimé voir écrites par d'autres que lui.

Je l'ai toujours su : être fier de ses origines est aussi sot que de fanfaronner après la victoire de son équipe de foot ! Mais en avoir honte aussi stérile qu'absurde. Clemenceau affirmait que la Révolution était un bloc. Alors oui ! Et ce bloc, cette société que l'on tance si aisément, il faut l'assumer. En bloc ! Sans plus de vanité que de mortification. Comme une des données à quoi nous participons.

Je sais qu'écrivant ceci, j'irriterai. Et pourtant, comment nier que ce soit le politique qui, en s'instituant, constitue en même temps le peuple au nom de quoi il parle ou la Nation qu'il est supposé incarner. Comment douter en même temps que le politique, parce qu'ivre de raison d’État, soit en même temps son plus grand danger : cercle infernal ou vicieux, comme on dit ; ou boucle de rétro-action. L'un dit l'autre et d'un même tenant l'annule. C'est cette histoire, qu'au gré on dira tragique si on l'écrit en langue grecque, ou dialectique si on la pense dans la belle synthèse germanique du XIXe siècle. Marx n'avait pas tort de lire l'histoire dans l'interaction entre infrastructure et superstructure : c'était autre manière de penser qu'il n'était de moteur qui ne fût lui-même mu ; de reconnaître qu'il n'est d'acteur qu'au sens théâtral du terme, lui qui porte un marque et se contente de réciter, bien ou mal, un texte déjà écrit par on ne sait qui.

En fin de compte, qu'est ce qui constitue un peuple, une société, une Nation ? Il n'est pas de réponse simple ; il n'en est aucune de satisfaisante ; mais tant de terrifiantes. Les grecs crurent en l'autochtonie, les romains dans la conquête ; trop croire dans la terre incline vers l'horreur ; ne croire qu'en la puissance de la volonté ne pèse guère mieux ; restent histoire, culture, langue … mais jusqu'à quel point tout ceci ne reste-t-il pas de vains mots.

Je n'arrive pas à détacher mes yeux de ces pages incroyables qui débutent les Mémoires d'Espoir de de Gaulle ; n'arrive pas à n'y pas voir un incommensurable toupet, une mégalomanie tourbillonnante ou une étonnante sagesse. Le même toupet que Yourcenar, au fond, faisant commencer l'histoire de sa famille aux lointaines origines de l'homme

 

La France vient du fond des âges. Elle vit. Les siècles l'appellent. Mais elle demeure elle-même au long du temps. Ses limites peuvent se modifier sans que changent le relief, le climat, les fleuves, les mers, qui la marquent indéfiniment. Y habitent des peuples qu'étreignent, au cours de !'Histoire, les épreuves les plus diverses, mais que la nature des choses, utilisée par la politique, pétrit sans cesse en une seule nation. Celle-ci a embrassé de nombreuses générations. Elle en comprend actuellement plusieurs. Elle en enfantera beaucoup d'autres. Mais, de par la géographie du pays qui est le sien, de par le génie des races qui la composent, de par les voisinages qui l'entourent, elle revêt un caractère constant qui fait dépendre de leurs pères les Français de chaque époque et les engage pour leurs descendants. A moins de se rompre, cet ensemble humain, sur ce territoire, au sein de cet univers, comporte donc un passé, un présent, un avenir, indissolubles. Aussi l'État, qui répond de la France, est-il en charge, à la fois, de son héritage d'hier, de ses intérêts d'aujourd'hui et de ses espoirs de demain.

 

De Gaulle est rusé : il maintient à branche égale nature et culture, la terre et l'histoire. Il construit savamment ce qu'on appelait autrefois un salmigondis. Il n'est pas militaire pour rien et devine comment l'écume de ce qui change et se bouleverse atteint peu, si peu en tout cas si lentement, l'être. Ce sont deux logiques que je vois se télescoper ici - de la nature et de la culture, de l'ordre et du mouvement, de la volonté et de l'obéissance … - toutes ces dichotomies, ces couples infernaux, dont nous ignorons s'ils s'opposent plus qu'ils ne se combinent ; dont nous flairons plus que nous ne comprenons combien vraisemblablement ils font système … ou boucle.

Nous ne sommes plus assez naïfs pour croire encore au progrès nécessaire et, ainsi, ni le progrès des sciences et des techniques, ni la démocratisation de nos sociétés ni enfin l'instruction dispensée de manière massive ne nous en semblent plus des garants suffisants. Le credo républicain du programme de Belleville, le lyrisme humaniste d'un Jaurès succombèrent quelque par entre les tranchées de la Somme … et les mortifères plaines polonaises. Décidément, le XXe aura trop systématiquement miné les espérances du XIXe pour que cette culture, que l'on dit occidentale, ne soit pas désemparée, pour que l'embellie des années de reconstruction ne fût pas illusoire.

Mais nous ne sommes plus assez grecs - ou courageux - pour supporter le poids du tragique. Nos sociétés ne savent où elles vont, devinent bien que le désastre est presque irrévocable mais semblent désormais trop anémiées pour savoir encore réagir.

Ce qui constitue une société ? Retrouver Braudel, assurément, et ses trois couches d'histoire où ce qui bouge, assurément, n'est que de surface.

De Gaulle, à plusieurs reprises, à l'écrit comme dans ses discours ou interventions télévisées, fit, on le sait référence à cette idée de la France qui fut à l'époque, consubstantielle de l'idée qu'on se fit à la fois du gaullisme et de la renaissance de la France dans cet après-guerre qui, d'abord, ne lui avait pas particulièrement réussi !

 

"Toute ma vie, je me suis fait une certaine idée de la France. Le sentiment me l'inspire aussi bien que la raison. Ce qu'il y a en moi d'affectif imagine naturellement la France, telle la princesse des contes ou la madone aux fresques des murs, comme vouée à une destinée éminente et exceptionnelle. J'ai d'instinct l'impression que la Providence l'a créée pour des succès achevés ou des malheurs exemplaires. S'il advient que la médiocrité marque, pourtant, ses faits et gestes, j'en éprouve la sensation d'une absurde anomalie, imputable aux fautes des Français, non au génie de la patrie. Mais aussi, le côté positif de mon esprit me convainc que la France n'est réellement elle-même qu'au premier rang : que seules de vastes entreprises sont susceptibles de compenser les ferments de dispersion que son peuple porte en lui-même ; que notre pays tel qu'il est, parmi les autres, tels qu'ils sont, doit, sous peine de danger mortel, viser haut et se tenir droit. Bref, à mon sens, la France ne peut être la France sans grandeur." 
Charles de Gaulle, Mémoires de guerre, tome 1, Plon, 1954

Il faut l'écouter ce de Gaulle - encore si proche pour ceux de ma génération mais surgi de si loin, de ce vieux fonds maurrassien, monarchiste, de cette vieille réaction qui ne s'accoutuma jamais à la rupture de 89, mais à laquelle de Gaulle sut nonobstant offrir des oripeaux si ce n'est modernes en tout cas présentables.

Quand il parle de la France, quand il l'écrit, la France est, non pas une abstraction, notons-le bien, mais plutôt une chose. Une sorte de divinité qui chercherait à s'incarner. On retrouve ici les accents d'un A Comte s'exclamant que l'humanité est composée de plus de morts que de vivants : il serait vain de vouloir faire fi ni du passé ni de la terre qui le résume. Comte est l'expression de cette synthèse historique à la française si caractéristique où, à l'instar de celle hégélienne, tout fait système et conduit au progrès, mais où, au contraire, il n'est d'avancée qu'à impérative condition de respecter le passé, de remettre ses pas dans les traces laissés par les anciens. C'est parce qu'il est plus comtien que maurrassien que de Gaulle put s'affranchir des obsessions réactionnaires et tenter l’ultime synthèse entre la liberté républicaine et le principe d'ordre incarné par le Chef. Sa conception organique de la France peut prêter à sourire tant elle semble désuète ; elle fut pourtant une habile synthèse qui, politiquement en tout cas, permit de mettre fin à la guerre civile larvée depuis 89 et camouflée par la défaite sous Vichy.

Mais ce que Céline nommera le coup de l'Incarnation n'est assurément pas à négliger non plus. Si l'affirmation des racines chrétiennes de la France est assurément délétère, nier que le catholicisme eût marqué l'histoire de ce pays serait absurde. J'ignore si M Gauchet a tout à fait raison de considérer que celle-ci s'est construite sur la fin du religieux comme principe structurant du lien social, je doute en tout cas que ce soit le seul angle par lequel entendre notre histoire depuis le XVIIe ; je sais néanmoins que nos sociétés n'en auront pas fini de sitôt avec le christianisme quand bien même son rôle structurant dans les domaines social et politique fût quant à lui achevé. C'est qu'on n'argue pas impunément d'incarner l'Universel. Cette dilection à ne voir dans le local que l'expression provisoire et tronquée d'un absolu, d'un universel remonte à loin (Platon ?) et pas seulement à nos structures mentales. Notre ethnocentrisme a, bien sûr, ses appuis dans nos souches idéologiques mais est-il culture qui parvînt jamais à s'y soustraire totalement ? Ce qui deviendra, plus tard, la France, est au moins autant constitué de sa position géographique en fin de continent qui fit de ce territoire l'espace d'accueil de toutes les migrations et qui lui interdit à jamais ce qu'on aura ici appelé curieusement, en tout cas de manière sibylline entre-soi originel ! L'idée fondatrice de la géopolitique est tout sauf absurde qui consista à relier autant que faire se peut les couches qu'avait repérées Braudel.

Gauchet n'a pas tort de considérer que les sciences sociales ont éclaté les champs de connaissance. La mosaïque ainsi obtenue, malaisément synthétisable, autorise tout désormais : les extrapolations hâtives autant que les scepticismes acerbes. Il a sans doute raison de tenter une lecture qui réunifirait tout cela. Le XIXe a inventé le continent des sciences humaines et sociales dont A Comte se méfia tant : il m'arrive parfois de songer qu'il serait temps peut-être de refermer cette page. Le relativisme radical des uns me hérisse à peu près autant que les sentences péremptoires des autres ou le scientisme ridiculement dogmatique des troisièmes. Valait-il vraiment la peine de se battre contre une religion pour en inventer une autre ? de se libérer de ses chaînes pour s'en imposer d'autres ?

Est-ce à la philosophie, à la métaphysique de tourner cette page et d'en écrire une autre ? Eternel retour du même ? La fin de la philosophie n'est peut-être que son début …

Au bilan, si je devais être honnête, je devrais bien avouer ne pas savoir véritablement ce qui constitue une société, une culture, reconnaître d'ailleurs ne pas véritablement le vouloir tant les réponses nécessairement hâtives ou plus idéologiques que scientifiques qui y furent proposées me parurent toujours insatisfaisantes - au mieux ; détestables, si souvent.

Mais ce que je sais c'est que c'est encore retomber dans le piège que l'on croyait dénoncer que de chercher dans je ne sais quelle origine, a fortiori dans un supposé péché originel, la grande explication de tous nos maux comme s'il était événement fondateur et évidemment malencontreux dont les conséquences implacables seraient le prix d'une trop lourde culpabilité.

Au delà de tels raccourcis vertigineux qui font attribuer à l'histoire - ou pire encore à la nature - d'une société telle ou telle décision politique regrettable ou détestable, telle attitude ou opinion médiocre, au delà des généralisations toujours téméraires qui laisseraient accroire que derrière des mots comme la France, les français etc il y eût une réalité simple et donc autre chose que ces aisances paresseuses de la pensée, au delà de l'ironie qui voudrait que l'on fustigeât une forme française de la réductio ad hitlerum ! que penser de cette référence ?

Après tout Badiou en 2007 ne l'utilisa-t-il pas lui-même à l'encontre de Sarkozy, nouvellement élu, allant jusqu'à évoquer un pétainisme transcendantal ? Ce qu'il entendait par là tournait autour de quelques points :

Tout ceci allant évidemment de pair avec la désignation d'un ennemi caché mais bien connu, et la dénonciation d'un événement pernicieux avec quoi il faudrait en finir.

Du pétainisme générique, on peut isoler quelques traits formels : a) la capitulation et la servilité vis-à-vis des puissants de ce monde se présentent sous l’aspect apparemment opposé de la rupture et de la régénération morale ; b) l’abaissement national est imputé à une crise morale grave (p. ex. mai 68) ce qui permet à la morale de venir à la place de la politique qui est, quant à elle, tenue en lisières (c’est l’Etat qui est entièrement chargé de la politique et qui a les mains libres pour ce faire) ; c) l’exemple du redressement vient de l’étranger (en l’occurrence Bush et Blair), doctrine dans la dépendance d’une logique politique du modèle ; d) l’idée qu’il s’est passé quelque chose de néfaste amène à lier historiquement deux événements : l’un négatif, en général un événement ouvrier ou populaire (le Front Populaire pour Pétain, mai 68 pour Sarkozy) et l’autre positif, de nature étatique ; e) enfin, un élément racialiste, avec p. ex. des énoncés comme « la France n’a de leçons à recevoir de personne », où se dit que notre civilisation, nos valeurs, notre essence, … sont quand même supérieurs à ce qui existe dans d’autres régions du monde. Le pétainisme comme subjectivité générale de masse, va en réalité couvrir … quoi ? Très crûment : une guerre contre le peuple, la servilité vis-à-vis de l’extérieur et la protection des fortunes…
Alain Badiou, De quoi Sarkozy est-il le nom ?, 2007.

A cette concession près - le caractère provocateur de cette désignation - qui contraint à désigner par pétainisme des événements, attitudes et prises de position qui le précédèrent, et pour autant qu'on se situe dans une lecture somme toute très dialectique - pour ne pas écrire très matérialisme historique - l'expression serait acceptable mais à condition de bien se souvenir qu'elle ne désigne pas alors une caractéristique nationale bien précise liée à une quelconque faute ou spécificité originelle mais seulement la forme générale et donc réitérée que revêt la réaction. Dans une approche dialectique, il est assez facilement intelligible que toute action finisse par susciter une réaction et que le rapport de forces que constitue toute politique, a fortiori quand on le fonde sur les forces et intérêts économiques, implique invariablement conflit. C'est l'essence et l'honneur même du politique, quand il réussit, de traduire ce conflit en termes politiques ; c'est son échec ou son désaveu que d'y échouer et de laisser le conflit prendre des formes violentes voire guerrières.

La réaction, au sens où Badiou l'entend, est toujours une réponse extrême à une remise en question radicale des rapports de forces. Ce fut effectivement le cas avec la Révolution de 89 à quoi la Restauration fut une réplique ; avec la Commune dont l'écrasement fut la réponse sous la forme de guerre civile ; avec le Front Populaire dont Vichy fut la réponse apparemment institutionnelle en réalité violente, d'emblée.

Il importe de ne pas confondre ici avec les tension contradictoires qui agitent toute société : ordre et progrès expriment ensemble et de manière parfaitement ambivalente les aspirations, désirs, discours etc d'une société quelle qu'elle soit. Nul ne se peut véritablement proclamer conservateur sans souhaiter en même temps que l'ordre qu'il désire s'adapte aux évolutions diverses ; nul ne se peut proclamer progressiste, ni même révolutionnaire sans espérer en même temps que s'établissent durablement ses idéaux, sans espérer donc un ordre nouveau. L'essence même du politique est de vouloir asseoir une société sur des fondements meilleurs : je ne connais pas de politique qui ne sous-entende qu'on puisse faire mieux que l'état présent quand bien même on désirât pour ce faire en revenir à un état antérieur. Dans tout politique il y a quelqu'un qui dit non !

C'est ce que de Gaulle, encore lui, avait parfaitement compris qui concevait justement sa présidence forte comme la seule manière, en dépassant la logique des partis, d'exprimer ces deux tendances moins contradictoire à ses yeux que complémentaires :

 

Dans une telle perspective, ce qui distinguerait alors gauche de droite tiendrait surtout à l'accent plus mis sur le progrès que l'ordre, ou l'inverse, mais tout ceci dans le cadre républicain du respect des droits de l'homme et donc de la liberté et de l'égalité.

Or, quand on parle de réaction, a fortiori quand on évoque le fascisme, il s'agit de bien autre chose et de bien plus radical.

Si le pétainisme fut caractéristique c'est bien d'une société qui eut peur au moins de s'abandonner à l'autorité d'un patriarche et fut totalement désorientée par sa défaite. Alors oui, bien sûr, il y a des traits communs : en France, une société qui ne parvient pas à sortir de sa langueur économique, qui devine les catastrophes climatiques à venir et va chercher dans le modèle anglo-saxon des justifications managériales pour biffer à peu près toutes les avancées acquises mais ici curieusement on va se donner à un jeune et non plus à un vieillard ! Mais c'est cette même peur qui explique la situation politique allemande après les audaces de Merckel en matière d'accueil des migrants - qu'il lui fallut vite tempérer et qui lui coûtèrent cher électoralement. Faut-il parler de pétainisme pour l'Allemagne ? faut-il évoquer un vieux fond nazi ? évidemment non. C'est cette même peur qui explique la politique timorée de Hollande et en général de toute l'Union Européenne - au moins autant que l'égoïsme.

Ce qui m'inquiète - et depuis longtemps - tient à cette peur d'une société vieillissante qui finira bien demain comme hier par renoncer à ses avancées - politiques ou sociales - dans l'espoir de sortir de la grave crise qu'elle traverse ; or celle-ci, environnementale, est suffisamment lourde et impose des mesures suffisamment urgentes pour que la tentation autoritaire ne l'emporte pas demain. Or gravité de la crise, sentiment d'urgence, ici, revêtent d'autres significations que celles du printemps 40 et impliquent d'autres conséquences. Je ne suis pas sûr qu'on y gagnerait à utiliser un concept épuisé par tant de vindictes et d'approximations théoriques.

 

Elle tient à ceci ma gêne ; il tient à cela mon agacement devant l'usage à mes yeux abusif du terme de pétainisme qui vise plus à diaboliser en tout cas à désavouer, délégitimer ce ou celui dont on parle. Il n'aide pas à comprendre ; seulement à culpabiliser.