Chronique du quinquennat

NKM

Buisson voulait «faire gagner Charles Maurras *

déclare-t-elle aujourd'hui en ajoutant

Le principal reproche que je fais à Patrick Buisson c’est que son objectif, à mon avis, n'était pas de faire gagner Nicolas Sarkozy, il était de faire gagner Charles Maurras

Soit ! il faut lui donner acte d'avoir dit tôt, et écrit même, que s'il le fallait elle préférait voter PS que de laisser passer un candidat FN. Pour autant on l'a peu entendue protester contre la stratégie du ni-ni de n'entre deux tours des législatives et vue plus préoccupée de sauver son propre siège que de monter sur ses grands chevaux idéologiques ou moraux. Certes, ce n'est pas pendant une campagne que l'on tire contre son propre camp ... mais quand même !

Il n'est jamais trop tard !

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Il n'en reste pas moins que si elle a parfaitement vu combien le danger était à terme une éventuelle alliance avec le FN plus ou moins souhaitée par les militants, et plus encore par les électeurs qui s'y sentent prêts, elle se trompe assurément en croyant que c'est au niveau des principes ou de l'idéologie que la bataille se jouera (1) . Le temps est bien loin d'un de Gaulle qui dominait son petit monde de grandes envolées historiques ou culturelles : depuis Pompidou sans doute, Giscard assurément, la droite en virant progressivement au libéralisme, le gaullisme chiraquien en abandonnant le dogme interventionniste et souverainiste des débuts, aura fait son credo de l'impératif économique, du pragmatisme politique et du refus de toute idéologie vite rangée au magasin des accessoires de la pensée unique.

Pensée & politique : politique de la pensée

La droite ne pense pas ; elle gère ! Elle a sans doute une âme, mais, par prétendu réalisme, est prête à beaucoup .... mais sûrement pas à penser sur fond des grands principes ou des argumentaires moraux de la République.

Sarkozy l'avait choisie pour ce qu'elle représentait la nouvelle génération ! Le moins qu'on puisse dire est qu'elle tarde à pointer ses armes ou au moins ses arguments. En attendant le temps reste aux Fillon, Copé et autres Bertrand, Jacob et Lellouche pour ne même pas évoquer les Raffarin ou Juppé.

Cinq années d'opposition leur permettra sans doute d'y voir plus clair et de voir les dents pointues rayer les parquets de leur ambition imbécile. La crise se chargera de tout cela.

J’observe aujourd'hui que beaucoup de monde se rallie à cette position. Ils ne m’ont pas tous soutenue à l'époque mais mieux vaut tard que jamais. Simplement il y a des choses qu’il vaut mieux dire avant les élections qu’après

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Reste qu'elle aussi fustige une stratégie qui a fait perdre mais ne s'en prend pas à Sarkozy lui-même. Quoi ce n'eût été que cynisme politique, gênant certes, mais répréhensible surtout parce qu'il fit perdre ? Jamais elle ne s'interroge autrement que sur le mode de l'influence d'un Buisson ou d'autres, jamais elle ne se demande ce qu'il pouvait y avoir derrière ce revirement de campagne. En ceci elle rejoint Bachelot. Il faudra bien un jour pourtant en revenir aux fondamentaux de la morale et de la politique. J'ignore, je l'avoue, si Sarkozy, dans sa rage à réussir, était véritablement sincère dans ses prurits maurrassiens ; je sais juste qu'il aura été manifestement capable de faire flèche de tout bois.

Ce n’est pas une fantasmatique "pétainisation" de Nicolas Sarkozy qui pose aujourd’hui problème, c’est la crédibilité même de sa parole. Le président-candidat est un as du cynisme électoral, prêt à tout, ou presque, pour garnir sa besace de nouveaux suffrages, mais un piètre idéologue. Tel n’est pas le cas de son mauvais génie *

Où je reconnais le technicien qui s'inquiète toujours du comment et ne se pose pas la question du pourquoi ! où je reconnais la manoeuvre fasciste par excellence qui aura toujours consisté à distinguer, séparer, cloisonner les problèmes pour qu'ils ne paraissent devoir se poser que de manière pragmatique.

Il faudrait relire R Hoess : dans ce livre écrit durant sa détention après la guerre, ce qu'il y a de plus terrible, on le sait, c'est la banalité si technique avec laquelle l'ancien responsable du camp d'Auschwitz parle de sa vie de famille dans le camp même où il habitait, traite de ses problèmes de stocks et de machines, se plaignant notamment de la méticulosité tatillonne de Berlin qu'on eût pu croire la preuve de la conscience professionnelle d'un bon comptable aguerri si l'on n'oubliait qu'il s'agissait de déportés et de chambres à gaz. De la banalité du mal écrira plus tard H Arendt ... oui effectivement il s'agit bien de cela, de ce truchement que prend l'horreur pour se revêtir des atours du quotidien : or, ce truchement c'est toujours le point de vue distinct, celui de la technique, celui de l'intermédiaire qui ne se pose plus la question de de dont il assure la médiation mais seulement celle de la plus fluide médiation possible. Celui-ci en bon allemand militaire obéissait et ne se préoccupait que de faire le mieux possible son devoir. Befehl ist Befehl demeure le grand argument que les nazis utilisèrent pour se disculper : il signifie sans doute la plus grande faute, celle qui exige de l'individu qu'il se noie dans la masse, s'y soumette et s'y nie. 3

Or cette sujétion qui est l'exact contre-point de l'autonomie de l'individu que posera le siècle des Lumières est en même temps, on l'a vu, le credo fondateur du maurrassisme. Bien sûr on peut y voir une question morale, celle qui intime que la fin ne justifie pas les moyens ; évidemment la technique est tout entière une pratique tendue vers le but à atteindre et il est difficile sans doute au milieu du gué de se poser des questions métaphysiques. Mais que peut bien signifier la remise en question de la stratégie Buisson quand elle n'est pas accompagnée par la remise en question du choix politique qu'aura fait Sarkozy ? Après tout les âmes noires ne sont jamais que des conseillers ... (4) En resteront-ils à ce cynisme politique qui veut que tous les coups soient permis ? On prêtait à Chirac le fameux les promesses n'engagent que ceux qui sont prêts à y croire ; en réalité c'est du côté de l'idéologie que se sera joué l'amoralité ce coup-ci.

Pour l'instant l'ombre tutélaire pèse encore et personne ne s'est autorisé à pourfendre au coeur du système : on s'en prend aux lampistes même s'il est exact que ceux-là n'étaient pas tout à fait n'importe qui, ni ne venaient de n'importe où ? Que les conseillers eussent entraîné le Président où il ne voulait pas aller, jouant dès lors les traîtres plutôt que les traducteurs me semble invraisemblable ; que celui-ci, peu soucieux des présupposés idéologiques, se fût saisi de toute analyse où il espérait pouvoir faire la différence, est plus dans la manière de ce stratège qui a toujours joué de la différence, du clivage, pour s'imposer. Voire de la transgression.

Il y a, décidément, ici, une véritable politique de la pensée conçue comme un produit, une marchandise anodine que l'on peut prendre, échanger, voire brader. Contrairement aux apparences, Sarkozy, de ce point de vue aura bien été alors le digne héritier de Chirac en qui on a pas eu tort de voir un candidat efficace mais sans réel projet. Machine à gagner une élection, à conquérir le pouvoir ... mais pour quoi faire ? Loin, oui, décidément, le temps d'un de Gaulle ou même d'un Mitterrand qui, en décembre 81 en tout cas, déclarait encore avoir un projet socialiste pour la France.

Sans jouer pour autant les oies blanches en politique, on peut regretter cette vacuité idéologique produisant de tels confusions, faisant encourir de tels risques. Qu'on ne s'y méprenne pas, il n'est effectivement pas un acte politique qui ne comporte une idéologie implicite. Le refus de toute idéologie est encore une idéologie 5 d'autant plus redoutable, qu'insidieuse, elle sera mal maîtrisée, ou mal assumée. Sarkozy aura été l'homme d'une période, celui de cette efficacité technicienne, celui d'une époque peu cultivée, n'aimant pas les idées, croyant être moins crédule que les précédentes de ne croire aimer que les faits mais confondant par là même politique et marketing. Il ressemble bien à cette période qui engouffre des générations entières dans des études commerciales ou de gestion plutôt que de sciences ou de philosophie. Et qui s'autorise à toutes les confusions conceptuelles.

Heidegger s'amusait à fustiger une science qui ne pensait pas ! C'est au politique désormais de se vautrer dans ce refus de pensée, qui est en réalité un refus d'elle-même. Déni du politique nous l'avons écrit mais déni du citoyen aussi. Comment n'y pas voir un solide mépris pour l'électorat, le citoyen ? Comme si on pouvait lui faire avaler n'importe quoi ou qu'il fût suffisamment sot pour ne pas s'apercevoir de la supercherie. Que la démocratie soit aussi l'art de ramener à des choix simples et clairs des problèmes complexes, qu'évidemment la démocratie est le contraire de la technocratie en confiant la légitimité au peuple en dépit qu'il ne fût pas savant, est une évidence qu'il faut rappeler. Mais la frontière qui la sépare de la démagogie, terme qu'à l'instar de Mélenchon, je préfère à populisme, tient à ce point exact où l'on institue le peuple comme lieu de souveraineté et donc a priori comme une tête et non pas simplement comme un ventre !

La grande habileté des communicants de service se sera donc bien retournée contre eux : il est bien une ligne, terrible et irréfragable, où l'habileté à discourir rend le propos inaudible pour cette raison même. Ce n'est pas tant que le propos fût inauthentique ... il aura surtout été vide ! Et donc trop plein ... de sous-entendus, de mépris.

C'est en ceci qu'ils auront été anti-humanistes : d'avoir pris le peuple pour un objet et non pour un sujet.

Le langage managérial n'aura été que la forme concupiscente de ce mépris-là. On peut d'ailleurs se demander dans quelle mesure la défaite de la droite n'aura pas été la sanction populaire de ce mépris : l'électorat, à bien y regarder, sait toujours envoyer des messages fins dans les urnes, à qui veut bien se donner la peine d'y lire attentivement. Si la victoire de Sarkozy avait été une réponse au retour du politique proclamé par le candidat, et au refus de tout immobilisme, sa défaite cinq ans après aura été la gifle de l'offensé ; aussi. L'engouement durant la campagne, pas dans les urnes, pour Mélenchon symbolise lui aussi parfaitement cette exigence de politique de la part d'un électorat qui a parfaitement compris la réalité de la crise et n'a pas admis qu'on le promène ducôté des frontières et de la Nation.

Au clair, ce n'est pas tant sur la droitisation de son propos qu'il faudra reprendre les fondamentaux à droite, mais bien sur le refus de toute idéologie qui est sans doute plus délétère que n'importe quelle idéologie. En seront-ils capables ? Le voudront-ils ? Le pourront-ils ?

Pour être honnête, l'aggiornamento idéologique devra lui aussi se faire un jour à gauche. Car, après tout, le social libéralisme d'un Hollande n'est jamais que la version de gauche de ce refus désastreux de pensée.


1) lire

2)* sur Canal le 24 juin

sur Maurras lire

3 ) lire Jaspers La culpabilité allemande

Distinguons:

La culpabilité criminelle.

Les crimes sont constitués par des actes objectivement établis qui contreviennent à des lois univoques. L’instance compétente, c’est le tribunal, qui établit les faits selon la procédure formelle et leur applique des lois.

La culpabilité politique.

Elle réside dans les actes des hommes d'État et dans le fait que, citoyen d’un État, je dois assumer les conséquences des actes accomplis par cet État, à la puissance duquel je suis subordonné et dont l’ordre me permet de vivre. Chaque individu porte une part de responsabilité dans la manière dont l'État est gouverné. L’instance compétente, c’est la force et la volonté du vainqueur en politique intérieure comme en politique extérieure. C’est le succès qui décide. On mettra un frein à l’arbitraire et à la violence par la sagesse politique parce qu’on pense aux conséquences plus lointaines, et parce qu’on reconnaît la validité des normes s’imposant sous le nom de droit naturel et de droit des gens.

La culpabilité morale:

Les actes que j’accomplis sont toujours, en derniers ressorts, individuels, et j’en suis moralement responsable; cela est vrai de tous mes actes, mêmes politiques et militaires. La formule “un ordre est un ordre” (Befehl ist Befehl ) ne peut jamais avoir de valeur décisive. Un crime reste un crime même s’il a été ordonné (bien que, selon le degré de danger, de coercition tyrannique et de terreur, on puisse admettre des circonstances atténuantes) ; et de même tout acte reste soumis également au jugement moral. L’instance compétente, c’est la conscience individuelle, c’est la communication avec l’ami et le prochain, avec le frère humain capable d’aimer et de s’intéresser à mon âme.

La culpabilité métaphysique:

Il existe entre les hommes, du fait qu’ils sont des hommes, une solidarité en vertu de laquelle chacun se trouve co-responsable de toute injustice et de tout mal commis en sa présence, ou sans qu’il les ignore. Si je ne fais pas ce que je peux pour les empêcher, je suis complice. Si je n’ai pas risqué ma vie pour empêcher l’assassinat d’autres hommes, si je me suis tenu coi, je me sens coupable en un sens qui ne peut être compris de façon adéquate, ni juridiquement, ni politiquement, ni moralement. Que je vive encore, après que de telles choses se sont passées, pèse sur moi comme une culpabilité inexpiable. En tant qu’hommes, si la chance ne nous épargne pas une telle situation, nous nous trouvons acculés à la limite où il nous faut choisir: ou bien risquer notre vie dans l’absolu, sans but parce que sans perspective de succès, ou bien préférer rester en vie puisque le succès est exclu. Quelque part, dans la profondeur des rapports humains, s’impose une exigence absolue: en cas d’attaque criminelle, ou de conditions de vie menaçant l’être physique, n’accepter de vivre que tous ensemble, ou pas du tout; c’est ce qui fait la substance même de l’âme humaine. Mais il n’en est ainsi ni dans la communauté de tous les hommes, ni parmi les citoyens d’un État, ni même à l’intérieur de groupes plus petits; la solidarité reste limitée aux liens humains les plus étroits et c’est ce qui fait notre culpabilité à tous. L’instance compétente, c’est Dieu seul.
Quand on distingue ainsi quatre notions de culpabilité, le sens des reproches qu’on nous adresse apparaît plus clairement. Ainsi la culpabilité politique, par exemple, signifie bien que tous les citoyens ont à répondre des conséquences des actes accomplis par l'État mais elle ne signifie pas que chaque citoyen individuellement se trouve chargé d’une culpabilité criminelle et morale concernant les crimes qui furent commis au nom de l'État. Le juge décide ce qui a trait aux crimes, le vainqueur ce qui a trait à la responsabilité politique. Parler de culpabilité morale n’a de sens véritable que pour des hommes qui s’affrontent pour leur bien, avec un sentiment d’amour fraternel et en pleine conscience de la solidarité qui les lie. La culpabilité métaphysique peut se révéler, peut-être, dans telle situation concrète, dans une œuvre poétique ou philosophique, mais elle n’est guère communicable directement à autrui. En ont le plus profondément conscience ceux qui ont atteint une fois le domaine de l’absolu et qui ont par là même fait l’expérience de leur échec : ils n’ont pas su rester fidèles à cet absolu à l’égard de tous les hommes. Il leur en reste une honte qui ne les quitte jamais, dont l’origine ne se laisse pas dévoiler dans sa réalité concrète, et qu’ils ne peuvent tout au plus, que commenter en termes abstraits.


EFFETS DE LA CULPABILITÉ:


La culpabilité a des effets extérieurs, pour la vie de l’individu, que celui-ci s’en rende compte ou non; et elle a des effets intérieurs, lorsque, en prenant conscience de ma culpabilité, je vois clair en moi.
a) Le crime grave trouve son châtiment. Il faut comme condition préalable que le juge reconnaisse que le coupable a agi librement; mais il n’est pas nécessaire que celui qui est châtié reconnaisse être châtié à bon droit.
b)La culpabilité politique entraîne la responsabilité pénale (Haftung) qui a pour conséquences les réparations et en outre la perte ou la limitation du pouvoir et des droits politiques. Au cas où la culpabilité se trouve liée à des événements dont l’issue dernière dépend de la guerre, alors les effets pour les vaincus peuvent être l’anéantissement, la déportation, l’extermination. Ou bien il dépend du vainqueur de transposer les conséquences sur le plan du droit, et par là de la modération s’il le veut.
c) La culpabilité morale suscite une prise de conscience, et ainsi le repentir et le renouvellement de soi. Il s’agit là d’un processus intérieur qui aura ensuite aussi des conséquences objectives dans le monde extérieur.
d) La culpabilité métaphysique a pour conséquence une transformation de la conscience que l’homme a de lui-même devant Dieu. L’orgueil est brisé. Cette transformation de soi, résultant d’une action tout intérieure, peut faire jaillir une source neuve de vie active, mais qui restera liée désormais irrémédiablement à un sentiment de culpabilité. Dès lors, l’humilité rend l’homme modeste devant Dieu, et toute son action baigne dans une atmosphère qui exclut à jamais la présomption.

4) sur Buisson :

Buisson stratège

Buisson machine à perdre

sur Mignon

ITV Mignon

Mignon à l'Elysée

Mignon : portrait

polémique sur les sectes

 

5) lire F Brune


la réponse de Copé :

Les procès d'intention n'engagent que leurs auteurs (...) J'ai donc très simplement dit les choses à mes amis du bureau politique: il y a une ligne politique adoptée à l'écrasante majorité, ce n'est pas la ligne de tel ou tel, Je fais la part des choses entre une ligne politique que nous élaborons ensemble et la tentation que peuvent avoir certains de se faire leur propre publicité sur le dos du collectif

Il y aura toujours des gens -et certains en ont donné le triste spectacle ces derniers jours- pour brûler ce qu'ils ont adoré", Le procès désormais instruit à tel ou tel conseiller" de M. Sarkozy "me trouble un peu parce que je ne vois pas pourquoi tout d'un coup il est fait. Est-ce que ceux qui sont aujourd'hui si critiques auraient refusé les portefeuilles ministériels parfois très importants qui leur auraient été confiés si Nicolas Sarkozy avait gagné? Je n'en suis pas si sûr. Mais bon, c'est des rendez-vous de nature humaine...

 

 

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