palimpseste Leibniz

GWF Leibniz (1646-1716)
Essais de théodicée, 46 et 463

 

Il y a donc une liberté de contingence ou, en quelque façon d'indifférence, pourvu qu'on entende par l'indifférence que rien ne nous nécessite pour l'une ou pour l'autre partie; mais il n'y a jamais d'indifférence d'équilibre, c'est-à-dire où tout soit parfaitement égal de part et d'autre, sans qu'il y ait plus d'inclination vers un côté. Une infinité de grands et de petits mouvements internes et externes concourent avec nous dont le plus souvent l'on ne s'aperçoit pas.
(…) Comme je me suis expliqué plus d'une fois, je n'admets point une indifférence d'équilibre et je ne crois pas qu'on choisisse jamais quand on est absolument indifférent. Un tel choix serait une espèce de pur hasard, sans raison déterminante, tant apparente que cachée. Mais un tel hasard, une telle causalité absolue et réelle, est une chimère qui ne se trouve jamais dans la nature. Tous les sages conviennent que le hasard n'est qu'une chose apparente comme la fortune: c'est l'ignorance des causes qui le fait. Mais s'il y avait une telle indifférence vague, ou bien si l'on choisissait sans qu'il y eût rien qui nous portât à) choisir, le hasard serait quelque chose de réel, semblable à ce qui se trouvait dans ce petit détour des atomes (le clinamen selon Lucrèce) arrivant sans sujet et sans raison, au sentiment d'Epicure, qui l'avait introduit pour éviter la nécessité dont Cicéron s'est tant moqué avec raison.

 

 

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Il ne faut pas s'imaginer que notre liberté consiste dans une indétermination ou dans une indifférence d'équilibre, comme s'il fallait être également incliné du côté du oui et du non, et du côté des différents partis, lorsqu'il y en a plusieurs à prendre. Cet équilibre en tous sens est impossible ; car si nous étions également portés pour les partis A, B et C, nous ne pourrions pas être également portés pour A et pour non A. Cet équilibre est aussi absolument contraire à l'expérience et, quand on s'examinera, l'on trouvera qu'il y a toujours eu quelque cause ou raison qui nous a incliné vers le parti qu'on a pris, quoique bien souvent on ne s'aperçoive guère pourquoi, en sortant d'une porte, on a mis le pied droit avant le gauche, ou le gauche avant le droit.