Textes

Augustin Confessions, livre XI.

 

Dès lors que vous êtes l'artisan de tous les temps, s'il exista un temps, avant la création par vous du ciel et de la terre pourquoi dit-on que vous restiez oisif ? Car ce temps même, c'est vous qui l'aviez créé, et les temps n'ont pas pu s'écouler avant que vous fissiez les temps. Si, au contraire, avant le ciel et le terre, nul temps n'existait, pourquoi demande-t-on ce que vous faisiez alors ? Il n'y avait pas d'« alors » là où il n'y avait pas de temps.


Ce n'est pas dans le temps que vous précédez le temps ; autrement vous n'auriez pas précédé tous les temps. Mais vous précédez tout le passé de la hauteur de votre éternité toujours présente, et vous dominez tout l'avenir, parce qu'il est l'avenir et qu'à peine arrivé, il sera passé, alors que vous, « vous demeurez le même, et que vos vos années ne passeront pas ».
Vos années ne vont ni ne viennent ; mais les nôtres vont et viennent afin que toutes viennent. Vos années demeurent toutes simultanément, puisqu'elles demeurent ; elles ne s'en vont pas, elles ne sont pas chassées par celles qui arrivent, car elles ne passent pas, tandis que les nôtres ne seront toutes que lorsque toutes elles ne seront plus. « Vos années ne font qu'un seul jour » et votre jour n'est pas un évènement quotidien, c'est un perpétuel aujourd'hui, car votre aujourd'hui ne cède pas la place au lendemain et le lendemain ne succède pas à hier. Votre aujourd'hui, c'est l'Eternité. (...) Tous les temps sont votre oeuvre, vous êtes avant tous les temps et il ne se peut pas qu'il y eût un temps où le temps n'était pas.