Bloc-Notes 2018
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Provocation

Le texte - qui est une Tribune et non pas un article émanant d'un journaliste du journal - en tout cas le titre qui lui fut affublé Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle - a tout d'une provocation et il n'est pas impossible qu'au moins en partie, il se voulût ainsi.

Au milieu des réactions diverses après l'affaire Weinstein - une recherche sur le site du Monde donne plus de 70 articles sur la question - cette Tribune tranchait avec le concert habituel et légitime d'indignations ; obligeait surtout à réfléchir.

Car dans tout ce mouvement #metoo ou surtout #balancetonporc quelque chose qui me gêna mais qui eût été politiquement incorrect d'exprime sur l'instant, qui touchait à la dimension exclusivement passionnelle. Que l'on salue l'intervention d'une O Winfrey lors des Golden Globes est légitime ; qu'on y voie un discours décisif, visionnaire est quand même joliment exagéré : à cette sauce américaine si typiquement compassionnelle, elle en appela au soutien : à la pensée sûrement non !

Alors quoi ? Quelques points sur lesquels sans doute je reviendrai mais que je veux mentionner aujourd'hui simplement :

La question de la violence faite aux femmes ne se discute tout simplement pas mais mérite en revanche qu'on tente de la comprendre.  

Et c'est plus difficile qu'il n'y parait.

La première réalité qui éclate à la figure est combien il est difficile, s'agissant de cette question, de tenir une parole sensée qui ne fasse pas l'objet de soupçon  ou de simplification hâtive : presque toujours la pertinence du propos sera ramenée au sexe de qui s'exprime comme si nulle objectivité n'était ici possible. Ecoutons bien H Arendt : c'est exactement ce qu'elle disait à propos du politique que plus un philosophe - depuis Platon - ne pouvait aborder en toute neutralité.

Réalise-t-on que ce sont les fondements de la pensée que l'on mine ainsi ? Qu'est-ce que penser sinon tenter, en déminant les pièges et écartant les apparences, d'atteindre un point de vue sinon objectif en tout cas universel, d'accéder à des vérités qui ne tinssent à aucune de nos qualités propres mais uniquement à la rigueur de la déduction qui les produisit, à la cohérence avec les principes ?

Sans être un chaud partisan des études dites genrées - quel horrible mot - je ne les dénie point : que la question du genre puisse entrer en ligne de compte quand on aborde des questions sociales, psychologiques, économiques, politiques, sociétales comme on dit, j'aurais crainte l'écrivant que de ne proférer un terrible truisme. Que tout se réduisit à ceci, non, évidemment. Je retrouve ici les mêmes réticences que les marxistes formulèrent à l'égard des féministes au début des années 70 : la crainte que la libération des femmes n'occultât la lutte des classes. Le débat peut sembler désuet, c'est pourtant le même ! La question a été occultée si longtemps ; il faut donc la poser et ne jamais oublier que nous sûmes sans honte proclamer universel un suffrage qui ne concernait que la moitié d'entre nous. La poser, oui, toujours, partout, mais ne pas tomber pour autant dans l'excès inverse qui consisterait à en faire une grille de lecture exclusive !

Enfin, sans même souligner ce que certains de ces mouvements pourraient risquer demain de sombrer dans la pure et simple délation, je ne pus que rester interdit devant le danger que je sens poindre dans les propos de certains, où je devine les tentations castratrices de tous les puritanismes possibles : ici ou là, subrepticement, la sexualité est représentée comme une part animale qu'il serait impossible de complètement dominer, ou bien une forme de violence à certaines conditions acceptables !

Vaste sujet que celui de la sexualité que je ne me vois pas traiter en quelques lignes : je suis seulement certain de deux choses parfaitement complémentaires mais qui m'incitent sinon au mutisme en tout cas à la prudence. Que d'abord ce n'est pas parce que l'on éprouve un désir fût-il subit qu'on est incapable d'y résister ou bien alots ce serait à désespérer de nos prétendues civilisations, idéologies, morales etc. Que désirs, sentiments, sexualité sont précisément ce qui signe notre rapport tant au monde, qu'à l'autre et qui nous épargne de n'être que des pierres ou des purs esprits. Je crois l'humain se jouer dans cette combinatoire dont la sexualité est une forme - parmi d'autres.

Je voudrais seulement comprendre pourquoi si nombreuses sont les sociétés méprisant, ignorant et bafouant les femmes ; pourquoi même les religions plaidant pour la reconnaissance de l'autre n'y échappent pas.