PASCAL, Œuvres complètes, éd. du Seuil, 1963, p. 349.
Et
je n'ai choisi cette science [la géométrie] (...) que parce qu'elle seule
sait les véritables règles du raisonnement, et, sans s'arrêter aux règles
des syllogismes qui sont tellement naturelles qu'on ne peut les ignorer,
s'arrête et se fonde sur la véritable méthode de conduire le raisonnement en
toutes choses, que presque tout le monde ignore, et qu'il est si avantageux
de savoir, que nous voyons par expérience qu'entre esprits égaux et toutes
choses pareilles, celui qui a de la géométrie l'emporte et acquiert une
vigueur toute nouvelle. Je veux donc faire entendre ce que c'est que
démonstration par l'exemple de celle de géométrie, qui est presque la seule
des sciences humaines qui en produise d'infaillibles, parce qu'elle seule
observe la véritable méthode, au lieu que toutes les autres sont par une
nécessité naturelle dans quelque sorte de confusion que les seuls géomètres
savent extrêmement reconnaître. Cette véritable méthode qui formerait les
démonstrations dans la plus haute excellence, s'il était possible d'y
arriver, consisterait en deux choses principales : l'une, de n'employer
aucun terme dont on n'eût auparavant expliqué nettement le sens, l'autre, de
n'avancer jamais aucune proposition qu'on ne démontrât par des vérités déjà
connues : c'est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver
toutes les propositions.