Martin HEIDEGGER (1889-1976) Questions III 90/96
L’existence
ne peut se dire que de l’essence de l’homme, c’est-à-dire de la manière
humaine d’être; car l’homme seul est, pour autant que nous en ayons
l’expérience, engagé dans le destin de l’ek-sistence. C’est aussi pourquoi
l’ek-sistence ne peut jamais être pensée comme un mode spécifique parmi
d’autres modes propres aux vivants, à supposer qu’il soit destiné à l’homme
de penser l’essence de son être, et non pas seulement de dresser des
rapports sur sa constitution et son activité, du point de vue des sciences
naturelles ou de l’histoire (…)
ce que l’homme est, c’est-à-dire, dans la langue traditionnelle de la
métaphysique «l’essence» de l’homme, repose dans son ek-sistence. Mais l’ek-sistence
ainsi pensée n’est pas identique au concept traditionnel d’existentia, qui
désigne la réalité en opposition à l’essentia conçue comme possibilité (…)
L’ek-sistence, pensée de manière extatique ne coïncide, ni dans son contenu,
ni dans sa forme, avec l'existentia. Dans son contenu, ek-sistence signifie
ex-stase en vue de la vérité de l'Etre. Existentia (existence) veut dire par
contre actualitas, réalité, par opposition à la pure possibilité conçue
comme idée. Ek-sistence désigne la détermination de ce qu'est l'homme dans
le destin de la vérité. Existentia reste le nom qu'on donne à la réalisation
de ce qu'une chose est, lorsqu'elle apparaît dans son idée. La proposition
l'homme ek-siste n'est pas une réponse à la question de savoir si l'homme
est réel ou non; elle est une réponse à la question portant sur l'essence de
l'homme.