Bloc-Notes 2018
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De la foi

Autour de la lecture du Ce que je crois de Mauriac

De Deo De ecclesia De fidei

 

Voici un terme qui connaît 229 occurrences dans le Nouveau Testament mais pas toujours avec le même sens puisque parfois il signifie croyance ; parfois confiance ; parfois fidélité.

Le texte grec est πίστις qu'on retrouve dans la théorie de la ligne de Platon où il désigne un niveau de connaissance assez bas, à peine mieux que l'illusion pure ; enracinée en tout cas au monde sensible, au devenir et à l'apparence où il condamne.

confiance, fidélité, ce qui fait foi, garantie, serment donc engagement, pacte, enfin le résultat de cette confiance, la croyance, la foi ; le radical du terme πιθ signifiant lier
en latin, fides a le même sens d'où on tirera aussi foedus : traité, alliance.

Le plus souvent quand il y va de hommes de peu de foi c'est pour fustiger ceux qui ne font pas même confianbce en Dieu pour leur assurer ce dont ils ont besoin pour vivre ; à l'inverse c'est toujours la foi qui rend le miracle possible comme si les cieux ne pouvaient rien pour celui qui ne croirait pas et que donc la foi fût une condition si ne qua non. C'est en ceci, pour ces deux raisons, qu'est intéressant que foi désigne à la fois la confiance et l'engagement.

Ce que disent les mots ce n'est pas ce en quoi on croit : après tout que ce soit en Dieu ou non ; en ce dieu ou un autre ; ou bien en rien d'autre qu'en ce réel qui nous est donné et cette raison qui nous permet de l'appréhender, de toute manière, parce qu'il ne peut en être autrement, il y aura toujours des principes, peu, des axiomes, le minimum possible, mais oui, toujours quelques propositionsindémontrables qui en revanche permettent de démontrer tout le reste.

Alors !

Mes frère, que sert-il à quelqu'un de dire qu'il a la foi, s'il n'a pas les oeuvres ? La foi peut-elle le sauver ? 15 Si un frère ou une soeur sont nus et manquent de la nourriture de chaque jour, 16 et que l'un d'entre vous leur dise : Allez en paix, chauffez-vous et vous rassasiez ! et que vous ne leur donniez pas ce qui est nécessaire au corps, à quoi cela sert-il ? 17 Il en est ainsi de la foi : si elle n'a pas les oeuvres, elle est morte en elle-même. 18 Mais quelqu'un dira : Toi, tu as la foi ; et moi, j'ai les oeuvres. Montre-moi ta foi sans les oeuvres, et moi, je te montrerai la foi par mes oeuvres. 19 Tu crois qu'il y a un seul Dieu, tu fais bien ; les démons le croient aussi, et ils tremblent. 20 Veux-tu savoir, ô homme vain, que la foi sans les oeuvres est inutile ? 21 Abraham, notre père, ne fut-il pas justifié par les oeuvres, lorsqu'il offrit son fils Isaac sur l'autel ? 22 Tu vois que la foi agissait avec ses oeuvres, et que par les oeuvres la foi fut rendue parfaite. 23 Ainsi s'accomplit ce que dit l'Écriture : Abraham crut à Dieu, et cela lui fut imputé à justice ; et il fut appelé ami de Dieu. 24 Vous voyez que l'homme est justifié par les oeuvres, et non par la foi seulement.
Jacques 3,14

Alors ? mais justement toute la différence tient en ce qu'on en fait. Où je juge essentiel cet engagement vis à vis de soi-même, de l'autre ; des autres.

Je sais ce qui me gêne et parfois hérisse dans les proclamations de foi entendues ici ou là ou dans ces écrits sans doute sincères de chrétiens de haut vol. Il ne m'appartient pas de les juger et me garderai bien de le faire : ce n'est donc pas la sincérité de leur credo que je vise ; encore moins la pertinence de leurs actes.

Non ce qui me gêne c'est cette protestation d'identité comme si croire vous rangeait, protégeait immédiatement au sein de la meute, de la communauté. Morale de troupeau eût écrit le caustique Nietzsche : est-ce si faux ? Je n'imagine pourtant pas une foi chevillée au corps et hantant l'âme qui ne signifiât point aventure, incertitude et sans doute parfois souffrances ; doutes en tout cas ! Je n'imagine pas la foi pouvoir être confortable ne serait ce que pour ces œuvres à quoi elle nous attache et parfois arrache et dont nous ne pouvons jamais vraiment connaître la pesée.

L'autre mienne incompréhension de la foi chrétienne tient dans cette invraisemblable fatuité que j'y décèle de se concevoir une divinité au service, prompte à se sacrifier, prête en tout cas à toujours pardonner - sorte d'inépuisable réservoir de miséricorde mis à disposition sans retenue aucune. Dans ces textes, si forte est l'humilité contrefaite, je lis bien tout ce que dieu peut faire pour nous mais jamais ce que nous pourrions, devrions faire pour lui. Ces chrétiens décidément ont inventé deux millénaires à l'avance les trésors d'arguties de la dialectique hégélienne !

Le piège qu'on s'est inventé ici, en récusant le salut par les œuvres et en arguant du seul salut par la grâce, c'est cet écheveau de culpabilité, de remords et d'espérances qui lie inextricablement au seul intermédiaire de salut qui soit accessible : l'obéissance à l'Eglise, à ses rites et préceptes.

Je le crai ns : la vie est ailleurs !

Je n'imagine pas que devant l'éclosion de l'être ou le bruissement de la présence, nous ne nous redressions pas ni ne nous détournions pas de notre chemin. Sinon rien ne vaut !