Bloc-Notes
index précédent suivant

Désarroi

Avec la page sur les étonnantes dérives de nos intellectuels (Remugles) , celle sur le dérapage de Netanyahou (Communication) et celle sur l'évidement du discours politique (Désarroi) cette réflexion autour de Boulanger (Collusion) clôt ce qui ne peut que constituer un préambule à une réflexion plus générale sur la communication, notamment politique dont on trouvera ici les toutes premières lignes ...


 

Est-ce le mot qui convient ? Je le crois. Intéressant en tout cas qu'il provienne de dérouter, égarer, mettre en désordre. C'est le mot qui me vient en tout cas à l'esprit lorsque je songe à l'état que je devine de l'opinion publique, que j'entends les discours politiques ; que j'observe la vacuité angoissante de tout projet.

Assez !

Il ne suffisait pas que nous traînions depuis 40 années une série continue de crises que nous ne maîtrisons pas plus que nous ne les comprenons et qui rendent si dérisoires ces Trente bienheureuses Glorieuses dont on s'étonne qu'elles fassent encore figure de modèle quand elles se révèlent tout au mieux comme une étonnante parenthèse.

Il ne suffisait pas que nous allions de déceptions en désillusions depuis 35 ans au point de réaliser soudain que les alternances successives ne furent pas le signe d'une démocratie apaisée, encore moins celui d'un peuple désormais assuré de sa force et de la ferveur de ses assises républicaines, mais bien au contraire celui d'un consumérisme échevelé où chacun, comme au supermarché, irait selon ses humeurs et les circonstances, picorer les moyens de ses petits plaisirs ; où le marché des projets politiques, cruellement déserté, ne présentait plus en ses étals défraîchis que les variantes frelatées de la même adaptation veule et paresseuse à une modernité dès lors conçue comme le seul deus ex machina qu'il fallût honorer et satisfaire ; où les grands débats idéologiques paraissent comme des obscénités totalitaires, laissant place à de doctes graphiques où expertise, pragmatisme et suffisance entonnent inexorablement le même refrain obséquieux de la soumission.

Il ne suffisait pas que les repères fussent à ce point cul par dessus tête pour qu'un tiers de l'électorat, sans rire mais sans honte non plus, en vînt à imaginer, qu'après tout, l'extrême droite serait peut-être une solution qu'on pourrait essayer comme s'il s'agissait d'une marchandise qu'on pût rendre après une période d'essai - satisfait ou remboursé !

Il ne suffisait pas que la détestable litanie des réformes allât sempiternellement dans le même sens de l'aggravation, démentant insidieusement mais scientifiquement la naïve illusion que dans nos jeunes années nous entretînmes qui nous fit accroire que la seule alternative sérieuse résidât d'entre réforme et révolution - celle-ci plus déterminée et romantique, celle-là si prudente ; mais toutes les deux promesses d'un mieux. Ce sont encore les mêmes mots mais le second tellement honteux qu'on ne le susurre même plus à couvert ; mais le premier - mot traître par excellence - enjoignant avec allégresse la remise en question presque systématique de ce qu'on nommait autrefois les acquis sociaux.

Il ne suffisait pas d'écouter jusqu'à satiété les experts de tout poil asséner que les charges étaient trop lourdes pour les entreprises, que le coût du travail était trop élevée, voire même que le SMIC fût trop haut ; il fallait encore que les dominés y consentissent et en vinssent à plaindre, dans un élan surréaliste de masochisme social, ces malheureux riches abreuvés d'impôts et de taxes, contraints de s'exiler ... La modernité a tellement entendu Marx qu'elle s'en vînt à honorer Nietzsche : il faut protéger les forts contre les faibles !

Il me vient à penser qu'à tout prendre ce furent encore les droites qui comprirent le mieux la leçon de Marx : cette économie déterminante en dernière instance aura été le prétexte de tous les renoncements, de toutes les offenses, de toutes les agressions. Que l'idéologie dominante soit celle de la classe dominante, on le devinait ; mais on avait mal lu Marx, elle l'est aussi parce qu'elle devient celle de la classe dominée !

Pourquoi soudain ce si beau titre d'un ouvrage de N Grimaldi me vient-il en mémoire : l'effervescence du vide ?

Il ne suffisait pas qu'une mondialisation aussi mal comprise que peu anticipée - elle n'est pourtant que le prolongement d'une internationalisation des échanges théorisée dès Marx ! - ruinât les marges de manœuvre des États dès lors aux prises avec des puissances financières sans aucune mesure commune avec leurs propres capacités - et qu'une idéologie libérale aussi pauvre en concept que fière de son pragmatisme œuvrât avec constance entêtée à expulser les États de la sphère économique, les affaiblissant jusqu'à leur faire perdre toute légitimité, il fallut encore qu'on transmît à des entités supposées indépendantes les subsides de leurs souveraineté et compétence ouvrant le champ de la plus criante régression démocratique depuis 1789 ! Mais aux craintes et délires conspirationnistes les plus imbéciles qui soit !

Il ne suffisait pas que la mégalomanie d'une croissance économique, perçue comme seule issue mais aussi comme seul Éden envisageable, déroulât ses premiers effets désastreux sur l'environnement mettant ainsi en péril non pas seulement la sphère économique mais demain, inéluctablement, la planète et avec elle la survie de l'espèce, il fallait encore que de conférence internationale en COP 21, nous fissions la preuve implacable de notre incapacité à agir ensemble, même devant des périls qui, puisque mondiaux, dépassent brutalement les divergences internationales.

Il ne suffisait pas que, depuis quarante ans au moins, l'écart entre riches et pauvres s'allât croissant [2]- que ceci engage les particuliers ou les individus, non pas par une quelconque fatalité propre au système économique mais simplement parce que, soudain, on décida, par dogmatisme idéologique libéral, de renoncer à lutter là contre, il fallait encore - mais les deux ne vont-ils pas de pair en raison de l'affaiblissement des États ? - qu'on ruinât tout sens du service public, toute notion de l'intérêt général en sorte que les élites parussent désormais si soucieuses de se goinfrer, comme le suggère un détestable vocable en usage actuellement, qu'elles s'adjugent désormais des rémunérations hors sol qui les placent, nolens volens, hors du cadre commun et contribuent invariablement à une fracture dont on mesure tous les jours les effets désastreux. Ceci concernant tant les politiques, leurs conseillers que les grands PDG ? Le temps est décidément loin d'un de Gaulle récusant dès les années 50, une promotion pour services rendus qui eût amplement étoffé sa retraite de général de brigade à titre temporaire ; qui refusa de toucher en 69 sa retraite d'ancien Président de la République ; qui écartait systématiquement tout candidat conseiller exigeant de conserver ses rémunérations du privé largement supérieures alors à celles qu'on lui eût accordées dans le public ; qui payait ses propres factures d'électricité ... Quand on songe que la première chose que fit Sarkozy en 2007 fut d'augmenter de 141% ses propres rémunérations, que Mitterrand accorda aux anciens présidents avantages et retraite inusités auparavant, ceci laisse rêveur, certes, mais explique aisément comment l'on passa, insensiblement d'un État au service du public à un État tout juste accaparé tremplin de quelques ambitions personnelles ou d'une quelconque promotion de carrière.

Où sont les Robespierre s'exclamant, bravache ? [3]

Est-ce pour retomber sous le joug de l’aristocratie des riches, qu’il (le peuple) a brisé avec vous le joug de l’aristocratie féodale ? Robespierre,
Œuvres complètes, Paris, t. VII, 1950, p. 167

Où sont les Jaurès [4]qui, en 93, à la tribune de la Chambre, pointant les contradictions des républicains proclama ?

Eh bien ! vous, vous avez interrompu la vieille chanson qui berçait la misère humaine...et la misère humaine s’est réveillée avec des cris, elle s’est dressée devant vous et elle réclame aujourd’hui sa place, sa large place au soleil du monde naturel, le seul que vous n’ayez point pâli

Je vous l’avoue, j’aimais mieux pour notre pays les maisons de débauche où agonisait la vieille monarchie de l’ancien régime, que la maison louche de banque et d’usure où agonise l’honneur de la République bourgeoise.
M. le Président : Monsieur Jaurès, vous allez trop loin. Vous avez fait jusqu’à présent le procès de la famille Perier et vos dernières comparaisons dépassent toutes les bornes ; vous comparez la maison du président de la République à une maison de débauche…
M. Jaurès : Je ne la compare pas, je la mets au-dessous. […]

J'entends encore l'admirable Jaurès, provocateur à souhait mais sûr de son fait, juger la république bourgeoise plus bas que maison close !

Étonnante époque, pour qui j'avoue nourrir nostalgie même pas coupable, qui n'imaginait pas la révolution politique de 89, ou l'instauration supposée définitive de la république bourgeoise en 1875, autrement que comme une étape, nécessaire mais nécessairement transitoire vers une transformation sociale radicale de la cité. Grande mythologie du progrès, sas doute ! mais qui nous fait sentir jusque dans nos plaies les plus intimes, la pente que nous dévalons, les cimes que nous avons trahies.

Mais désormais je n'entends plus qu'antienne réaliste nous enjoignant, sous la menace d'un déclin supposé inexorable, de nous adapter à la mondialisation, de nous réconcilier avec la compétitivité, ne réalisant même pas que sous cette apparemment si réaliste et pragmatique objurgation se terre en fait le renoncement à tout principe, à toute moralité ; à toute dignité ! Il n'est pas un renoncement, depuis trente ans, qui ne s'inscrive dans cette lâche soumission au diktat du fait. Pas une régression sociale, pas un déni du politique, pas une trahison qui n'y trouve son prétexte, son explication ! Comment ne pas songer à cet article si ancien (1996) mais toujours si pertinent de F Brune montrant comment, sous l'apparent réalisme se terre toujours un implacable impératif. Ce qui se présente à nous, sous l'invite au pragmatisme, si honorable dans son respect des convenances et apparemment si neutre idéologiquement, n'est autre qu'une abdication en rase campagne, qu'un pétainisme moral et politique qui, après avoir dévoré les emplois primaires puis encore plus rapidement les secondaires ; qui, sous couvert d'une division internationale du travail, aura conjugué toutes les formes modernes de l'esclavage dans les pays émergents - on ne dit plus en voie de développement mais au fond il n'y niche le même mépris, souvenons nous des PIGS ; qui ici nous enjoint à l'impérative flexibilité parfois rebaptisée flexi-sécurité dans cette novlangue technicienne impayable qui n'a jamais assez d'imagination ni d'euphémismes experts pour nous faire prendre des vessies pour des lanternes ; qui veut désormais nous faire accroire que même une once modeste de stabilité de l'emploi fût un frein tant à l'innovation qu'à la compétitivité - jamais définie d'ailleurs ; qui ne réalise même pas la stupidité d'une société qui ne fût plus composée que de touristes et de gestionnaires ; qui ne voit aucune vulgarité dans l'invite à travailler le dimanche et qui demain finira bien par nous faire admettre que l'interdiction de faire travailler les enfants est un frein à la croissance, oui, ce qui se présente à nous aujourd'hui n'est autre que la substitution progressive des hommes inutiles aux sur-exploités d'antan [6] ... tout ceci au nom de la désormais sacro-sainte injonction de la modernité.

J'ai beau cherché ... je ne vois pas vraiment ce qui distingue encore un Macron d'une Lagarde : la gauche a plié bagages, sans même coup férir. Dans l'affaire la droite s'en est mieux sortie, demeurée presque fidèle à elle-même, à la trahison chiraquienne du gaullisme près quand même !

Mais non décidément tout ceci ne suffisait pas !

Encore fallait-il que de surcroît on nous prît pour des imbéciles ! qu'on trahît l'essence du politique ; qu'on violât les fondements même de la parole.

On ne fera pas qu'une nation, qu'un peuple, quelque définition que l'on veuille bien donner à ces deux termes si surchargés d'histoire et d'idéologie, on ne fera pas, dis-je, qu'ils n'existeront jamais que sur fond de solidarité qui s'ensemence d'abord sur le sentiment - feint, réel ou imaginaire - de partager une histoire commune, un avenir commun, une culture commune. S'il est un principe irrécusable de la démocratie - avant même que ce ne le soit de la République - c'est bien cette configuration d'un homme, d'un parti se présentant devant les électeurs pour leur proposer un projet, une démarche, une ambition que sais-je, un programme en tout cas que le corps électoral retiendra ou non.

Que l'idée, délétère à souhait, s'insinue qu'une campagne électorale ne consistât point dans une présentation de ce programme, mais comme une histoire à raconter comme un synopsis à monter qui tiendra le public en haleine le temps du spectacle ; non comme un discours sincère - comme on parle de la sincérité des comptes en comptabilité - mais comme un happening ou une performance n'ayant d'autre sens et valeur que la cohérence et la construction du scénario, alors on quitte immédiatement le territoire de la représentation politique pour celui de la représentation théâtrale.

Les sondages d'abord, les commentaires de presse avides surtout d'habiletés manœuvrières ensuite, les primaires enfin firent le reste : le moment sacré de la république est devenu une course à l'Elysée. Avec des étapes intermédiaires. Les partis ont perdu leur rôle de creuset des débats, et désormais le monopole du programme.

Le mensonge en plus !

N'oublions pas que dans un spectacle, cinéma, théâtre, TV ou music-hall qu'importe au fond, le spectateur nettement distinct de la scène ou de l'écran, sait parfaitement qu'il ne s'agit là que d'une fiction. Et il en jouit pour ceci même.

Ici, nous entrons dans l'illusion pure : au sens que Platon donnait à ce terme. Tels ces hommes dans la caverne, nous ne savons pas que nous ne savons pas. Ce n'aura été qu'un théâtre d'ombres. Mais ceux qui prennent bien garde d'entrer dans l'arène, ceux qui se pavanent sur la scène, et demeurent bien sagement assis sur leurs tas de certitudes, à l'extérieur de la réalité ordinaire, loin de la caverne, loin de ce peuple que l'on aime tant à condition de ne surtout pas vivre avec lui, ceux-là mentent. Effrontément ; avec le cynisme éhonté des nantis. Voudrait-on une figure politique de l'accroissement des inégalités qu'on la trouverait ici.

Je passe sur le mépris que ceci suggère - ce peuple si sot qu'il ne mérite même pas qu'on lui parle de raison - même si l'on contrefait à l'occasion le pragmatisme de rigueur. Mais nos anciens - cf Robespierre* - avaient raison : c'est un mépris de classe !

Je dis et persiste que ceux-là, dans l'incroyable fatuité de leur suffisance, sont tout simplement en train de se suicider en direct en ruinant le fondement même du politique, en assassinant la République ; trop rengorgés de leurs propres certitudes, trop rongés de leurs préjugés pour ne pas même comprendre qu'ils seront demain les prochaines, mais non regrettées, victimes de leurs mensonge.

J'ai souvent écrit ici que Sarkozy avait été le champion de ce refrain sinistre - Meistersinger qu'on aimerait traduire par maître chanteur si le terme ne prêtait à confusion.

Sur les conseils de Buisson, on allait donner au public le refrain qu'il désire entendre ; qu'on imagina qu'il désirait entendre: ceci fonctionna à merveille en 2007, moins en 2012, mais la dérive ultra-droitière de l'entre deux tours y trouve son fondement.

Voici l'homme politique transformé en bateleur de foires : bonimenteur à proprement parler.

Le désarroi s'en suit : entre impuissances et échecs, entre mensonges et communication politique, comment s'étonner alors que le Front National paraisse demain comme une alternative possible, sinon souhaitable ; en tout cas essayable.

Messieurs vous faites le lit du pire !

Entre évidement de tous les repères idéologiques et mise en scène, on se situe aujourd'hui très exactement à ce point, qui je le crois fit perdre Sarkozy, celui où l'habileté finit par se voir de trop passer au premier plan, d'avoir en fait arasé tout arrière-plan, ce moment où l'on passe de la communication au ce n'est qu'un coup de com particulièrement dévastateur : on n'y écoutera plus personne ni ne croira plus ni l'un ni l'autre. L'arasement des choix et différences politiques fera le reste et débouche invariablement sur le tous pourris ! ou sur le tous incapables à peine moins dangereux !

Relisons Barrès, je l'ai déjà écrit de peur d'être un jour contraint de relire Maurras ! Et si nous nous plaignons aujourd'hui de la vacuité d'un Hollande, j'aimerais autant n'avoir plus demain à espérer qu'en la vacuité d'un Général Boulanger !

Je n'y nourris aucun plaisir mais sous la déprime actuelle, derrière la crainte entonnée à satiété de notre déclin, je devine une colère sourde qui ne demande qu'à éclater. Ce pays a des patiences longues mais des colères soudaines. Il a toujours été grand quand, renversant la table, il prenait son destin en main (1789) mais tellement enclin à s'en remettre paresseusement à un homme providentiel. Parfois dans l'illusion de la grandeur (Clemenceau ; de Gaulle) parfois dans le ridicule ou le médiocre (Boulanger ; Napoléon III) mais parfois aussi dans la honte : Pétain.

Je crains bien que demain, en sus de la honte, nous n'ayons en plus l'horreur. Et l'on voudrait que pour ce prix j'abandonnasse la philosophie pour le cri strident de la communication ?

 


1) sur CNRTL

2) P Rosanvallon ITV accordée à l’occasion de la sortie de son ouvrage La société des égaux ; interview où il évoque, notamment un consentement collectif à l'inégalité

On lira aussi avec intérêt cette ITV accordée à Libération à peu près à la même époque

3) lire ce discours de Robespierre du 7 mai 94 sur la vertu

un Robespierre récusant toute expression méprisante à l'endroit du peuple :

Ces gens dont vous parlez sont apparemment des hommes qui vivent, qui existent, qui subsistent au sein de la société, sans aucun moyen de vivre ou de subsister. Car s’ils sont pourvus de ces moyens-là, ils ont, ce me semble, quelque chose à perdre ou à conserver. Oui, les grossiers habits qui me couvrent, l’humble réduit où j’achète le droit de me retirer et de vivre en paix, le modique salaire avec lequel je nourris ma femme et mes enfants ; tout cela je l’avoue, ce ne sont point des terres, des châteaux, des équipages ; tout cela s’appelle rien peut-être, pour le luxe et pour l’opulence ; mais c’est quelque chose pour l’humanité : c’est une propriété sacrée, aussi sacrée sans doute que les brillants domaines de la richesse. Que dis-je ! Ma liberté, ma vie, le droit d’obtenir sûreté ou vengeance pour moi et pour ceux qui me sont chers, le droit de repousser l’oppression, celui d’exercer librement toutes les facultés de mon esprit et de mon cœur ; tous ces biens si doux, les premiers de ceux que la nature a départis à l’homme, ne sont-ils pas confiés, comme les vôtres, à la garde des lois ! ibid p 164

4)Jaurès, discours de 1893

comment voulez-vous qu’à l’émancipation politique ne vienne pas s’ajouter, pour les travailleurs, l’émancipation sociale quand vous avez décrété et préparé vous-même leur émancipation intellectuelle ? Car vous n’avez pas voulu seulement que l’instruction fût universelle et obligatoire : vous avez voulu aussi qu’elle fût laïque, et vous avez bien fait. Par là même, vous avez mis en harmonie l’éducation populaire avec les résultats de la pensée moderne ; vous avez définitivement arraché le peuple à la tutelle de l’Eglise et du dogme ; vous avez rompu, non pas ces liens vivants dont je parlais tout à l’heure, mais les liens de passivité, d’habitude, de tradition et de routine qui subsistaient encore, Mais qu’avez-vous fait par là ? Ah ! je le sais bien, ce n’était qu’une habitude et non pas une croyance qui survivait encore en un grand nombre d’esprits ; mais cette habitude était, pour quelques- uns tout au moins, un calmant et un consolant, Eh bien ! vous, vous avez interrompu la vieille chanson qui berçait la misère humaine...et la misère humaine s’est réveillée avec des cris, elle s’est dressée devant vous et elle réclame aujourd’hui sa place, sa large place au soleil du monde naturel, le seul que vous n’ayez point pâli

5) Jaurès 1894 procès Casimir-Perier / Gérault-Richard

6) lire ce compte-rendu du Monde daté du 1 oct 2015