PASCAL,Pensées,
La
grandeur de l'homme est grande en ce qu'il se connaît misérable. Un arbre ne
se connaît pas misérable.
C'est donc être misérable que de se connaître misérable ; mais c'est être
grand que de connaître qu'on est misérable.
Penser fait la grandeur de l'homme.
Je puis bien concevoir un homme sans mains, pieds, tête (car ce n'est que
l'expérience qui nous apprend que la tête est plus nécessaire que les
pieds). Mais je ne puis concevoir un homme sans pensée : ce serait une
pierre ou une brute. [...]
L'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un
roseau pensant. Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser :
une vapeur, une goutte d'eau, suffit pour le tuer. Mais, quand l'univers
l'écraserait, l'homme serait encore plus noble que ce qui le tue, parce
qu'il sait qu'il meurt, et l'avantage de l'univers a sur lui, l'univers n'en
sait rien.
Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C'est de là qu'il nous faut
relever et non de l'espace et de la durée, que nous ne saurions remplir.
Travaillons donc à bien penser : voilà le principe de la morale.