Elysées 2012

Postures ... toujours

On l'a déjà évoqué : toute la difficulté de Sarkozy restera de tenir les deux positions simultanément - celle de président et de candidat - qui est d'autant plus grande que son image de président est entachée ; que la crise fait rage ; qu'il sera bien difficile d'en appeler à l'avenir d'un côté quand, de l'autre, on n'aura qu'à annoncer des mesures difficiles à digérer.

Nul doute de ce point de vue que Sarkozy jouera sur l'expérience, le sérieux, la rigueur : sur l'effort !

On l'a déjà évoqué, toute la difficulté reste encore de réagir en période de crise financière quand, et c'est le moins que l'on puisse dire, les marchés se comportent de manière irrationnelle. Intervenir ? Un peu ? pas trop , se taire ? C'est bien ce qu'évoque Forcari dans Libération (1)

Il n'est qu'à voir l'injonction si explicite - lors de la conférence de presse du 16/08/2011 (2) - faite aux socialistes qui refuseraient de voter en congrès la réforme constitutionnelle instituant la règle d'or. Injonction reprise par Fillon dans sa tribune au Figaro dans le cadre d'un véritable appel à l'unité nationale.

On voit bien désormais les items qui scanderont la communication présidentielle de la période à venir :

- que pèsent, à côté de la gravité de la situation financière et budgétaire, les divergences politiques ? Le contexte est trop grave pour qu'on ne les mette pas de côté.

- ne pas le faire reviendrait à prendre ses responsabilités devant le peuple c'est-à-dire à faire montre d'incompétence économique et de lâcheté politique.

- il en va de l'intérêt général de la nation. Faire référence à ce concept c'est, ne l'oublions pas, en appeler à ce qui fait le fondement même de la république : non pas se prononcer sur ses intérêts particuliers mais sur ce qu'on estime être l'intérêt général de la nation. Même si le mot n'est pas prononcé, il y a ici, implicitement, dénonciation d'une trahison à venir de la gauche, qui manquerait ainsi à tous ses devoirs.

- le registre moral de l'engagement sur l'intérêt supérieur de la nation ; dans ce registre, drainés en même temps les concepts de l'effort, d'assainissement, de discipline (collective), d'honneur.

On ne s'étonnera pas de trouver ici l'antienne de la compétence et de la responsabilité : c'est le biais toujours utilisé par le pouvoir en place pour contrer son opposition : nous agissons quand vous ne faites que parler.

Mais il y a plus :

Une dégradation implicite du politique :

Seule la réalité importe et elle est économique et financière. Le politique doit s'y soumettre. Qui n'est que babillage supportable en période calme mais assurément pas en phase de tempête. C'est là le truchement aisément adopté par les droites, celui du technique, ou du réel auquel on ne saurait se soustraire. Déjà relevé par F Brune dans un texte déjà ancien (3) , on fait ainsi valoir que les idéologies ne seraient que des paravents incommodes masquant la réalité et que seul compterait l'économique.

Sans cesse on passe ainsi du constat à l'impératif : seul importe le réel donc il faut s'y soumettre. Ainsi qu'à ces contraintes : progrès, mondialisation etc. On le sait depuis Marx : naturaliser un phénomène c'est le neutraliser politiquement. Et c'est le biais pris par touts les pouvoirs en place, toutes les classes dominantes que de faire passer l'état actuel des choses pour un état normal, mais surtout inaturel : autrement dit, puisque c'est naturel, il n'y a rien à faire contre.

L'idéologie est un processus que le soi-disant penseur accomplit avec conscience, mais avec une conscience fausse. Les forces motrices qui le meuvent lui restent inconnues (4)

Ce qui est finalement assez paradoxal pour quelqu'un qui en 2007 en avait appeler au retour du politique et de l'action volontaire. Ce paradoxe est en même temps sa force et sa faiblesse mais j'incline à penser que l'attente du corps électoral risque d'en faire plutôt une faiblesse.

Comme si le politique n'était qu'un jouet pour nantis de période calme, un luxe qu'on ne pourrait plus s'offrir.

Un chantage moral

Ne pas agréer la position du pouvoir reviendrait à trahir ou, au moins, à faire preuve de pusillanimité. C'est, au nom du sens de l'effort, tuer dans l'oeuf tout débat, politique ou économique. Or, en la matière, il est possible. Sans en revenir à Keynes - mais après tout pourquoi pas ? - on peut toujours avancer comme le fait Bayrou que si la dette sur un budget de fonctionnement est détestable, en revanche sur de l'investissement, elle reste parfaitement acceptable, voire souhaitable.

Outre que jouer sur responsabilité et unité suppose toujours que l'autre, l'adversaire politique, fût non seulement irresponsable mais surtout diviseur ; que ceci implique que l'on serait soi seul responsable, comment ne pas se souvenir qu'une des raisons pour lesquelles le corps électoral, tel en tout cas qu'il se manifeste à l'occasion des sondages, se serait écarté de Sarkozy, tiendrait précisément dans le sentiment qu'il aurait d'une politique exclusivement orientée vers les nantis ?

Il n'est pas du tout certain que sur ce registre moral-là il soit gagnant.

Des sondages positifs pourtant

Il semblerait bien néanmoins que la crise l'avantage. (5) Et il faudra en surveiller l'évolution. *


1) CHRISTOPHE FORCARI Libération du 11 Août

La communication de Sarkozy balayée

Décidément, les marchés financiers ne tiennent compte ni des silences du cap Nègre, ni du branle-bas élyséen. Ecourtant ses vacances - prévues jusqu’au 22 août - le chef de l’Etat est revenu fissa dans la capitale, hier matin, pour présider à l’Elysée «une réunion de travail sur la situation économique et financière».

Dans un palais aux allures de bunker - fenêtres calfeutrées et bardées d’échafaudages pour cause de travaux -, le Président s’est entretenu plus de deux heures avec le Premier ministre, François Fillon, et quelques membres du gouvernement, dont Alain Juppé (Affaires étrangères) et François Baroin (Economie), auxquels s’est joint le gouverneur de la Banque de France, Christian Noyer. Objectif : montrer à la France inquiète que le gouvernement veille au grain, même si, officiellement, le message de l’Elysée est d’expliquer qu’«il s’agit d’anticiper sur la suite des événements». Sauf que patatras : en milieu d’après-midi, la tempête boursière a balayé ce joli plan de communication.

Car cette réunion a bien eu l’effet inverse de celui escompté par le chef de l’Etat et ses conseillers. Au lieu de distiller de la sérénité, le rendez-vous a contribué à alimenter les rumeurs les plus folles à Paris, provoquant un vent de panique sur la Bourse.

Fébrilité.

Jusqu’alors, malgré la nervosité et l’incertitude régnant sur les marchés, le président de la République avait préféré ne pas commenter la situation pour «éviter un emballement des principales» Bourses. «Pas question de donner des signes négatifs» et surtout pas d’affolement, répétait son entourage. Le message de l’Elysée se bornait à souligner que Nicolas Sarkozy restait en contact avec ses homologues européens à la recherche d’une solution. Une communication consistant à expliquer que plutôt que de mouliner dans le vide, le président de la République travaillait pour apaiser la fébrilité des Bourses.

Spectre.

Le krach redouté n’ayant pas eu lieu, Nicolas Sarkozy a donc voulu profiter d’une période d’accalmie pour reprendre la main, sur le terrain national cette fois. Le spectre de la crise économique mondiale semblant écarté, la réunion d’hier matin était destinée à montrer que le gouvernement ne restait pas inactif. Pas question, bien sûr, de reconnaître une quelconque logique de communication… «Cette réunion était destinée à anticiper les solutions arbitrales pour la prochaine loi de finances. On ne peut pas attendre et repousser pour prendre les décisions», se justifiait, hier soir, l’Elysée. «Il ne s’agissait pas de faire un coup de com mais de prendre un temps d’avance dans le cadre d’un projet de loi de finances», renchérissait un des conseillers du chef de l’Etat.

Pour preuve, en début d’après-midi, la ministre du Budget, Valérie Pécresse, annonçait «la suppression de niches fiscales pour tenir les engagements de la France», alors que le ministre de l’Economie et des Finances, François Baroin, se réjouissait «d’un programme de travail bien chargé».

Ils ne se doutaient pas que quelques heures plus tard, ils allaient devoir jouer les pompiers auprès du marché parisien.

2) voir la conférence de presse commune Sarkozy /Merckel

3) Myrhologie Contemporaine

4 ) Engels in Lettre à Mehring

5) Libération le 12 août

La crise financière profite à Nicolas Sarkozy. Sa cote de confiance progresse de 3 points - à 36 % d’opinions positives - sur sa capacité à «affronter efficacement les principaux problèmes qui se posent au pays», selon l’observatoire politique CSA-les Echos publié hier. Ce sondage, réalisé les 9 et 10 août auprès de 1 008 personnes, lui donne son meilleur score depuis mars 2010, même si une majorité de Français - 58 % - ne lui font pas confiance, contre 64 % il y a un mois. Sa progression est très nette chez les sympathisants de droite, puisque le Président gagne 7 points, respectivement avec 80 % d’opinions favorables. A gauche, le repli est général. Seul François Hollande atteint 50 % d’opinions favorables, malgré un recul de 6 points par rapport à juillet. Il devance Martine Aubry (45 % d’opinions favorables, - 7 points) chez l’ensemble des Français et fait jeu égal parmi les sympathisants de gauche.