palimpseste Leibniz

GWF Leibniz (1646-1716)
Nouveaux Essais sur
l’entendement humain, P 91-92

 

Cette table rase dont on parle n’est à mon avis qu’une fiction, que la nature ne souffre point et qui n’est fondée que dans les notions incomplètes des philosophes (…) L’expérience est nécessaire, je l’avoue, afin que l’âme soit déterminée à telles ou telles pensées, et afin qu’elle prenne garde aux idées qui sont en nous; mais le moyen que l’expérience et les sens puissent donner des idées? L’âme a-t-elle des fenêtres, ressemble-t-elle à des tablettes? est-elle comme de la cire? Il est visible que tous ceux qui pensent ainsi de l’âme la rendent corporelle dans le fond. On m’opposera cet axiome reçu parmi les philosophes que rien n’est dans l’âme qui ne vienne des sens. Mais il faut excepter l’âme elle-même et ses affections. Nihil est in intellectu quod non fuerit in sensu, excipe: nisi ipse intellectus. Or l’âme renferme l’être, la substance, l’un, le même, la cause, la perception, le raisonnement et quantité d’autres notions, que les sens ne sauraient donner.