Il y a un siècle....

Séance du 26 février 1926
Ratification des accords de Locarno.

 

 

[…]

M. le Président. La parole est à M. le président du conseil.

M. le président du conseil. La Chambre voudra bien reconnaître que je n’ai nullement cherché, à la faveur de l’acte en discussion, mon élévation au Capitole. C’est d’abord un exercice qui ne convient guère à mon tempérament et je crois, au surplus, qu’il n’est pas sans péril pour un homme politique. Je n’ai pas cherché à tirer un bénéfice politique d’un acte qui avait provoqué parmi les peuples une certaine émotion. Je ne me suis pas placé dans un courant mystique en vue de retirer un avantage personnel, pour moi-même ou pour mon Gouvernement, d’un acte auquel j’ai puissamment collaboré, dont je connais les avantages sans en méconnaître les limites, et sur lequel j’ai tenu à ce qu’on pût réfléchir mûrement, avant de se prononcer en pleine connaissance de cause. (Très bien ! très bien !)

Messieurs, si l’on examine article par article et d’un point de vue purement juridique, l’acte de Locarno soumis à votre ratification vaut ce que valent tous les actes de cette nature. On peut l’interpréter dans tous les sens. On peut considérer qu’il est fait un profit de telle nation, au détriment de tel ou tel peuple, qu’il met tel ou tel peuple en meilleure situation que tel autre. C’est un petit jeu auquel je ne m’arrêterai pas devant cette Assemblée.

J’ai suivi les différentes interprétations qui ont été attachées à cet acte dans les différents pays intéressés. Qu’ai-je noté ?

Au moment où le gouvernement allemand allait demander la ratification du Reichstag, j’ai lu une lettre signée du maréchal Ludendorff et adressée à son vieux compagnon de guerre, au maréchal Hindenburg, pour l’adjurer de s’opposer à un acte, qui emportait pour l’Allemagne une aussi grave humiliation. J’ai lu beaucoup d’articles qui tendaient à établir que, dans cette affaire, l’Allemagne avait été dupée. J’ai lu beaucoup de discours prononcés par des hommes politiques, de partis très divers, pour supplier le Reichstag de refuser son approbation.

On a parlé à cette tribune des conditions excellentes dans lesquelles l’accord de Locarno avait placé l’Angleterre.

L’honorable M. Joseph Barthélemy a dit que, dans cette affaire, c’est l’Angleterre qui faisait le bon marché : d’où les hommages prodigués au négociateur anglais dans son pays.

Je crois qu’on exagère un peu. J’ai lu, depuis Locarno, des articles de journaux anglais, où M. Chamberlain se trouvait aussi malmené que j’ai pu l’être moi-même dans des articles de journaux français. Des discours ont été prononcés à la chambre des Communes où M. Chamberlain, pour avoir été un des bons artisans de l’accord, s’entendait reprocher très vivement de s’être laissé mettre à la remorque de la France.

Un orateur n’est-il pas allé jusqu’à lui dire, un jour : « Vous vous êtes laissé mettre, sans vous en apercevoir, dans la poche de M. Briand. » Et M. Chamberlain, avec cette douce et calme philosophie, avec cet esprit de finesse et cette délicatesse qui s’allient si bien à sa noblesse d’âme et à sa hauteur de vues, de répondre en souriant – et combien il avait raison ! - : « La poche de mon ami Briand n’est pas assez large pour me contenir. » (Sourires.)

Messieurs, ce sont là jeu de l’esprit, et je pense que l’affaire qui nous occupe est assez grave pour nous appeler à nous placer très au-dessus de tout cela.

Pour moi, ce qu’il y a de bien dans l’acte de Locarno, c’est qu’il ne fait tort à aucune des nations qui l’ont signé. Il n’a pas été rédigé et signé pour assurer des avantages à telle nation contre telle autre. (Très bien ! très bien !) Il faut, pour l’apprécier, le juger dans son véritable esprit, qui n’est pas un esprit de nationalisme étroit et égoïste. Il a été rédigé, il a été conclu dans un esprit européen et dans un but de paix. (Applaudissements à gauche, au centre et à l’extrême gauche.)

Réalise-t-il les conditions de la sécurité absolue ? Rend-il à jamais impossible toute guerre ? Je me garderai de l’affirmer. Je ne veux pas faire de dupes dans mon pays. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Nous dispense-t-il de tenir l’œil constamment ouvert sur les évènements (Très bien ! très bien !), de les surveiller étroitement ? Nous dispense-t-il de toutes les mesures qui peuvent être propres à garantir notre sécurité, si par malheur un évènement venait à la mettre en péril ? Je dis : non. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes bancs.)

Mais, pour le bien juger, cet acte, il faut d’abord se poser deux questions : avant Locarno, qu’avions-nous ? Et, s’il n’y avait pas eu Locarno, qu’aurions-nous ? (Très bien ! très bien !)

Repoussez l’accord de Locarno, d’un geste facile, dans quelle situation cela nous aurait-il placés ?

Messieurs, croyez-vous que l’Europe serait restée dans l’état où elle se trouvait ?

Vous dont c’est le devoir de suivre les évènements internationaux d’un œil attentif, vous ne pouvez l’oublier : est-ce qu’à l’heure même où les premiers pourparlers de Locarno s’engageaient, conduits avec une certaine ardeur, nous n’assistions pas à d’autres tentatives, à certaines prises de contact entre gouvernements européens ? Est-ce que certaines négociations n’allaient point s’engager sur un autre plan ? En un mot, si les pourparlers de Locarno avaient échoué, ne se serait-on pas trouvé soudain en face de groupements européens singulièrement inquiétants pour la sécurité de la France ? Est-ce qu’à Berlin on n’a pas vu défiler des hommes politiques importants, chargés d’obtenir du gouvernement allemand qu’il renonçât à négocier le pacte de Locarno avec la France ? C’est tout cela qu’il faut penser si l’on veut juger sainement l’acte soumis à vos délibérations.

Et, même si d’autres groupements n’avaient pas dû se former en Europe, à nous en tenir aux seuls traités dont nous disposions depuis la fin de la guerre, dans quelle situation serions-nous demeurés ?

Messieurs, il faut un certain courage moral pour engager des pourparlers comme ceux auxquels j’ai été mêlé ; il est plus facile, pour un homme politique, de s’abstenir d’actes positifs comme ceux dont j’ai assumé la responsabilité. (Très bien ! très bien !)

La paralysie par abus de sens critique, est-ce là ce qui convient à un grand pays comme la France ? (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Je n’ai fait, du reste, dans le cabinet présidé par mon amis Painlevé, qui fut l’un des meilleurs artisans de l’accord de Locarno, que m’engager dans une politique où la voie m’était tracée par l’un de mes prédécesseurs, l’honorable M. Herriot (Applaudissements à l’extrême gauche et à gauche.) : politique que j’avais cherché moi-même à engager en 1921, dans des conditions qu’il n’est peut-être pas inutile de rappeler. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Je dis cela sans aucune espèce d’arrière-pensée, de critique, ni de récrimination contre qui que ce soit. Je n’en formulerai pas contre le traité de Versailles. Il est ce qu’il est. Fait pour régler des questions très complexes, très difficiles, il a pu demeurer incomplet dans beaucoup de ses parties.

Si j’avais été chargé de le conclure, aurais-je fait mieux ? Je n’en sais rien. (Applaudissements sur divers bancs.)

En d’autres circonstances déterminées, des hommes politiques placés dans d’autres conditions ont été appelés comme moi-même, à un moment donné, à réaliser certains accords répondant aux exigences de l’heure. A leur place, aurais-je pu faire autrement ? Je ne le sais.

Ce qui m’avait frappé lors de la discussion du traité de Versailles, je l’ai dit à la commission des affaires étrangères et je tiens à la répéter devant vous, c’est le dialogue tragique qui s’institua entre différents membres de la Chambre d’alors, sous le souci impérieux d’assurer la sécurité de la France.

Car c’était bien la pensée qui dominait toute l’Assemblée. Les conditions matérielles du traité, si importantes qu’elles fussent, passaient au second plan. On sortait d’une guerre affreuse, on n’avait qu’une idée : échapper à une nouvelle guerre, et toute la discussion s’était portée sur ce point.

Et voici le dialogue que j’entendis :

L’article du traité par lequel on a renoncé à la garantie d’une frontière naturelle, cet article qui nous promet la garantie conjuguée des Etats-Unis et de l’Angleterre, sommes-nous certains qu’il jouera ?

On invoquait, pour justifier ces doutes, certaines indications venues des Etats-Unis, certains faits politiques inquiétants et qui pouvaient donner à penser que le traité ne serait pas ratifié.

Et l’honorable président du conseil d’alors, M. Clemenceau, auquel vous ne pouvez pas reprocher de n’avoir pas eu le souci de la sécurité de son pays (Applaudissements au centre et à droite), disait : « J’espère que les Etats-Unis ratifieront le traité. »

Lorsqu’un orateur ajoutait : « Mais si le traité n’est pas ratifié par les Etats-Unis, que deviendra la garantie anglaise ? » M. Clemenceau répondait : « J’espère que la garantie anglaise jouera. »

Et comme on insistait encore, disant : « Mais cette garantie anglaise, elle est liée à la garantie des Etats-Unis, elle en est solidaire, et si la seconde vient à manquer, si l’Angleterre, par suite, se considère comme dégagée, qu’arrivera-t-il ? » Je vois encore M. Clemenceau, levant les bras et murmurant : « Alors, alors, il n’y aura plus de traité, il n’y aura plus rien. »

Eh bien, messieurs, lorsque le hasard des circonstances m’a amené au pouvoir en 1921, j’ai considéré que le premier de mes devoirs était d’employer toute mon énergie, tout mon esprit et tout mon cœur à tenter de combler cette lacune. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et sur divers bancs au centre.)

J’ai pensé que, ce faisant, je serai accompagné par les vœux de tous les hommes politiques de mon pays, à quelque opinion qu’ils appartiennent.

A la conférence de Cannes, et même avant cette conférence, des conversations furent engagées et poursuivies dans ce sens avec les représentants du gouvernement britannique. Elles rencontrèrent des dispositions favorables.

Je me rappelle qu’alors, des hommes comme M. Winston Churchill, comme M. Austen Chamberlain, dont vous ne pouvez pas contester la sympathie pour la France – ils en ont donné des preuves (Très bien ! très bien !) – étaient favorables au principe de la garantie. Ces hommes sont encore au pouvoir.

Il fut entendu que la garantie britannique serait donnée. Le texte du projet d’accord a été publié.

En même temps, messieurs, le germe du protocole de Genève naissait à Cannes. Là se préparait l’organisation, pour toute l’Europe, de la conférence de Gênes, à laquelle aucune nation ne pouvait participer sans avoir préalablement signé un pacte de non-agression.

C’était, par conséquent, tout un vaste système de paix, tout un vaste plan d’organisation internationale que nous pensions pouvoir apporter aux peuples de l’Europe.

S’agissait-il d’une alliance ordinaire, semblable à toutes les autres, entre l’Angleterre et la France ? Non, messieurs ! Et dans le Livre bleu, que le gouvernement britannique a fait publier à cette époque, vous trouverez la trace de pourparlers au cours desquels il avait été parfaitement entendu que, lorsqu’un accord de garantie aurait été noué entre la Grande-Bretagne et la France, l’Allemagne y pourrait et même y devrait entrer.

Messieurs, c’est l’esprit même du pacte de Locarno. Lorsqu’à Londres l’honorable M. Herriot a fait accepter le plan de réparations que vous connaissez, de nouveau la question d’un rapprochement entre les différents peuples de l’Europe s’est tout naturellement posée pour l’exécution de ce plan. Et c’est alors qu’est née la suggestion de M. Stresemann, c’est-à-dire du gouvernement allemand. Cette suggestion, je m’en suis saisi. J’y ai retrouvé la pensée que j’avais à Cannes. J’ai estimé que les évènements qui s’étaient déroulés depuis 1921 étaient de nature à renforcer dans mon esprit la volonté de contracter une convention dont la nécessité m’était apparue, et j’y ai apporté tous mes soins. (Très bien ! très bien !)

Messieurs, je ne le regrette pas. (Vifs applaudissements.) Cet acte, je ne l’ai pas accompli légèrement ; je ne l’ai pas accompli sans réflexion.

J’entendais hier l’honorable M. Fabry exprimer ses craintes devant la Chambre, dans un discours émouvant où perçait une inquiétude réelle, sincère et loyale. M. Fabry a vécu la guerre et redouté de la voir renaître. Il indiquait, à la tribune, tout ce qui peut sembler fragile dans le traité de Locarno et tout ce qui fait apparaître la figure de l’Allemagne comme menaçante encore.

Il donnait à entendre que, peut-être, je m’étais un peu trop désintéressé de cette figure pour m’attacher trop uniquement à montrer celle de la France en beauté.

Je dirai à l’honorable M. Fabry que, moi aussi, j’ai vécu la guerre. Nous nous sommes rencontrés dans ces tristes circonstances. Il sait qu’à l’heure la plus terrible, la plus angoissante, celle de Verdun, à l’heure où, de son côté, notre héroïque alliée, la Serbie, fléchissait sous un double choc, l’homme qui avait le périlleux honneur de porter sur ses épaules les responsabilités redoutables du pouvoir était celui qui parle aujourd’hui à cette tribune.

Cet homme a fait face aux évènements. Nous étions en guerre, il fallait triompher ; il a vu, messieurs, à cette époque, des choses tellement effroyables ; l’abominable boucherie l’a rempli d’une telle horreur qu’il s’est alors juré, dans sa conscience, que si jamais, la victoire remportée, le hasard des circonstances l’appelait encore au pouvoir, tout son cœur, tout son esprit, tout son être se donneraient à la cause de la paix pour empêcher le renouvellement de pareilles atrocités. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche, au centre et sur divers bancs à droite.)

M. Jean Fabry. Nous sommes d’accord.

M. le président du conseil. Nous sommes d’accord.

M. Vaillant-Couturier. Faites la paix au Maroc.

M. le président du conseil. Mais pour vouloir la paix, permettez-moi de le dire, et mes paroles ne contiennent aucun reproche à l’égard de qui que ce soit, il ne suffit pas pour cela de prononcer le mot, il faut avoir la chose dans le cœur, il faut l’avoir dans la volonté ; il faut saisir toutes les occasions, toutes possibilités de la servir et de la servir constamment. C’est une maîtresse exigeante que la paix ; plus exigeante que la guerre !

La guerre, on peut s’y jeter sous l’influence d’un évènement qui, trop souvent, hélas ! entraîne les peuples sans leur laisser le temps ni la possibilité de la réflexion.

Mais la paix, messieurs, elle exige un service prolongé, un service continu, un service tenace, elle veut la persistance, elle n’admet pas le doute. Le doute, dans un esprit critique trop aiguisé, le scepticisme et l’excès de méfiance, c’est, je le répète, la paralysie, ce n’est pas l’état d’esprit favorable à la paix. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

On veut trop nous montrer le peuple allemand comme un bloc compact, impénétrable, dont on ne peut détacher la moindre parcelle.

Un homme comme Erzberger, dans ses timides tentatives vers un but de paix, avait du mérite. Et lorsque des hommes politiques français tournaient quelque espérance vers sa politique, de quelles railleries ne les poursuivait-on pas ? On disait : « Une ruse, un piège. Erzberger ! un Allemand comme les autres ! »

M. Charles François. On l’a fait assassiner.

M. le président du conseil. Quelques jours après, un chauvin allemand l’assassinait comme un traître à l’Allemagne.

Sous mon gouvernement, en 1921, quand, nous heurtant à l’impossibilité d’obtenir le transfert de sommes effroyables, de milliards de marks or, nous devions nous tourner vers des projets plus réalisables, vers l’idée des livraisons en nature – et n’était-ce pas déjà préparer la possibilité d’un plan Dawes ? – lorsque mon collaborateur, M. Loucheur, prenait contact avec Rathenau, que disait-on ?

« Rathenau, un homme encore qui va certainement nous « rouler ».

Car dans notre pays, il en est toujours ainsi. Nous avons une telle opinion de nous-mêmes qu’à la seule annonce de négociations, nous nous voyons déjà dupes, comme s’il n’y avait pas, en France, des hommes capables de défendre les intérêts français. (Applaudissements à gauche.)

Rathenau aussi était un Allemand, comme les autres, un Allemand qui, disait-on, cherchait à nous tromper.

Peu de temps après avoir mis sa signature au bas du contrat, il était accusé de trahison et il mourrait sous le couteau de l’assassin.

A tout instant, on peut opposer à l’action des préoccupations et des méfiances de cette nature et il faut un certain courage pour passer outre.

S’abstenir, c’est facile. Se tenir à l’écart, s’en remettre aux évènements, ou prononcer seulement des discours énergiques, des discours passionnés, imprégnés du patriotisme le plus ardent et le plus sincère, parler même de la paix avec chaleur, avec amour, tout cela est dans l’ordre des possibilités. Mais faire véritablement un pas vers la paix, tenter un geste réel, cela, c’est plus difficile ((Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.) et c’est toujours dangereux pour l’homme politique qui s’y risque.

Je n’exagère pas la portée de l’acte de Locarno. Je connais ses limites, je dirai tout à l’heure ses lacunes ; mais je sais aussi ce qu’il contient de rassurant.

Ce qu’il y a de meilleur en lui, m’entendez-vous ? c’est qu’il a donné la confiance aux peuples. Ce qu’il y a de meilleur en lui, c’est qu’il a été au milieu des ténèbres, dans une atmosphère de menaces, la petite lueur, à laquelle s’attache l’esprit des peuples avec leurs espérances. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Et ce qu’il a fait de bien dans ce pays, où il y a tant de voiles de deuil, où l’on rencontre tant de jeunes hommes mutilés dans leur chair, appauvris dans leurs facultés sociales, ce qu’il a fait de bien, c’est qu’il a permis à des mères de regarder leurs enfants avec l’espoir que, peut-être, ceux-là ne seront pas déchirés un jour sur des champs de bataille. (Applaudissements.)

Il a fait cela et quand il n’aurait fait que cela, vous m’entendez bien, je m’honorerais, moi, de l’avoir signé. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche, au centre et sur divers bancs à droite.)

Permettre de tels espoirs, c’est déjà un acte vers la paix, mais qui serait dangereux s’il n’était pas accompagné des réserves nécessaires.

Du moins ces réserves ne doivent-elle pas être stérilisantes ; elles ne doivent pas troubler la confiance dans les esprits, car s’il ne s’établit pas entre les peuples un courant de confiance vers la paix, la paix elle-même demeurera fragile, la sécurité demeurera compromise.

Messieurs, pour assurer la paix, c’est l’Europe qu’il s’agit d’organiser.

Ne voyez-vous pas que, même après Locarno, bien des flammèches voltigent en Europe, demeurent menaçantes, bien des flammèches encore trop proches des barils de poudre qui n’ont pas été enlevés. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Si vous ne voulez pas que l’incendie éclate de nouveau, il faut sans doute que vous preniez les précautions nécessaires à la paix.

Gardons notre force. Certes, s’il y avait dans le traité de Locarno quoi que ce fût qui diminuât en rien notre force, qui diminuât en rien notre possibilité de nous défendre, même seuls, contre la moindre menace, alors je vous dirais : « Ne ratifiez pas ! Votre devoir de représentants est de refuser votre signature au traité qu’on vous présente. » (Très bien ! très bien ! à gauche)

Mais il n’y a rien, absolument rien de tel. Le traité de Locarno ne nous enlève aucune possibilité de défense.

Si, par des pactes nouveaux qui ne manqueront pas de naître du même esprit – l’esprit de la Société des nations – les garanties vont s’élargissant, si les tendances des peuples deviennent meilleures, et même en Allemagne, malgré des conseils pernicieux donnés dans ce pays, le peuple en vient à se tourner vers son intérêt réel, et réfléchissant au danger de certaines excitations, s’ouvre sincèrement à des idées de paix – cela ne pourra pas résulter d’un document noir sur un banc, comme disait M. Barthélemy, mais bien d’une propagande vivante, incessante, et croissant de jour en jour (Applaudissements.) – si un pareil effort est fait dans tous les pays, sans distinction de partis, je suis convaincu qu’il deviendra possible de réaliser la sécurité dans la paix définitive. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Pour le moment nous n’en sommes encore qu’à un commencement, vous m’entendez bien. Et ce commencement, ce petit germe, il ne faut pas le détruire : il faut le laisser vivre.

Vous dites, monsieur Barthélemy, que sur les rives pures du lac Majeur, j’ai planté un olivier, que l’on regarde avec complaisance, mais dont on ne peut attendre beaucoup d’ombrage.

Ce n’est même pas cela. C’est moins qu’un olivier, c’est seulement un germe d’olivier qui a été planté. Et il commence à soulever, à la surface du sol, de petites mottes de terre. Il cherche le soleil. Il voudrait le trouver. Il croîtra si personne ne l’écrase d’un pied brutal. Et si, par malheur, il devait être écrasé, je souhaite que ce ne soit pas un pied français qui commette un pareil crime. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche, au centre et sur divers bancs à droite.)

Messieurs, regardons biens les choses en face, avec confiance, et rappelons-nous les ironies faciles dont on accabla la Société des nations. Elles sont d’hier, ces ironies, ces allusions à la tour de Babel, où les peuples en commun travaillent à l’organisation de la paix dans un conflit de langues disparates, et par la rédaction de textes comme ceux qu’a cités l’honorable M. Barthélemy et que ne revendiquerait certainement pas l’Académie.

On riait de ces folles tentatives ; on les ridiculisait. Mais à côté des railleries d’hommes politiques, il y avait tout de même le gros bon sens instinctif des peuples, qui eux, ne riaient pas. Et c’est parce que l’idée a trouvé hospitalité et asile dans le sein des peuples, qu’elle a vécu et grandi. (Très bien ! très bien !)

On a formulé des critiques : Comment empêcher une guerre d’éclater ? La guerre aura fait tous ses ravages avant qu’on ait même pu songer à réunir le conseil de la Société des nations, et quand celui-ci se réunira, comment ses membres s’entendront-ils ? Pendant ce temps, l’incendie se propagera, la guerre portera tous ses fruits.

Un jour, dans mon cabinet – j’étais ministre des affaires étrangères et j’avais l’honneur d’être président du conseil de la Société des nations – une dépêche m’apprend qu’en Orient, un conflit sanglant vient d’éclater entre deux peuples. Les frontières sont franchies, les armées sont en marche, les fusils crépitent, les canons tonnent. Toutes raisons de craindre que le conflit ne puisse être limité entre ces deux peuples ; toutes sortes de raisons de craindre un retour des évènements effroyables qui font planer sur les peuples les ailes sanglantes de la guerre.

Que faire ?

Immédiatement, j’ai pris mes responsabilités. En accord avec le secrétariat général de la Société des nations, j’ai convoqué d’urgence à Paris les membres du conseil et, tout de suite, j’ai fait connaître aux deux peuples qu’ils eussent à s’arrêter.

Ah ! si un homme politique, quelques années avant un pareil évènement, se permettant de telles prévisions, était venu dire qu’il pourrait faire un jour un geste semblable, quel ridicule se serait abattu sur lui ?

Le conseil de la Société des nations s’est réuni. Les deux nations convoquées ont comparu. On leur a demandé : « Acceptez-vous l’arbitrage du juge ? » Elles ont répondu : « Oui ».

Je leur ai dit : « Cela ne suffit pas. Pour délibérer en paix, dans toute son indépendance, le juge vous ordonne de vous arrêter et de vous écarter les uns des autres. Plus de fusils, plus de canons, la parole à la justice. »

Les deux pays – et c’est à leur honneur – ont répondu : « C’est fait ; les canons ne font plus entendre leur voix ; les troupes ne sont plus en contact ; nous attendons votre justice. » Deux jours après, la guerre était finie. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche, au centre et sur divers bancs à droite.)

Ce résultat, j’ai le droit de le dire, c’est bien quelque chose de nouveau et vers quoi les peuples peuvent tourner leurs regards, leurs espérances et leurs cœurs. Là où il y a juge, il n’y a pas coups ; là où il y a réflexion, il n’y a pas guerre.

Savez-vous ce qu’il y a de terrible dans la déclaration de la guerre ? C’est que les gouvernements eux-mêmes n’en sont plus maîtres. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.) Un évènement surgit, exploité par les journaux qui surexcitent le patriotisme des peuples, leur amour-propre ; et voici que des courants se dessinent ; la mystique s’éveille et les gouvernements sont impuissants (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.) Avant même que les peuples aient pu faire connaître leur sentiment, la guerre éclate ; les pays se couvrent de sang et de ruines. Et il en sera toujours ainsi, si l’on ne peut pas se décider à donner des juges aux peuples comme on en donne aux individus. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

L’accord de Locarno, je ne veux pas le discuter dans ses détails. Mon ami M. Paul Boncour l’a fait déjà avec un talent merveilleux, avec une clarté admirable et quelle éloquence ! (Vifs applaudissements.) Je n’y reviens pas.

Je veux simplement dire ceci : dans l’accord de Locarno, il y a deux choses. De la part de la France, d’abord, c’est un bel acte moral.

Vous m’avez reproché presque de trop penser au visage de la France et de ne pas penser assez à celui de l’Allemagne.

C’est que j’ai vu, en 1924, à Genève, que, malgré tout, certaines calomnies avaient fait des ravages, que certains actes mal interprétés nous avaient fait apparaître comme ayant des arrière-pensées mauvaises. Je l’ai compris à la manière dont on nous parlait. Il y a ici, dans cette salle, des hommes politiques qui s’y trouvaient aussi et qui l’ont constaté comme moi. Cela nous était bien pénible.

J’ai senti certaines réticences dans les rapports avec les représentants de la France. J’ai vu des visages glacés, qu’on ne réchauffait plus au souvenir de ce que la France avait fait pour l’humanité.

Et, devant de telles dispositions, je me disais que, si une nouvelle guerre eût éclaté dans un moment pareil, le drapeau français n’aurait peut-être plus été suivi. (Vifs applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

Lorsque je suis monté à la tribune, moi représentant de la France, qualifié d’avance par le président de cette Assemblée, qui était alors président du conseil (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.), lorsque je suis monté à la tribune et que, premier des délégués et peut-être à ce moment-là le seul qui pouvait prononcer ces paroles, j’ai dit : « Je viens ici vous annoncer que la France signe sans réserve et qu’elle accepte les décisions de la cour internationale de justice », nous avons assisté à un mouvement d’enthousiasme dont je voudrais pourvoir vous communiquer l’impression. Tous les visages étaient tournés, non pas vers nous, mais vers la France que nous représentions, la France dépouillée de toutes les calomnies par lesquelles on avait essayé de l’amoindrir, de la salir, et qui apparaissait de nouveau comme la grande nation libérale et généreuse, la France aux côtés de laquelle tant de peuples s’étaient un jour rangés, avec la pensée qu’en la défendant c’était leur propre liberté qu’ils défendaient.

Oui, à ce moment, la France reprenait toute sa force morale.

Cette force morale, l’acte de Locarno lui restitue toute sa plénitude, en faisant apparaître la France, vis-à-vis de son ennemie d’hier, comme désireuse d’arrêter enfin la funeste et sanglante série des guerres. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

Ah : le peuple allemand ?...

Croyez vous, monsieur Barthélemy, que je sois allé sans émotion à ce rendez-vous, au bord du lac, où je devais rencontrer des ministres allemands ? Croyez-vous que je n’éprouvais pas les sentiments les plus complexes et les plus profonds ?

J’y suis allé, ils y sont venus, et nous avons parlé européen. C’est une langue nouvelle qu’il faudra bien que l’on apprenne. (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et sur divers bancs au centre.)

Je tiens à dire que ces deux hommes ont accompli un acte de grand courage en venant là, sans souci des menaces personnelles, auxquelles ils pouvaient s’exposer dans leur propre pays.

Ils ont compris. Le peuple allemand comprendra-t-il ? Je veux le croire.

Le peuple allemand est un grand peuple, il a ses qualités et ses défauts.

Le peuple français et lui se sont rencontrés, à travers les siècles, sur bien des champs de bataille qu’ils ont ensanglantés. La dernière guerre a été effroyable, elle a dépassé toutes les prévisions. Ce ne sont plus des armées restreintes qui ont été aux prises, ce sont des nations entières qui, pendant des années, se sont déchirées.

Et puis, il y a eu des vainqueurs, oui ! qui sont sortis de là avec un grand prestige, avec une force morale agrandie, certes. Mais aussi dans quel épuisement !

Où sont les peuples qui peuvent résister à de telles secousses ? Et quelles craintes n’éprouve-t-on pas quand on les voit dans cet état de faiblesse physiologique, de faiblesse financière, et qu’on se dit que, demain peut-être, faute de quelques précautions, faute d’accords qui les obligent à réfléchir le temps nécessaire pour se détourner de la guerre, ils pourraient être rejetés encore les uns contre les autres dans de pareilles convulsions ! Mais que resterait-il donc de ces malheureux peuples si une nouvelle guerre survenait ? (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Je vous le dis simplement, faisant appel à votre raison, à vos cœurs et à votre patriotisme : Locarno, c’est ce qui peut empêcher cela. Locarno, c’est une barrière contre l’irréflexion. Locarno, c’est la nécessité de discuter. C’est, pour les peuples, la possibilité de se donner une raison de ne pas tomber aveuglément les uns sur les autres.

Ne serait-ce que cela, messieurs, ce serait énorme.

Mais est-ce à dire que des précautions effectives n’ont pas encore été prises contre les surprises de la mauvaise foi ? M. Paul Boncour vous les a indiquées. Le droit de légitime défense subsiste pleinement. Et, dans le cas d’arbitrage pour des questions secondaires qui ne sont pas des cas flagrants de guerre, toute une procédure est organisée par l’article 19 du pacte, en vue d’interdire aux deux nations qui sont devant le juge d’aggraver la situation où les a placées l’ouverture du conflit.

Et quant à notre frontière, comment est-elle sauvegardée désormais ? Par le jeu d’une garantie internationale.

Le Rhin devient une frontière internationale. Voilà la vérité. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

M. Paul Boncour, rapporteur. Voilà ce qu’il faut dire.

M. le président du conseil. Le traité de Versailles pouvait être supporté avec impatience. Il sortait d’une guerre, d’une victoire ; on pouvait dire, on disait qu’il était imposé par la force, qu’on le subissait, qu’on avait le droit de garder en soi le désir de le lacérer à un moment donné.

Ici, la convention est volontaire. Les frontières sont librement reconnues, les obligations du traité sont pleinement acceptées. A quelles conditions ? direz-vous. Il n’y a pas eu de conditions.

Qu’on ait le désir d’en tirer parti ! Mais c’est bien naturel. Nous surveillerons nos intérêts, nous les défendrons contre toute tentative d’empiètement. Nous sommes un pays puissant et clairvoyant. Nous avons des amis autour de nous.

Et maintenant, faut-il craindre que la Société des nations ne se trouve empoisonnée par la présence de l’Allemagne ? Pourquoi ? Il y a des « ex-ennemies », comme disent les traités, qui sont entrées dans la Société des nations et qui voisinent avec les autres nations.

Et sera-ce faire un sort privilégié à l’Allemagne que de l’admettre dans le conseil ? Messieurs, un grand pays comme l’Allemagne, pour que sa collaboration à la Société des nations soit efficace, doit faire partie du conseil. (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

On dit : A peine entrés dans la maison, les Allemands essayeront d’imposer des conditions.

Sans vouloir leur être désagréable, je ne dirai pas que nos voisins apportent toujours tout le tact désirable dans leurs discussions. Ils ont leur manière. Je ne crois pas que ce soit la bonne.

Mais dans la Société des nations, il y a une tradition, il y a une atmosphère, il y a un milieu déjà constitué. S’ils y entrent avec l’intention de troubler tout cela, ils ne se mettront pas dans une très bonne position.

Et puis, là, c’est une sorte d’accord unanime qui doit se faire. Il y a, par conséquent, une collaboration qui s’exerce un peu au-dessus des appétits matériels et des égoïsmes directs. Il y a une nécessité d’accord qui s’impose aux différentes parties participant à ces travaux. L’Allemagne sera bien obligée de s’y adapter, si elle veut y jouer un rôle. Et la France considère que l’Allemagne a un rôle à jouer, dans l’Europe et dans le monde.

Ce qui fait l’équilibre du monde, c’est qu’il y a des peuples différents, avec leur génie propre.

M. le rapporteur. Très bien.

M. le président du conseil. En faire disparaître un ou l’amoindrir au point de lui rendre impossible les manifestations de sa race et de son génie, dans ce qu’elles ont d’inoffensif pour les autres peuples, ce serait un crime contre l’humanité. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et sur divers bancs au centre.)

C’est avec cette pensée que l’on doit se tourner vers l’avenir.

La France n’a-t-elle pas un assez beau bagage d’idées, un assez beau bagage moral ? Je ne parle pas de son patrimoine d’héroïsme, celui-là est incomparable et rien ne peut l’affaiblir. Si c’est une démonstration d’héroïsme qu’elle doit faire, l’histoire en déborde de ces démonstrations.

Pour être juste, je dois dire que, dans toutes les guerres où la France s’est rencontrée avec l’Allemagne, l’Allemagne a montré, elle aussi, qu’elle était une nation vigoureuse, qui ne manquait pas d’héroïsme.

Les deux nations vont-elles se battre, ainsi, à travers les siècles, éternellement ? Vont-elles toujours se couvrir de deuils et de ruines ? Elles auront créé, sous l’influence des progrès économiques, de magnifiques usines, elles auront organisé des centres de production admirables et, tous les vingt-cinq ans, tous les cinquante ans, le rouleau des armées viendra tout anéantir, les incendies s’allumeront de toutes parts, le sang sera répandu à flot ? Non ! (Vifs applaudissements prolongés à gauche, à l’extrême gauche, au centre et sur divers bancs à droite.)

Dans cette trop longue intervention, j’ai seulement voulu dégager l’esprit de Locarno : c’est sous l’influence de cet esprit que j’ai signé.

Avoir eu de telles pensées, je n’estime pas que ce soit indigne d’un bon Français. Je ne considère pas que j’aie démérité de mon pays, si que mon patriotisme ait été amoindri, par la fait que j’ai eu confiance dans la paix, confiance dans la force morale de la France, pour l’organisation de la paix avec le concours des autres peuples, parce que je crois que nous sommes à l’aurore d’un temps nouveau.

L’Europe ne peut pas rester divisée comme elle l’est, ni dans ses intérêts politiques, ni dans ses intérêts économiques. (Applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

Il y a des questions qui obligent les hommes à se connaître, par des contacts, par des conversations.

Se connaît-on quand on se contente de discuter diplomatiquement, à travers l’espace ? La vie est-elle seulement dans un papier, si bien rédigé soit-il ? N’est-elle pas dans l’homme, dans son regard, dans tout ce qui émane de lui ?

Quand des hommes sincères, même animés d’un parti pris, même guidés par l’égoïsme national le plus légitime, se sont heurtés, et qu’après s’être tout dit, ils se regardent enfin et se comprennent – car il y a une espèce d’intercommunication entre les individus – n’est-ce pas alors que se réalisent les accords vivants, efficaces, ceux dont on peut attendre quelque chose ?

Tous les peuples tentent de se rapprocher. On essaie de faire une Europe qui ne soit pas incohérente, anarchique.

Ne voyez-vous pas que, dans le domaine de la production, c’est l’anarchie ? (Applaudissements à gauche et à l’extrême gauche.)

M. Marcel Cachin. Tout croule !

M. le président du conseil. Ne voyez-vous pas toutes ces immenses usines, qui tournent à plein volant, qui produisent à forces perdues, peut-être au-delà des possibilités d’absorption des clientèles ?

Qu’adviendra-t-il, si les peuples ne s’entendent pas, s’ils ne s’organisent pas, si les causes économiques de guerre, de beaucoup les plus certaines et les plus profondes ne disparaissent pas ? Croyez-vous même que vous aurez la paix sociale ? Non !

Aussi, est-il indispensable de s’accorder.

Oh ! il y aura des difficultés. Le soulier de Locarno ne sera pas sans faire souffrir, à certaines heures, le marcheur. Il faudra s’en accommoder. Il s’accommodera lui-même peu à peu.

Mais moi, j’aurais été au-dessous de ma tâche, ayant l’honneur de représenter le Gouvernement, si j’avais eu assez peu de confiance en mon pays pour croire qu’il s’amoindrirait dans sa force morale et matérielle en prenant part à des discussions qui préparent l’Europe de demain.

Alors que les peuples s’organisent pour des temps nouveaux, comment la France qui, toujours, même aux heures les plus difficiles, les plus troubles, a été à l’avant-garde, montrant la route, se tiendrait-elle dans son coin, enveloppée dans sa victoire, l’œil méfiant et la mine hargneuse ? Allons donc ! Imaginer cette France-là ? Jamais ! (Vifs applaudissements à gauche, à l’extrême gauche et au centre.)

En participant à tous les accords qui sont susceptibles d’améliorer, non pas sa condition, mais la condition des peuples, la France se montre ce qu’elle est : la France d’hier, d’aujourd’hui et de demain. (Vifs applaudissements prolongés sur un grand nombre de bancs – MM. les députés siégeant à gauche, à l’extrême gauche et au centre se lèvent et applaudissent longuement. – M. le président du conseil, de retour à son banc, reçoit des félicitations.)

Sur divers bancs à gauche. Nous demandons l’affichage !

Sur divers bancs. Suspension ! – A demain !

[…]