palimpseste Chroniques

Photos dérangeantes

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Je sais trop ce que la photo peut avoir parfois de dérangeant en ce qu'elle capte avec une cruauté parfois implacable ce que nos yeux fatigués désapprennent souvent de retenir. Ces deux albums, où j'ai piqué quelques clichés, le proclament parfaitement.

Je devine bien ce que ces clichés américains peuvent révéler de désarroi voire de peur. C'est vrai, personne ne se regarde comme si quelque chose non du rêve mais du lien américain avait été dissous dans la peur et l'incertitude de l'avenir. Chacun, dans son petit monde intérieur, aussi désert qu'incertain, semble contrefaire une société qui n'en est plus tout à fait une et où tous ignorent l'autre tellement rôde la peur.

Presque obscènes, mais mêlés de tendresse nonobstant, ces clichés d'une famille britannique, ordinaire, engluée dans la misère ou plus simplement dans ce que le quotidien peut sournoisement sécréter de banalement sordide.

Cette maison, sans doute trop petite, d'où l'on ne sort presque jamais parce que dehors tout est cher, et que, finalement, elle entrelace l'ultime noeud où quelque chose fait mine de se partager ; mais une maison qu'on ne sait entretenir, pas plus que le jardin d'ailleurs ; une maison qu'on occupe mais qu'in n'habite pas ; où tout semble traîner même ces vêtements qui font à eux seuls l'objet de quelque soin. Où les adolescentes, ingrates encore, rêvent sans doute de fuir mais restent juchées sur un vélo qui n'emmene nulle part ; où le soin pris du cheveu contredit tellement le désordre ambiant qu'on ne peut qu'y voir l'ultime mensonge que la coquetterie se ferait à soi-même.

Oui, se demander pourquoi ces clichés me dérangent tant : pour cette part d'ombre où ils nous renvoient ? Pour cette absence d'horizon, surtout !