Elysées 2012

La rentrée socialiste en quatre mots

Réunis à La Rochelle (1) pour leur traditionnelle Université d'été, les socialistes font leur rentrée dans ce contexte si particulier du véritable lancement de la campagne des primaires. On pose ensemble à côté du vénérable ancêtre - qui se garde d'ailleurs bien de prendre position et affecte de proclamer que «Ce n'est pas moi le plus important aujourd'hui».

Un mot d'abord : gourmand

C'est sans doute celui qui convient, dans les deux sens du terme.

- la presse avec une dilection même pas coupable affecte de gourmander les dirigeants et, en particulier, les candidats pour les premiers échos de leurs divisions et escarmouches. Avec passablement d'hypocrisie quand même : à l'affût de ces divisions, des bons mots, mais surtout des mots cruels, faut-il rappeler que la presse vit de ces luttes qu'elle affecte de gourmander

- alors oui, c'est bien avec gourmandise que la presse soulève (2) , exacerbe les petites divisions ... il faut bien vendre. Soyons honnête, elle n'a pas le pouvoir de les créer, encore moins de les exacerber : elle a juste celui de glisser ça et là quelques peaux de banane sur quoi, après tout, les candidats ne sont pas obligés de glisser.

Division

Car il est bien ici le second terme. Même si Royal n'a pas tort de rappeler que les petites phrases font partie de la campagne, elle qui n'est pas la dernière à en concocter (3) , il sera bien difficile à ces candidats de se démarquer les uns par rapport aux autres - avec le même programme rappelons-le - sans le faire sur les personnalités et courir le risque d'une cacophonie insupportable. Elle sera bien difficile à trouver cette ligne de partage entre émulation et division.

On les attend au tournant sur cette question et pas sur une autre : leur capacité à faire entendre leurs petites musiques personnelles sans pour autant déclencher un désastreux hourvari ! Il n'est qu'à lire Cambadélis (4), qu'à voir comment chacun se précipite pour glaner l'héritage Delors (5) pour deviner combien, à mesure que l'on avancera des échéances, cela risque de devenir rock n' roll !

Manifestement le pacte de non-agression vise à cela.

Débat

Ce qui signifie que ce que l'on attend d'eux, c'est précisément, plutôt que les stériles polémiques d'egos surdimensionnés, un véritable débat sur les enjeux . C'est d'ailleurs ici que Royal, jamais avare d'un bon coup a beau jeu de proclamer C'est ridicule qu'on soit tous au même endroit sans débattre.

J'aime assez que débattre puisse venir de dé-battre battre fortement : il est bien question de controverse, de polémique, bref de guerre; policée certes, discursive, donc, démocratique quoi ! mais de guerre nonobstant. On se débat contre les difficutés, comme un beau diable. Et si controverse renvoie à un antagonisme qui se mesure dans une discussion, polémique, on le sait renvoie très exactement à guerre.

Je l'ai déjà écrit : le débat avec la nation, et pas seulement devant la nation, est d'autant plus précieux que les présidentielles en restent le seul lieu et que fait rage la crise.

Et l'exigence est d'autant plus celle d'un débat de fond que la crise est une crise de fond et que l'attente est celle d'une véritable refondation. (6)

Mobilisation

Tous les observateurs s'accordent à penser que le taux de participation aux primaires sera un bon indice de cette mobilisation. Il est d'autant plus délicat de se fixer des seuils d'où évaluer réussite ou échec de la manoeuvre que celle-ci est inédite. Et ce n'est rien de dire que ce taux de participation peut réserver des surprises. Les socialistes déclarent espérer une participation d'un million. Il semblerait d'après la dernière enquête que ce seuil puisse être dépassé.


1) Pourquoi La Rochelle ?

2) voir par exemple cet article du Monde : Le ton monte entre François Hollande et Martine Aubry du 25 Août

3) ainsi par exemple : Royal sur les critiques faites par le camp Aubry à propos du bilan d'Hollande à la tête du PS : Ce n’est pas faux. Un responsable politique doit accepter d’être évalué sur son action. François Hollande avait promis de faire passer le PS de 100.000 à 700.000 adhérents, cela n’a pas été fait. Comme la réforme du parti.

ou encore les propos de M Aubry sur France Inter :

Vendredi 15 heures, démarrage officiel de l’université d’été socialiste . Les candidats à la primaire sont là . sauf un, François Hollande, La rumeur se répand alors comme une trainée de poudre : le député de Corrèze boude. ! Il ne veut pas être sur la photo de famille !Il n’a pas apprécié la phrase de Martine Aubry le matin sur France inter ,affirmant que lorsqu’elle avait pris la direction du parti , les socialistes faisaient collectivement "pitié" parce qu’ils n’étaient pas "prets à gouverner", Il aurait aussi très mal pris la phrase de Jean Christophe Camdabélis sur son blog ironisant sur ceux qui voudraient « des primaires pépères » . Ne jouons pas les chochottes au premier chuchotement ! écrit le député de Paris qui soutient Martine Aubry . Cela en restera la. Les hollandais ne veulent pas d’une guerre ouverte. Ils traitent la rumeur par le mépris "Dérisoire", commente Pierre Moscovici , directeur de campagne de François Hollande qui justifie ainsi l’absence du candidat "nous n’avions pas prévu qu’il vienne et on ne nous avait pas prévenu qu’il y aurait une photo de famille".

4) sur son blog :

La guerre, le terrorisme, la grande criminalité, la crise finale du modèle financier, la révolution du mode de production, la panne de l’europe, l’échapée solitaire de l’Allemagne, les déficits, le chômage, la montée des « émergents », le vieillissement, le casse-tête énergétique, le péril écologique !!

Jamais les défis n’ont été aussi intraitables, durs, complexes. Et on voudrait une primaire « pépère ». Il faut être intraitable sur deux points: Le respect pendant et l’unité après. Mais de grâce, laissons la place à l’incarnation, à la compétition, ne stérilisons pas les primaires. Nous voulons un ou une présidente qui tienne la barre. Alors ne jouons pas les chochottes au premier chuchotement. La capacité à rassembler est indissociable de celle de trancher et d’affronter l’adversité. La présidence qui vient ne sera pas un dîner de gala. Et les primaires servent aussi a voir qui a la trempe d’affronter des tempêtes !

5) Delors au secours de sa fille

6) lire à ce sujet le court éditorial de Demorand dans Libération

Un pavé dans la campagne. Le livre que publie dans quelques jours Pierre Rosanvallon tombe à point. Déjà parce qu’il permet de mieux saisir les différentes facettes de la crise que traverse la France : l’inégalité des citoyens devant l’impôt, au cœur du débat politique depuis 2007 ; les écarts colossaux de revenus entre les deux bouts du marché du travail ; la fragmentation du corps social, devenu un archipel de classes que plus rien ne relie entre elles et qui se regroupent en ghettos ; les tensions scolaires et la mission impossible assignée à l’école, à quelques jours de la rentrée des profs et des élèves ; la montée aux extrêmes, avec le retour en force d’idéologies nationalistes et populistes. Rosanvallon parvient à tirer une analyse d’ensemble de ce chaos d’événements singuliers : la crise des crises est celle du concept même d’égalité. Ce concept au cœur de la devise de la République, gravé au fronton des bâtiments publics mais attaqué de toutes parts et littéralement vidé de sa substance. Comment s’étonner qu’une démocratie aille mal quand l’un de ses piliers s’effondre ? Et que nous régressions collectivement, dit Rosanvallon, retrouvant en plein XXIe siècle des situations qui caractérisaient… le XIXe ? Face à cette situation, colmater les brèches ou se contenter de limiter les inégalités demeurera utile mais vain. Alors que la France se dirige vers la présidentielle, ce livre rappelle la politique à ses devoirs. Et formule clairement l’enjeu majeur de 2012 : non pas garder le triple A, mais refonder la société.



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