1 2 3 4 5 6 7 8 9 10

 

1) le courant volkisch

Les acteurs
H Blavatsky
Guido von List
J Lanz von Liebenfels
Rudolf von Sebottendorf
Otto Rahn
Herman Wirth
Karl Maria Wiligut
D Eckart
 

2) Les sources occultes

3) les lieux communs

4) une démarche réactionnaire

5) une démarche identitaire

6) une démarche scientifico-religieuse

7) une démarche démiurgique

8) Une démarche fusionnelle

 

Une démarche identitaire

Seconde caractéristique de ce courant idéologique, qu'en reprenant la terminologie sartrienne, on pourrait aisément qualifier d'essentialiste. A y bien regarder, c'est d'ailleurs la marque de tous les courants d'extrême-droite, ce que l'on a déjà repéré dans le maurrassisme.

L'histoire n'est pas celle d'une politique qui chercherait à inventer l'avenir, elle est au contraire un mouvement qui se doit de réaliser un programme préétabli, une nature qui s'impose à tous. Que ce type de courant se fût en même temps donné des références génétiques, en allant chercher chez Gobineau ou Vacher de Lapouge, les assises pseudo-scientifiques nécessaires n'a alors rien d'étonnant. La question semble ne jamais être celle de ce que l'on veut faire que celle de ce que l'on est, qu'il faut respecter et réaliser.

Or cette identité est à rechercher dans l'âme du peuple, celle du peuple allemand. Si un Fichte peut encore définir la Nation comme fondée sur son histoire, sa culture, sa langue, très vite on glissera vers une représentation plus naturaliste où le peuple allemand, plus proche que tous les autres peuples de ses origines, aurait à la restaurer.

Où les différents courants divergent parfois, qui constituèrent la source du nazisme, c'est bien sur la définition de cette source où d'aucuns verront le religieux quand d'autres la nature. Mais où ils se retrouvent finalement tous c'est dans cette curieuse réinterprétation de l'histoire qui les verront tourner le dos au passé latin pour restaurer une germanité anti-latine, païenne, grecque pour ne pas dire aryenne. Que des courants occultistes aient participé à la grande mythologie de la race aryenne est incontestable, qu'ils lui aient conféré des allures aussi sulfureuses que fantaisistes est avéré, mais sans vouloir sombrer dans les élucubrations ultérieures d'un Pauwels et d'un Bergier (2) qui leur donnèrent une importance que sans doute ils n'eurent pas, on peut néanmoins observer que ce primat du peuple aura deux conséquences :

-

une logique étroite de l'obéissance : l'individu n'a de sens qu'en tant que partie de ce peuple dont il doit réaliser l'essence. L'obéissance est donc la vertu cardinale de l'être au monde que chaque allemand doit incarner. Principe d'obéissance que l'on entend bien dans ce discours à la jeunesse de 37. Befehl ist Befehl : il n'y est rien de plus grand pour un allemand que d'accomplir ce qui lui est demandé ; rien de plus honteux que de s'y dérober. C'est bien ici une logique de clan, de masse que l'on institue où la fidélité est mise en avant, d'autant plus précieuse qu'il n'est pas d'autre manière d'exister et de se faire prévaloir que de manifester son attachement au groupe. Il n'est qu'à voir les grandes cérémonies où l'on prête serment de fidélité à Hitler pour le sentir.

- le principe du Führer : l'aspiration au guide est affirmée dès Langbehn qui voit dans le peuple un être collectif qui doit être conduit au delà de ses divisions vers la réalisation de soi. De la sorte, le Führer ne saurait se contenter d'être seulement un dirigeant politique habile, il doit aussi par sa dimension religieuse ou culturelle, par son charisme inspirer le mouvement de ce peuple. En être l'âme, le souffle.

Toute l’organisation de l’État doit découler du principe de la personnalité, depuis la plus petite cellule que constitue la commune jusqu’au gouvernement suprême de l'ensemble du pays. Il n’y a pas de décisions de la majorité, mais seulement des chefs responsables et le mot “conseil” doit reprendre sa signification primitive. […] Il faut transposer le principe qui fit autrefois de l’armée prussienne le plus admirable instrument du peuple allemand et l’établir à la base même de notre système politique : la pleine autorité de chaque chef sur ses subordonnés et sa responsabilité entière envers ses supérieurs. […] L’État raciste, depuis la commune jusqu’au gouvernement du Reich, ne possédera aucun corps représentatif qui décide quoi que ce soit par voie de majorité, mais seulement des corps consultatifs qui se trouveront sans cesse aux côtés du chef et qui recevront leur tâche de lui 3

Ce qui, de ce point de vue, constitue l'originalité du nazisme, ce n'est ni sa dimension autoritaire, ni même son principe dictatorial, mais ce curieux mélange politico-religieux d'où l'eschatologie n'est pas absente (règne pour mille ans par exemple) non plus que le messianisme. Le nazisme est une affirmation au moins autant de la volonté que de l'identité. Mais d'une identité enfouie, à qui l'histoire n'aurait pas donné sa chance 4 ; d'une identité qu'il faut aller chercher dans les entrailles de l'histoire médiévale, ou dans les fumeuses extrapolations occultes, qu'importe. Le Führer se pense comme un accoucheur d'une âme écrasée par la modernité, comme le véritable créateur d'un peuple qui doit retrouver ses esprits dans l'épreuve de la guerre et la rigueur de l'obéissance.

- l'antisémitisme, pour central qu'il est dans la représentation nazie, n'est pourtant que la conséquence de cette représentation naturalisme et mythologisée du peuple : ce qui n'a pas de racine, ni dont d'identité ne peut être que le ferment pernicieux de cette modernité en quoi on verra la source de tous les maux (individualisme ; démocratie, urbanisme ...) Il n'empêche que l'inexplicable demeurera toujours le passage à l'acte : comment à partir d'un discours antisémite somme toute fréquent en Allemagne qui en appelle à la mise à l'écart, à la mise hors d'état de nuire, on passe subitement à la solution finale, demeure un trouble que ni la folie des uns, ni le contexte politique, ni même l'influence sulfureuse des autres ne suffit à lever.

 


1) l'article en allemand

2) Le matin des magiciens, 1960

voir l'inénarrable Bergier dans une ITV de 59

3) Adolf Hitler, Mein Kampf, Nouvelles Éditions latines, Paris, 1934, p. 448

4) on retrouvera d'ailleurs ce type de démarche chez Heidegger qui cherchera en remontant au delà de Platon chez les pré-socratiques pour revenir à ce moment crucial de l'oubli de l'Etre.

5) dont le Triomphe de la volonté de L Riefenstahl est une illustration flagrante.

6) souvenons-nous à cet égard de ce que Finkielstein énonçait à propos des partis politiques sous la Ve qui se voient progressivement dépossédés de tous leurs attributs pour ne demeurer plus que des machines électorales :

7) Goebbels au chef d'orchestre W Furtwangler (11.04.1933)
lire sur la question