Textes

Bachelard
Poétique de l'espace, Paris, P.U.F., 1958, p. 197.

bPour moi, j'accueille l'image du poète comme une petite folie expérimentale, comme un grain de haschisch virtuel sans l'aide duquel on ne peut entrer dans le règne de l'imagination. Et comment accueillir une image exagérée, sinon en l'exagérant un peu plus, en personnalisant l'exagération ? Aussitôt, le gain phénoménologique apparaît : en prolongeant l'exagéré, on a en effet quelque chance d'échapper aux habitudes de la réduction. À propos des images de l'espace, on est précisément dans une région où la réduction est facile, commune. On trouvera toujours quelqu'un pour effacer toute complication et pour nous obliger de partir dès qu'on parle d'espace — que ce soit d'une manière figurée ou non — de l'opposition du dehors et du dedans. Mais si la réduction est facile, l'exagération n'en est que phénoménologiquement plus intéressante. Le problème que nous agitons est très favorable, nous semble-t-il, pour marquer l'opposition de la réduction réflexive et de l'imagination pure.