Il y a un siècle....

Querelle scolaire
Débats parlementaires. 17 novembre 1903

 

 

« J’estime qu’aujourd’hui, au point où nous sommes arrivés, il ne suffit pas de maintenir le droit que nous avons reçu de nos anciens, de la Révolution française : il faut le développer ; et quand je cherche à organiser le régime nouveau, je n’en trouve pas d’autre que le régime de la liberté d’enseignement qui… n’a jamais existé dans ce pays […]

Nous n’échappons à l’Église que pour tomber dans les bras de l’État, de l’Université. Si nous ne sommes pas écrasé par l’un, il faut que nous soyons écrasés par l’autre ; c’est la Révolution, la liberté qui l’exige.

Le tort de tous les professeurs -c’est un tort bien naturel – c’est de croire qu’ils fabriquent des hommes (Rires approbatifs sur divers bancs) Messieurs, en pareille matière, je suis pour la routine classique : je crois que le père et la mère y sont bien encore pour quelque chose (nouveaux rires). J’entends dire tous les jours : « l’enfant est une cire molle, on le forme comme on veut. » Non. L’hérédité et le milieu ont déterminé ces petits hommes qu’on vous envoie. Vous leur apprenez à apprendre. (Très bien ! très bien !) […]

Ce n’est pas que je veuille protester contre l’action de l’enseignement, tout au contraire – je la tiens pour infiniment précieuse et personne n’est plus que moi prêt à lui rendre hommage – mais les jeunes gens qui vous arrivent viennent avec des idées déterminées qu’ils acquièrent tous les jours dans leurs familles ; contre cela, votre confrérie de professeurs est impuissante. J’ai dit que vous ne pouviez pas fermer la grande école de l’Église ; vous ne fermez pas davantage la grande école de la famille. Vous n’empêcherez pas l’enseignement du soir, vous n’empêcherez pas que le père, dans l’esprit de l’enfant qui ne demande qu’à se confier à ceux qu’il aiment, à ceux qu’il voit tous les jours s’intéresser à sa vie, ne puisse d’un mot juste ou faux, barrer tout l’enseignement que vous aurez péniblement édifié dans votre journée.

(Nouvelle marque d’approbation)

Messieurs, …tout se tient. Vous avez fait la liberté de la presse, vous avez fait la liberté de réunion, vous ferez, j’en ai confiance, la liberté de conscience. Vous aurez le courage de faire la liberté d’enseignement. […] Il faut faire de la liberté une réalité vivante, car c’est elle seule qui peut gagner les esprits et les garder.