palimpseste Chroniques

UMP

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On pourrait aisément adopter la posture un rien narquoise que la presse de la semaine aura choisie ... Je ne suis pas certain que ce soit la plus intéressante ....

La tragi-comédie de l'élection à l'UMP révèle plusieurs tendances - rarement réjouissantes - qui au-delà des couacs démocratiques jettent quelque bémol sur la franche rigolade des vanités transpercées ....

- le risque démocratique qu'on oublie toujours mais qui demeure réel : consulter la base, c'est envisager que celle-ci offre une réponse floue, ambiguë. Et c'est bien le cas ici. Au delà des tripatouillages des uns et des autres, et quelque soit le vainqueur retenu in fine, ce dernier ne le sera que d'une poignée de voix. Sans escompter des scores de dictateurs, la pire des situations demeure quand même celle-ci ; un écart confidentiel. Par comparaison, on sait depuis 74 que les scores aux présidentiels ne sont jamais énormes et, notamment en 74, il aura fallu une formidable maturité démocratique pour que nul ne vienne contester la légitimité de l'élection de Giscard alors même que celui-ci ne n'aura eu emporté que de 150 000 voix à peine. Des majorités ingouvernables, le pays en a connues, mais on pouvait toujours arguer que c'était le mode de scrutin voire l'équilibre constitutionnel qui en étaient responsables sous la IVe. Le risque majeur demeure le cas de figure où le message adressé par le corps électoral est flou, divisé à part égale. C'est donc politiquement qu'il faut l'interpréter et non pas mécaniquement.

- la crise des partis qui auront perdu depuis les débuts de la Ve à peu près toutes leurs attributions - ce que les primaires auront fini d'illustrer. Devenus de simples machines électorales, ils apparaissent d'autant plus aisément comme des parades vulgaires d'ambitions que les échéances électorales suivantes sont lointaines avec cette once d'entropie inévitable qui ronge dès lors que les précédentes auront été perdues. Il n'y a pas à s'y tromper, le résultat est d'autant plus étriqué que le contenu idéologique, politique sera pauvre : c'est bien ce qui s'est passé. Entre les deux, même s'il ne faut pas négliger les nuances, on ne glissera pas plus qu'une feuille de papier à cigarette : il n'est qu'à voir les soutiens respectifs des deux protagonistes pour comprendre que le combat n'engageait pas l'aile droite et gauche du parti. Au reste, la posture des deux aura été tout sauf idéologiquement marquée. Fillon a beau se revendiquer, très tacitement, de ses lointaines origines d'un gaullisme social qui a laissé bien peu de traces, il a depuis longtemps plié armes et bagages pour un libéralisme à tout crin. Copé, quant à lui, aura beau avoir tenté une opposition sourde à Sarkozy durant le quinquennat, ce sont bien les pires accents ultra-droitiers de la campagne d'entre-deux tours -frontière, identité, xénophobie à peine camouflée - qu'il aura entonnés ces derniers mois.

- la dérive ultra-droitière : tout au long de ces derniers mois les enquêtes, sondages et autres commentaires avisés nous ont fait croire que si les sympathisants de l'UMP étaient favorables à une alliance avec le FN et avaient des mots d'ordre qui n'en étaient pas éloignés, en revanche les militants du partis y étaient opposés, ce scrutin révèle le contraire. La droitisation est à l'oeuvre : rien n'est plus inquiétant. Et ceci signe la fin de l'UMP, telle en tout cas qu'elle fut conçue par Chirac et Juppé. A l'origine mariage de la carpe et du lapin, volonté de créer un grand parti de la droite susceptible de réunir ces grands faux amis que furent toujours centristes et gaullistes, désormais l'UMP se voit confrontée à un cruel dilemme : de gaullistes, il n'en est plus ; les centristes, vu les circonstances peuvent à tout moment céder aux tentations centrifuges.

- la fin du sarkozysme : annoncée comme telle, notamment par Le Monde, en ceci au moins qu'il ne reste rien de la promesse de 2007 de siphonner l'extrême droite mais que bien au contraire c'est le FN qui menace de phagocyter l'UMP au risque de la faire éclater.

Que l'UMP, comme tout parti qui vient de perdre le pouvoir ait besoin de revoir ses fondamentaux, est une évidence. Et, après tout, une cure d'opposition est faite pour cela. Il y a néanmoins plus !

Sans doute faudrait-il un jour réécrire l'histoire de la fin du gaullisme dont Chirac aura été l'acteur principal. On ne peut continuer à analyser la vie politique française comme si de rien n'était, comme si la droite n'avait pas substantiellement changé depuis trente ans : la tension entre la droite classique et le gaullisme social fait partie de l'histoire même du gaullisme qui sut, même avec des heurts et des grincements, rassembler - le grand mot du gaullisme - ce qu'il restait de droite vichyste et d'esprit de la résistance. 81 est passé par là ; la grande offensive idéologique libérale aussi. Ce qu'il reste de social est passé chez les centristes et a disparu avec Séguin. C'est le grand rêve de Bayrou qui paraît devoir se réaliser - j'en doute néanmoins - celui d'un éclatement de la droite classique qui redonnerait quelque substance à ce centrisme introuvable depuis 58.

Mais on ne peut pas considérer comme une recomposition anodine celle qui verrait ouverte la frontière de la droite et de l'extrême-droite. Ce genre de mutation-là, qui prend vite des allures de trahison, ne se sera produite que deux fois : une première en 1815 qui offrit aux chevau-légers de Louis XVIII puis de Charles X l'illusion suffisante de pouvoir réaliser une restauration complète de l'Ancien Régime ; une seconde en 40, avec le ralliement à Pétain d'une droite froussarde, meurtrie et sans honneur. Qu'on ne s'y trompe pas : cette droite a toujours fait perdre son temps à la France .... et bien souvent son honneur.

La mondialisation et les endémiques crises qu'elle produit avec la régularité d'un métronome, est en train de produire ici un séisme politique dont ces agaceries d'ambitions meurtries ne sont que les vulgaires symptômes. La gauche ne sortira pas indemne de son retour au pouvoir et son social-libéralisme montre déjà ses limites. La droite ne sortira pas indemne de sa cure d'opposition : elle ne pourra pas cette fois refaire le coup de 97 et tenir pour accidentelle sa défaite pour reprendre son chemin comme si de rien n'était.

C'est en tout cas bien le consensus de l'après-guerre qui vient de voler en éclat ....

 

 

 


1) sur Médiapart :


En direct de Mediapart : l'UMP en plein chaos par Mediapart