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Le Monde du 24/11/12

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La crise qui déchire l'UMP ne survient pas par hasard. Certes, elle est déclenchée par les scores équivalents qu'ont obtenus ses candidats à la présidence, François Fillon et Jean-François Copé. Certes, elle est le fruit d'ambitions individuelles féroces, mais la rupture s'explique par une division idéologique profonde au sein du parti conservateur. Elle trouve même ses racines dans la schizophrénie d'une grande partie des dirigeants de la droite, qui ne parviennent pas à conjuguer leur éthique et leurs ambitions personnelles.

Ainsi, Jean-François Copé, qui inventa le drame des enfants se faisant voler leur pain au chocolat pour ne pas avoir observé le jeûne du ramadan, passe pour l'héritier radical de Nicolas Sarkozy. Il incarne moins une résurgence néogaulliste du RPR de Jacques Chirac qu'un retour des jeunes loups de l'ancien Parti républicain, libéraux et droitiers. Mais M. Copé a fait équipe avec celui qui osa en premier émettre des critiques publiques contre la droitisation de la campagne de Nicolas Sarkozy en 2012 : Jean-Pierre Raffarin. Les libéraux centristes, comme l'ancien premier ministre Raffarin ou l'ex-ministre de l'éducation Luc Châtel, ont rejoint M. Copé, pour reconquérir le pouvoir. Ils savaient que leur champion devrait ménager une large place à un pôle centriste pour rassembler toute la droite. Ce faisant, ils n'ont pas mené l'indispensable clarification idéologique.

L'équipe de François Fillon apparaît plus traditionnelle, plus provinciale, plus consensuelle. L'unique premier ministre de Nicolas Sarkozy se présente comme un orthodoxe en économie, un modéré sur les sujets de société. Mais celui qui se disait dès 2007 "à la tête d'un Etat en faillite" n'a jamais eu le courage de claquer la porte de Matignon en raison du laxisme budgétaire de Nicolas Sarkozy, ou pour protester contre la dérive sécuritaire, évidente depuis l'été 2010 avec le discours de Grenoble sur les Roms et la déchéance de la nationalité des assassins de policiers. François Fillon est bloqué au centre par l'UDI de Jean-Louis Borloo.

"Nous sommes en train de devenir l'écurie présidentielle du Front national ou de Jean-Louis Borloo. Au choix", a résumé l'ancien ministre de l'agriculture Bruno Le Maire, qui n'a pas choisi entre M. Fillon et M. Copé. Le péril sera encore plus grand pour la droite si François Hollande continue de s'affranchir de son aile gauche et instille une dose de proportionnelle aux législatives, rendant possible une alliance au centre.

Nicolas Sarkozy n'est pas le grand gagnant de cette guerre fratricide. Il en est la cause. C'est lui qui a franchi, lors de sa campagne présidentielle pour 2012, les bornes de la droite fréquentable. Nicolas Sarkozy, faux retraité de la politique, est présenté comme un recours.

C'est oublier l'équation qui fit son succès en 2007. Il était parvenu à réconcilier le centre et la droite populaire. Mais il a échoué, se montrant incapable de réaliser la rupture promise, tandis que son tempérament, qui a crispé toute la société française, l'a disqualifié. Nicolas Sarkozy n'a guère plus de chances de revenir, durablement et avec succès, dans la course que n'en avait son adversaire de 2007, Ségolène Royal.

Si elle veut se reconstruire, l'UMP doit commencer par un inventaire sérieux des années Sarkozy et une redéfinition de valeurs communes.