Textes

Augustin, La Cité de Dieu, XIV, 28

 

De fait, les deux cités sont mêlées et enchevêtrées l’une dans l’autre en ce siècle, jusqu’au jour où le jugement dernier les séparera. Je vais donc, dans la mesure où la grâce divine m’y aidera, exposer ce que j’estime devoir dire sur leur origine, leur développement, la fin qui les attend. Je servirai par là la gloire de la cité de Dieu qui, comparée ainsi à l’autre, se détachera par opposition avec un plus vif éclat (CD I, 35).

Deux amours ont fait deux cités : l’amour de soi jusqu’au mépris de Dieu, la cité terrestre, l’amour de Dieu jusqu’au mépris de soi, la cité céleste.


L’une se glorifie en elle-même, l’autre dans le Seigneur. L’une demande sa gloire aux hommes ; pour l’autre, Dieu témoin de sa conscience est sa plus grande gloire. L’une dans sa gloire dresse la tête ; l’autre dit à son Dieu : « Tu es ma gloire et tu élèves ma tête. » (Ps 3, 4). L’une, dans ses chefs ou dans les nations qu’elle subjugue, est dominée par la passion de dominer ; dans l’autre on se rend mutuellement service par charité, les chefs en dirigeant, les sujets en obéissant. L’une en ses maîtres, aime sa propre force ; l’autre dit à son Dieu : « Je t’aimerai, Seigneur, toi ma force » (Ps 17, 2).


Aussi, dans l’une les sages vivant selon l’homme ont recherché les biens du corps ou de l’âme ou les deux ; et ceux qui ont pu connaître Dieu ne l’ont pas glorifié comme Dieu ni ne lui ont rendu grâce, mais se sont égarés dans leurs vains raisonnements et leur coeur insensé s’est obscurci ; s’étant flattés d’être sages [c’est-à-dire s’exaltant dans leur sagesse sous l’emprise de l’orgueil], ils sont devenus fous : ils ont substitué à la gloire du Dieu incorruptible, des images représentant l’homme corruptible, des oiseaux, des quadrupèdes et des serpents [car à l’adoration de telles idoles, ils ont conduit les peuples ou les y ont suivi] ; et ils ont décerné le culte et le service à la créature plutôt qu’au Créateur qui est béni dans les siècles (Rm 1, 21-24).

Dans l’autre au contraire, il n’y a qu’une sagesse, la piété qui rend au vrai Dieu le culte qui lui est dû, et qui attend pour récompense en la société des saints, hommes et anges, que Dieu soit tout en tous (Rm 1, 25).