Palimpsestes

Jean-Paul SARTRE (1905-1980) L’être et le néant p 630 631

Ainsi, nous devons conclure, contre Heidegger, que loin que la mort soit ma possibilité propre, elle est un fait contingent qui, en tant que tel, m’échappe par principe et ressortit originellement à ma facticité. Je ne saurais ni découvrir ma mort, ni l’attendre ni prendre une attitude envers elle, car elle est ce qui se révèle comme l’indécouvrable, ce qui désarme toutes les attentes, ce qui se glisse dans toutes les attitudes et particulièrement dans celles qu’on pendrait vis-à-vis d’elle, pour les transformer en conduites extériorisées et figées dont le sens est pour toujours confié à d’autres qu’à nous-mêmes. La mort est un pur fait, comme la naissance; elle vient à nous du dehors et elle nous transforme du dehors.
La mort n’est aucunement structure ontologique de mon être, du moins en tant qu’il est pour soi c’est l’autre qui est mortel dans son être. Il n’y a aucune place pour la mort dans l’être-pour-soi; il ne peut ni l’attendre, ni la réaliser, ni se projeter vers elle; elle n’est aucunement le fondement de sa finitude et d’une façon générale, elle ne peut ni être fondée du dedans comme pro-jet de la liberté originelle, ni être reçue du dehors comme une qualité par le pour soi. Qu’est-elle donc? Rien d’autre qu’un certain aspect de la facticité et de l’être pour autrui, c’est-à-dire rien d’autre que du donné.