Elysées 2012

Etat de l'opinion

Publié ce matin dans Libé (1) , ce sondage donne quelques indications intéressantes:

L'état de la gauche

Elle reste en bonne place à peu près au même niveau que l'année dernière. Il y a, sinon un désir d'avenir en tout cas un désir de gauche qui reste imbattable sur les questions de justice sociale - ce qui est assez relever la profonde frustration suscitée par la droite.

En revanche, pas beaucoup plus crédible que la droite sur la question du chômage - ce qui revient à souligner le profond scepticisme sur la question, expliquable après quarante années de chômage et de politiques diverses toutes infructueuses. Qui rappellent douloureusement le dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé de F Mitterrand. (2)

L'état de la droite

Toujours dans de très basses eaux, puisque Sarkozy, certes en progression depuis juin (+6) n'atteint quand même que 36 % d'opinions favorables. Certes, la crise financière lui profite, on s'en doutait, mais l'étiage reste bas. Quand on regarde les souhaits de victoire à la présidentielle (29%) il faut bien admettre qu'à 9 mois des élections, ce score n'est pas si éloigné de ceux obtenus par Bayrou (25%).

C'est assez dire, mais on le savait, que rien n'est joué, mais que Sarkozy démarre avec une situation nettement plus défavorable qu'en 2007, et que le bilan de son mandat le plombe. Remarquons encore que lui n'a pas commencé sa campagne réellement ; il n'a pas à le faire et n'y a évidemment aucun intérêt. (3) Mais cela suppose que ses thèmes de campagne ne sont ou bien pas encore définis - quoiqu'ils commencent à se dégager - soit en tout cas pas encore clairement audibles et que donc, demeure en avant le bilan de son mandat. Nul doute, pur lui, comme pour ses concurrents, que l'annonce de sa candidature suscitera un bond en avant qui le remettra en course - toute la question est de savoir à quelle hauteur.

Au bilan

Ce qui est inquiétant, finalement, reste l'état maussade de l'opinion. Sur la question actuelle de la réduction de la dette, la gauche ne fait pas mieux que la droite : si peu. Il est par ailleurs dommage que la question n'ait pas été posée au sujet des enjeux environnementaux : il eût été intéressant de jauger si sur cette question, d'importance, la gauche faisait mieux ou non que la droite.

Ce qui se joue ici ressemble à s'y méprendre, à une défaite - en tout cas une dégradation - du politique en quoi, sur les sujets qui lui importent, l'opinion de croit plus ; dont elle redoute en tout cas l'impuissance. C'est tout l'enjeu de ces élections : redonner confiance au politique.

Ce n'est pas gagné !

La question se pose ainsi du côté des deux acteurs :

- un peuple qui ne fait plus confiance mais surtout qui n'y croit plus décrédibilisant ipso facto tous les programmes

- une présidence qui se trouve à la croisée : entre la boursouflure sarkozyste de l'hyperprésidence et la vacuité des présidents de la IIIe et de la IVe, ce n'est rien de dire que le régime n'a pas encore trouvé son équilibre ou, en tout cas, qu'il l'a perdu depuis la réforme du quinquennat. (4)

Le problème est double lui aussi :

- recouvrer confiance et crédit est d'autant plus difficile que les problèmes sont désormais globaux (mondialisation) et que l'on se soumettrait plus aisément aux lois du marché. Mais qu'en même temps il serait tout aussi absurde, voire immature, d'en revenir à une approche par trop naïve d'un exécutif thaumaturge.

- réformer la constitution comme le damandnte Montebourg ou Joly serait assurément nécessaire mais une telle réforme est-elle audible par le corps électoral ? n'apparaîtrait-elle pas comme une autre manière biaisée de contourner les vrais problèmes.

Non ! ce n'est vraiment pas gagné !


1) sondage Viavoice Libération du 22 Août

2) Mitterrand 14 Juillet 93

" Dans la lutte contre le chômage, on a tout essayé. Depuis maintenant plus de douze ans que j'occupe ces fonctions, tout a été essayé. Vous connaissez le résultat qui est un triste résultat, puisque nous avions, en 1981, entre 1 600 000 et 1 700 000 chômeurs, cela a été porté, au moment des élections dernières, à 3 millions. Cette progression est importante, plus de 1 300 000 chômeurs, mais elle est quand même la plus faible des grands pays industrialisés au cours de cette période. L'addition, au total, on pourrait en discuter à perte devue ; ce qui prouve que le gouvernement, qu'il soit conservateur ou qu'il soit socialiste, se trouve devant les mêmes problèmes. Le fait de la dépression économique, de la mutation technologique et souvent de l'absence de formation des travailleurs, des jeunes mal préparés à leur nouveau métier, font que le monde industriel occidental dans son ensemble souffre de la même manière. Cela ne nous réjouira pas. Je dis simplement que l'on a tout essayé et tout ce qu'essaie le gouvernement actuel doit être autant que possible suivi car il faut de la continuité dans l'effort. " Si l'on se fixe la conquête de l'emploi et donc la réduction du chômage comme objectif prioritaire, on a raison et je n'ai, moi, strictement aucun motif d'incriminer qui que ce soit. "

 

 

3) Rappelons que de Gaulle, lui-même n'annonça que très tard sa candidature en 65

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4) La question de l'équilibre des pouvoirs a été assez bien posée par Mendès-France en 74 dans le texte ci-dessous : outre que manifestement il se méfie de la tendance césarienne d'une présidence élue directement au SU, il n'a pas tort de souligner que ni sous la IVe ni sous la Ve il n'y avait en réalité deux pouvoirs. L'un aura toujours phagocité l'autre. Même très présent, de Gaulle aura néanmoins laissé quelque marge à ses premiers ministres. (voir la conception gaullienne de la présidence).

Si fragile fût-il, cet équilibre aura été rompu par l'instauration du quinquennat et l'inversion du calendrier. Dès lors ne demeure plus en réalité qu'une seule consultation nationale qui vaille puisqu'aussi bien le droit de dissolution tombe en désuétude vu la concomitance des présidentielles et des législatives.

Il est sans doute à réinventer !

Je n'ai jamais été partisan du gouvernement d'assemblée, c'est-à-dire d'un gouvernement exercé par cinq ou six cents personnes. L'exécutif, l'équipe qui agit, ne peut comporter qu'un nombre limité de personnes entre lesquelles règne une certaine homogénéité, une solidarité ; elles discutent entre elles mais elles doivent être assez proches les unes des autres pour pouvoir prendre des décisions rapidement et les respecter. C'est indispensable surtout dans un pays comme la France, où le gouvernement résulte forcément d'une coalition de volontés. C'est ainsi, seulement, qu'une équipe ( c'est le vrai mot ) chargée de la conduite quotidienne des affaires peut affirmer sa volonté, son autorité, disposer de la durée, de la stabilité. Ce qui manquait sous la IIIème et plus encore sous la IVème.

Mais, à côté de cela, il faut une instance, l'Assemblée, fidèlement représentative des tendances qui règnent dans le pays, qui les confronte publiquement et qui se prononce sur les options principales. L'exécution reste le domaine du Gouvernement et ce dernier agit au nom des forces politiques majoritaires dans l'Assemblée. Ainsi donc, deux pouvoirs : l'exécutif ( homogène ) et le représentatif ou législatif ( inévitablement composite ), dont chacun a son indépendance et sa mission.

Sous la IVème République, il n'y avait, en réalité, qu'un pouvoir : l'Assemblée ; le Gouvernement n'existait plus, il était dominé, écrasé, phagocyté par le Parlement. Sous la Vème, il n'y a de nouveau qu'un pouvoir : l'exécutif, le Gouvernement ou plutôt le Président ; l'Assemblée ne joue aucun rôle, sinon de pure figuration. On est passé d'un extrême à l'autre.

Je ne pense pas qu'il soit sain et démocratique d'investir, comme aujourd'hui, de moyens aussi larges et aussi incontrôlés un seul homme et pour sept ans [...] Un homme élu par trente millions d'électeurs est forcément très puissant ; or, volontairement, on n'a prévu aucun contrepoids, aucun partage, aucune institution de contrôle

Pierre MENDÈS FRANCE, Choisir, pp. 85-86, Stock, 1974.