Textes

Augustin, La Cité de Dieu X, 29

Mais l’incarnation du Fils immuable de Dieu par laquelle nous sommes sauvés et qui nous permet d’atteindre ce que nous croyons ou ce que nous comprenons si peu que ce soit, vous vous refusez à l’admettre. Ainsi découvrez-vous de quelque façonmais de loin, et avec des yeux troubles, la patrie où nous devons demeurer ; et pourtant, le chemin qu’il faut suivre, vous [les philosophes] ne le tenez pas […].

Oh ! si tu avais connu la grâce de Dieu par Jésus Christ notre Seigneur ! Si tu avais pu voir dans l’Incarnation où il a pris une âme et un corps d’homme, le plus beau chef-d’oeuvre de la grâce ! Mais que faire ? C’est en vain, je le sais, que je parle à un mort [Porphyre], du moins pour ce qui te regarde […]. Mais pour être à même d’acquiescer à cette vérité, vous aviez besoin de l’humilité, vertu bien difficile à persuader à des têtes comme les vôtres […].


Pourquoi, au nom de ces opinions, refusez-vous d’être chrétiens, sinon parce que le Christ est venu humblement et que vous êtes orgueilleux ? Auriez-vous honte, par hasard, d’être corrigés ? C’est là précisément le vice des orgueilleux. Il est honteux, certes, pour les savants de quitter l’école de Platon et de se faire les disciples du Christ, qui, par son Esprit, apprit à un pêcheur à dire avec sagesse : « Dans le principe était le Verbe et le Verbe était auprès de Dieu et le Verbe était Dieu. » Tel est le début du saint évangile que nous appelons selon Jean, dont un platonicien disait, comme nous l’avons souvent entendu raconter par le saint vieillard Simplicien élevé depuis au siège épiscopal de Milan, qu’il faudrait l’écrire en lettres d’or et le placer dans toutes les églises à l’endroit le plus apparent.


Mais auprès des orgueilleux, Dieu, le Docteur par excellence, a perdu tout crédit, dès lors que « le Verbe s’est fait chair et a habité parmi nous. » C’est peu pour ces malheureux d’être malades, il faut encore qu’ils se glorifient de leur maladie et rougissent des remèdes qui pourraient les guérir. Une pareille conduite ne réussit pas à les relever, mais leur chute aggrave encore leur mal.