Textes

Augustin, La Trinité XV, 28, 51

 

Dirigeant mes efforts toujours d’après cette règle de foi, autant que je l’ai pu, autant que tu m’as donné de le pouvoir, je t’ai cherché ; j’ai désiré voir par l’intelligence ce que je croyais ; j’ai beaucoup étudié et beaucoup peiné. Seigneur mon Dieu, mon unique espérance, exauce-moi de peur que, par lassitude, je ne veuille plus te chercher, mais fais que toujours je cherche ardemment ta face (Ps 104, 4). Ô toi, donne-moi la force de te chercher, toi qui m’as fait te trouver et qui m’as donné l’espoir de te trouver de plus en plus. Devant toi est ma force et ma faiblesse : garde ma force, guéris ma faiblesse. Devant toi est ma science et mon ignorance : là où tu m’as ouvert, accueille-moi quand je veux entrer ; là où tu m’as fermé, ouvre-moi quand je viens frapper. Que ce soit de toi que je me souvienne, toi que je comprenne, toi que j’aime ! Augmente en moi ces trois dons, jusqu’à ce que tu m’aies reformé tout entier […].

Délivre-moi, Seigneur, de l’abondance de paroles dont je souffre à l’intérieur de mon âme, qui n’est que misère devant ton regard, mais qui se réfugie dans ta miséricorde. Car ma pensée ne se tait point, lors même que ma bouche se tait. Si du moins je ne pensais qu’à ce qui t’agrée, je ne te demanderais pas de me délivrer de cette abondance de paroles.
Mais nombreuses sont mes pensées, telles que tu les connais, pensées d’homme, car elles sont vaines. Donne-moi de n’y pas consentir et, lors même que j’y trouve quelque attrait, de les désavouer néanmoins et de ne pas m’y appesantir en une sorte de sommeil. Qu’elles ne prennent jamais sur moi assez d’empire pour être à la source d’une part de mes activités ; mais que mes jugements du moins soient à l’abri de ces pensées, ma conscience à l’abri, sous ta sauvegarde […].


Quand nous t’aurons atteint, cesserons ces paroles que nous multiplions sans t’atteindre : tu demeureras seul tout en tous (I Co 15, 28) : nous ne dirons sans fin qu’un seul mot, te louant d’un seul mouvement et ne faisant nous aussi qu’un seul tout en toi, Seigneur, Dieu seul et unique, Dieu Trinité, tout ce que j’ai dit dans ces livres et qui me vient de toi, que les tiens le reconnaissent ; et si quelque chose vient de moi, toi et les tiens, pardonnez-le moi. Amen.