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Récit n 2
Léto, Apollon et Artémis

Episode 1

Il sera dit que Zeus fut l'inconstance faite dieu. Celui-là, tout époux attaché qu'il fut tendrement à Héra sa sœur, ne résistait à peu près à aucune tentation et savourait les métamorphoses comme art de ses conquêtes ; parfois comme arme de défense. Ainsi circonvint-il Léto. Or, Léto n'est pas n'importe qui : c'est une titanide, fille du Titan Céos et de sa sœur Phébé. Elle a donc la même ascendance que Zeus : ils descendent tous deux d'Ouranos et de Gaia.

Héra, jalouse comme il se doit, devant les frasques de son époux cherche vengeance : elle l'obtient en empêchant qui que ce soit d'aider Léto à accoucher. Zeus, alors, pour la protéger, transforme Léto en louve qui trouvera sur l’île de Délos un refuge où donner naissance à ses deux enfants qui ne sont autre qu'Apollon et Artémis.

cette Latone à qui jadis la terre, si grande pourtant,
a refusé un petit endroit, quand elle était près de s'accoucher !
Votre déesse ne fut accueillie ni au ciel, ni sur terre ni sur les ondes :
elle fut exclue du monde, jusqu'à ce que, apitoyée par la vagabonde,
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Délos lui dit : “ Nous errons en étrangères, toi, sur terre, moi sur l'eau ”,
et elle lui donna un endroit mouvant. Latone mit au monde deux enfants :
ce n'est que la septième partie de ce qu'ont porté mes entrailles.
Je suis comblée – qui en effet pourrait le nier ? – et comblée je resterai
– de cela aussi qui douterait ? – : l'abondance m'a donné la sécurité.
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Je suis trop grande pour que la Fortune puisse me nuire,
et dût-elle m'enlever beaucoup, elle me laissera bien davantage.
Les biens qui sont miens désormais sont au-delà de toute crainte.
Imaginez qu'on puisse m'enlever une partie de mes nombreux enfants :
même dépouillée, je ne serai pas réduite à n'en avoir que deux,
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comme Latone ; quelle différence entre elle et une mère sans enfants ?
Arrêtez ce sacrifice, hâtez-vous, et ôtez le laurier de vos cheveux ! »
Les Thébaines obéissent et laissent le sacrifice inachevé ; et tout bas,
chose qui reste possible, elles murmurent des hommages à la divinité.
Ovide

Fin de l'épisode 1 où l'on remarquera néanmoins une étonnante série à emboîtements successifs mais à répétitions aussi lourdes de sens : curieuse famille, aurait-on envie d'écrire, où l'on se défie sempiternellement de sa progéniture. Cronos à l'instar de son père Ouranos dévorait ses enfants qu'ils percevaient comme une menace de leur propre puissance ; Zeus à l'instar de son père Cronos ne dut sa survie qu'à l'aide de sa mère qui, à sa façon trahit le père. Rhéa sur les conseils de Gaia se réfugia en Crète où Zeus fut élevé par les nymphes du mont Ida. Zeus bénéficie de l'hospitalité qu'on refusera d'abord aux enfants de Léto mais à y bien regarder tous sont des exilés. Léto la louve fut ainsi finalement accueillie en l'île d'Ortygie (ou Astérie, ainsi nommée car fondée par sa sœur Astéria), qui, flottant entre la terre et la mer, n'encourt pas la malédiction d'Héra. Zeus accroche l'île au fond de la mer, et l'île prend le nom de Délos (en grec Δῆλος / Dễlos, « visible, manifeste »). Quelque part d'entre ciel et terre, donc de nulle part pour un grec tant attaché à l'enracinement : il ne faut ainsi pas sous-estimer le geste de Zeus : ce n'est pas seulement permettre à Léto d'accoucher, de faire advenir ces enfants c'est surtout les enraciner, leur donner une identité forte. Les naissances, ainsi, chez ces divinités primordiales, sont tout sauf affaire aisée : elles sont toujours contrariées, renvoient non seulement au pouvoir qu'on ne veut pas céder à sa descendance et donc oui, à quelque chose qui ressemble à une crise œdipienne, mais aussi et surtout peut-être à cet exode qui offre au monde un espace, une étendue après lui avoir conféré une histoire. La sortie du chaos initial se traduit toujours par quelques rares répétitions (Ouranos/Cronos ; Gaia/Rhéa ; Crète ; Délos) mais c'est leur démultiplication qui subrepticement commencera de dessiner un espace, clos souvent ; ouvert parfois.

Récit incroyable, à l'instar de celui de Cacus, où toutes les perspectives sont présentées ; présentes ; rassemblées. Les mères trahissent-elles ? Sans doute mais elles sont aussi celles qui vont jusqu'au bout de la logique de la fécondité. Les pères sont-ils des monstres ? oui sans doute mais que font-ils d'autre sinon reproduire le schéma qu'ils reçurent de leurs propres pères ? Ils sont l'espace de l'ordre qui n'a de sens que de se maintenir quand leurs enfants, pour le temps qu'ils incarnent et l'avenir qu'ils promettent, ne sauraient représenter autre chose que le désordre qu'il importe à tout prix d'empêcher. Le géniteur, ici, n'a pas tant d'importance que cela - Nietzsche avait raison, il n'est jamais qu'un hasard - ce sont les génitrices qui symbolisent la translation ; la transaction ; la traduction. Ce sont elles qui racontent l'histoire ; elles qui la font. Héra, dans sa jalousie légendaire, ne fait pas autre chose que toutes les génitrices : elle tente d'empêcher que l'histoire bifurque, qu'une autre lignée s'enracine qui dévoie la ligne ; la lignée. Elle récuse ; répudie - comment dire autrement que les surgeons de cette lignée sont des étrangers qu'on leur barrant la route vers toute terre. Comment Zeus pourrait-il assumer autrement sa paternité qu'en offrant une terre à sa progéniture ? Zeus est un vrai fondateur : il est le premier à ne pas dévorer ou enterrer ; le premier à excaver. Il fait sortir ses frères et sœurs du ventre de son père ; il offre à Apollon et Artémis espace d'où s'éployer.

Épisode 2

Que relate à sa manière le parterre de Latone que l'on trouve dans les jardins du château de Versailles :

Toujours poursuivie par la vengeance d'Héra, Léto fuyant au pays de Lycie tente de se désaltérer - ainsi que ses enfants. Mais les paysans, agissant sur ordre d'Héra, tentent de l'en empêcher. Léto d'abord supplie mais en vain, les paysans remuant même l'eau pour faire remonter la vase et la rendre ainsi imbuvable. Alors, cessant d'implorer, elle se comporte en déesse et invoquant les cieux transforme les paysans en grenouilles.

Est-ce la déesse qui parla ainsi ou la louve veillant jalousement sur ses petits ?

La colère lui fit oublier sa soif. Désormais en effet, la fille de Céus
ne supplie plus des gens indignes et n'accepte plus de tenir
des propos indignes d'une déesse. Les mains levées
vers les astres, elle dit : “ Vivez à jamais dans votre étang ! ”
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Où l'on voit combien la vengeance d'Héra est totale : ce n'est pas seulement la terre qu'elle veut interdire à Léto et à sa progéniture, mais l'eau également. La vie bien sûr mais l'océan également sur quoi règne Poséidon. Ce n'est décidément pas un hasard si elle trouva d'abord refuge en un lieu qui fût entre les deux, ni terre ni eau. Mais ce à quoi l'on assiste ici est bien une double métamorphose : jusqu'à ce moment la parturiente demeurait en situation de faiblesse mais, excitée par le danger où l'injustice la réduit elle et ses enfants, tout-à-coup elle cesse de subir, invoque et provoque ; redevient cette déesse primordiale, mère des enfants de Zeus, à parité avec Héra. Elle se métamorphose à mesure qu'elle métamorphose les paysans. Dès lors elle domine, elle inaugure ; elle fonde.

Toujours dans la tradition antique le loup apparaît ainsi comme instance fondatrice. Il est moins sauvagerie brute ou barbarie épaisse de quoi l'humain devrait s'extirper que puissance, vigueur et courage ; il est en tout cas toujours à la fois vénéré pour la protection qu'il apporte que craint pour la destruction qu'il peut provoquer. C'est sans doute chez son fils Apollon dont l'une des épiclèses est précisément Lykeios que cette ambivalence se lit le mieux. Dieu-loup au sens précis de cette ambivalence qui le fait devenir le protecteur des éphèbes, celui qui laisse éclore, dans leur formation, à la fois puissance guerrière, courage mais aussi, puisqu'il est dieu du chant, de la musique et de la poésie, finesse et sensibilité. Qu'Apollon fût en outre l'un des rares dieux a être doué de divination, quoique ses oracles fussent toujours obscures - d'où Apollon l'Oblique - souligne combien, en même temps, il est promesse d'avenir.

Le loup est donc en même temps que trace des origines les plus archaïques, une marque du passage, de la transition ; de la formation. Idée que l'on retrouve évidemment jusque dans les contes populaires retranscrits par un Perrault, Grimm ou même La Fontaine, où la menace que représente le loup signifie le plus souvent la difficile sortie de l'enfance, le glissement douloureux vers l'âge adulte, où la sexualité a évidemment sa part.

Ce ne sera qu'avec le christianisme que le loup sera assimilé à la tentation et au diable qui dévore autant le corps que l'âme. Ici, il n'est encore question que de cette transition, toujours délicate, qui engage autant l'individu que le monde tant elle n'illustre rien d'autre que la difficile sortie du chaos vers le cosmos.

C'est en réalité la même ambivalence que l'on retrouvera chez sa sœur Artémis qui semble au premier abord plutôt la déesse de la nature, de l'animalité mais s'avère en réalité déesse des frontières : son territoire est toujours celui, peu fréquenté, des frontières. Sa place ? en bordure de mer, dans les zones côtières où entre terre et eau les limites sont indécises (JP Vernant) elle est ainsi située à la frontière entre le mondes civilisé et sauvage, mais pour cette raison même Artémis la chasseresse est aussi une κουροτρόφος présidant à l'initiation des petits d'hommes et d'animaux et les accompagne jusqu'au seuil de la vie adulte dans un rôle qui ressemble à s'y méprendre à celui de son frère jumeau.

A ce titre, Léto est l'agent d'une double métamorphose, d'une double transition : d'elle-même -maîtresse conquise - louve - déesse triomphante - mais aussi de celle ses enfants qui chacun à sa façon incarnent le devenir-homme ; le devenir-monde. Tel Evandre, elle fait bifurquer l'histoire non par sa sagesse moins encore par ses oracles mais par une soudaine colère de louve face à une foule prompte à la mise à mort.

Fait bifurquer ou fait plus simplement commencer ?

Héra ne s'acharne pas seulement à interdire toute terre à Léto, elle conspire à même l'empêcher d'accoucher. L'île d'Ortygie, flottant entre la terre et la mer, échappait à la malédiction d'Héra et il faudra l'intervention de Zeus pour que l'île désormais accrochée au fond de la mer devienne une terre d'asile. Héra tint aussi prisonnière Ilithyie, déesse de l'accouchement et il faudra que les autres dieux, usant de subterfuges, finissent par libérer la déesse pour permettre à Léto d'accoucher... Nous voici aux temps des fondations car ce n'est pas seulement à la naissance de deux jumeaux que nous assistons mais à celui d'un monde nouveau - celui du règne de Zeus qui en le réorganisant met un terme au monde des primordiaux - Ouranos et Cronos

Tout conspire ici vers la même translation du caché au non caché : Léto signifie bien - Λητώ - caché, ce qui échappe à la connaissance quand Délos -Δῆλος - indique ce qui est visible, manifeste. Apollon comme Artémis sont des divinités de la lumière (Soleil et Lune) de ce qui, donc, rend manifeste. Jeu à emboîtements multiples, le monde ancien demeurait celui de l'ombre et du caché : Ouranos enfermait sa progéniture dans le Tartare, Cronos les avalait : toujours il était question de faire entrer, de camoufler, d'empêcher d'éclore. C'est à ce monde qu'appartient Héra en voulant empêcher à tout prix la naissance des enfants de Léto. Certes, à chaque fois, les mères jouent le rôle trouble de la ruse contre leurs époux mais ici, précisément, Héra n'est pas mère mais femme, jalouse, vengeresse de son honneur bafoué, soucieuse de préserver sa place première. Au contraire, avec Zeus dont la révolte contre son père se traduit non pas par la reconduction de la même histoire, mais sur la fondation d'un ordre nouveau, non pas sur la perpétuation d!un chaos ombrageux mais par la naissance d'un cosmos, et donc d'un ordre dont la répartition des pouvoirs entre Olympe (Zeus) Mer (Poséidon) et Enfer (Hadès) que certains récits attestent avoir été décidé par tirage au sort est un signe manifeste.

“ Pourquoi m'interdisez-vous l'eau ? L'usage de l'eau est un bien commun.
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La nature n'a pas fait du soleil un bien propre, ni non plus de l'air
ni des ondes claires : je suis venue vers un don fait à tous,
et pourtant c'est en vous suppliant que je le demande. Pour ma part,
je ne voulais baigner ici ni mon corps ni mes membres épuisés,
mais étancher ma soif. La bouche qui vous parle manque de salive,
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ma gorge est sèche, et ma voix a du mal à s'y frayer un passage.
Une gorgée d'eau me sera un nectar et, en la recevant, je dirai
que j'ai reçu la vie ; avec cette eau vous aurez donné la vie.

La colère soudaine de Léto, la métamorphose inversée de la louve en déesse est le symbole exact de l’accouchement de cet ordre nouveau : on passe ici du caché au non caché, à ce que le grec nomme ἀλήθεια - le dévoilement.

Ce ne saurait être un hasard que cette colère concernât l'eau : Aristote en fit le fondement de ce qui constituera les prémisses de l'économie antique. La distinction entre usage et échange, la pré-science que la valeur réside dans le travail humain contenu dans l'objet, mais non dans l'objet lui-même, jusqu'à la légende du roi Midas révélant combien la possession de la richesse éloigne plutôt que ne rapproche de l'objet, tout ceci va dans le sens d'un monde ouvert, offert, aux divinités comme aux hommes, au contraire d'un monde réservé aux divinités ombrageuses. La vie est ici ce qui se donne, se transmet, s'offre non ce qui se retient et conserve en quelques mains. Ce qui jaillit et se propage.

C'est ici à la naissance de la physique à quoi nous assistons - elle qui dit justement - φυω - ce qui croît, grandit, fait naître. Que de surcroît Apollon comme Artémis président aux transitions, aux passages vers l'âge adulte ou à la cité, soient ainsi les divinités de la transmission, ne fait qu'y surenchérir.

Cette louve-ci, à l'instar de la lupa romaine, préside à la naissance du monde ; d'un nouveau monde. Elle incarne l'histoire qui, dès lors, peut débuter.

D'où l'épisode 3

La déesse fut indignée et, tout en haut du Cynthe,
elle parla en ces termes avec ses deux enfants :
« Voici que moi, votre mère, fière de vous avoir mis au monde, 
et qui ne m'effacerais devant aucune autre déesse que Junon,
je vois ma divinité mise en doute et, sans votre secours, mes enfants,
je suis écartée des autels où j'ai été vénérée tout au long des siècles.
Et ce n'est pas là ma seule douleur ; à cet acte abominable,
la Tantalide a ajouté l'insulte, elle a osé nous placer, vous et moi,
derrière ses enfants, et – que cela retombe sur elle ! – elle m'a traitée
de mère sans enfant, la scélérate, qui a bien la langue de son père ».VI, 204
Niobé, fille de Tantale, s'enorgueillissait de sa multiple descendance au point non seulement de ne pas vouloir honorer la déesse Léto mais surtout d'enjoindre les Thébains à l'honorer elle plutôt que Léto. La colère de celle-ci va bien au delà d'un honneur froissé car c'est à un véritable retour en arrière, à l'ordre ancien dont il s'agirait si l'on n'y mettait fin.

Ses deux enfants, Apollon et Artémis, se chargeront de la sanction en tuant à coup de flèches d'abord les fils, ensuite les filles de Niobé avant que celle-ci ne soit pétrifiée, Zeus la métamorphosant en rocher d'où s'écoulèrent en un flot intarissable les larmes de désespoir.. Outre la fidélité indéfectible de l'amour filial que ses deux enfants vouent à Léto cet épisode signale combien cette odyssée des fondations est un chemin sans retour possible et donc, aussi, ce que Zeus garantit. Il n'en va pas ici seulement de la mécréance ou du parjure mais de la transgression absolue que représenterait un retour des Titans. Ce retour à l'ordre ancien ne saurait avoir de descendance d'où la réaction si violente et le massacre des enfants de Niobé.

A ce titre la métamorphose de Léto représente l'essence même de la métamorphose, le symbole même de la translation ; le récit par excellence du passage.

Ce n'est pas rien que de changer de forme : μορφη n'est jamais que la figure extérieure et donc l'apparence d'un être ou d'une chose. Tout fantastique que le processus puisse paraître, pour ce qu'il semble contrevenir au principe d'identité, il n'affecte jamais l'être en lui-même mais seulement la manière dont il se présente. La métamorphose peut protéger comme ici, ou au contraire enchaîner, elle n'affecte jamais l'ordre de l'être voulu par Zeus. Elle n'est pas un devenir autre, n'est pas une Entfremdund comme l'écrira Freud (1) n'est pas même nécessairement une aliénation mais relève de cette fatalité de l'être qui est passage. S'opposer à elle c'est s'opposer au passage : les paysans, transformés en grenouilles disent l'enfermement dans ce monde archaïque, dans cet espace de l'enfance du monde.

Si le loup, dans les contes, représente évidemment toutes les menaces - notamment sexuelles - tous les dangers du devenir adulte que l'enfant devra surmonter (2), et la confrontation d'avec le loup la figure par excellence de la crise œdipienne à rebours de quoi il n'est pas de chemin possible - on ne peut oublier que tous les contes s'achèvent par l'inaltérable ils se marièrent et eurent beaucoup d'enfants; attestant combien l'objet même du conte n'est autre que ce passage-ci - en revanche la louve s'avère toujours protectrice, nourricière, assurant non seulement la postérité, la poursuite possible d'un récit , la perpétuation de l'histoire, mais la transmission aussi de la vigueur, de la force, voire de la férocité nécessaire pour affronter la vie. Le loup dévore, avale, intériorise : il est l'ogre de l'histoire. La louve, au contraire, perpétue.

Comment, au reste, ne pas considérer dans le récit de la fondation de Rome, une reprise, à peine voilée, de celle de Léto : à l'origine un ogre, identique, qui avale la descendance, bloque toute postérité. Amulius détrône son frère, tue son neveu, enferme sa nièce Rhéa Silvia dans la virginité de sa condition de Vestale. N'était la louve, n'était aussi le viol de celle-ci par Mars, l'histoire s'arrêtait là ! Elle aussi fait bifurquer l'histoire, les jumeaux - ici encore l'histoire roule par duo - survivront et Rome aura la postérité que l'on sait.

Au bilan

On a bien ici un récit total qui rassemble toutes les perspectives mais tous les registres aussi, tant cosmogonique qu'anthropologique ; psychologique que mtaphysique. A nouveau, selon que l'on déplace l'angle de focalisation; l'on obtient à l'envi une simple histoire domestique de rivalité amoureuse avec stratagèmes et petites vengeance, ; un récit de fondation où surabondent férocité et aménité ; une histoire du devenir homme qui engage autant l'individu que l'espèce - quelque chose comme un récit de l'hominescence. Le regard est totalement excentré, comme dans le tableau de Bosch : le regard n'y est pas pris du côté de Dieu comme ici Zeus, pourtant protagoniste principal, demeure le grand absent de l'histoire. Mais d'un tiers ! qui est l'intégrale de tous les autres. Chacun y est tour à tour victime et coupable ; violent et apaisé attestant combien cette sphère qu'est le cosmos pour un grec ne sera jamais qu'un ilôt suspendu au milieu du chaos, sempiternellement menacé par lui.

Celui qui narre cette histoire ou la regarde, cette histoire qui nous regarde, n'est autre que le devenir lui-même. Non pas l'origine, non plus que la source puisque tout, partout et toujours est source puisque même Niobé pétrifiée, fera de ses larmes, une source intarissable d'où jaillit la vie ...

 




1) Freud l'inquiétante étrangeté

2) l'expression populaire elle a vu le loup est à cet égard significative