Textes

Aristote,
Du Ciel, livre IV, chapitre 4, 311 a15-b12,
trad. J. Tricot.

 

xLes mouvements des quatre éléments (feu, air, eau et terre), selon le léger et le lourd, et des corps composés. Ce sont les différences des corps et les phénomènes qui se rattachent à ces corps dont nous avons maintenant à parler. Tout d'abord, suivant en cela la conviction unanime, nous avons à distinguer le lourd absolu, qui siège au bas de toutes choses, et le léger absolu, qui est à la surface de toutes choses. Je dis absolu, en m'attachant au genre même du lourd et du léger, et seulement pour les corps dans lesquels ne sont pas unies ces deux déterminations. Par exemple, il apparaît manifestement que le feu, quelle que soit sa quantité, se porte vers le haut, si aucun obstacle ne s'y oppose en fait, et la terre vers le bas. Le mouvement est le même, quoique plus rapide, si la quantité augmente. Il en est tout autrement du lourd et du léger envisagés dans les corps auxquels ces deux qualités appartiennent l'une et l'autre ; et, en effet, tandis qu'ils montent à la surface de certains corps, ils sont placés tout au fond d'autres.


Ainsi en est-il de l'air et de l'eau : ni l'un ni l'autre n'est absolument léger, ni absolument lourd ; il sont tous deux plus légers que la terre (car une de leurs parties, prise au hasard, monte à sa surface), et plus lourds que le feu (car une de leurs parties, quelle que soit sa quantité, repose au-dessous de lui) ; comparés l'un à l'autre, cependant, l'un est absolument lourd, et l'autre absolument léger, puisque l'air, quelle que soit sa quantité, monte à la surface de l'eau, et que l'eau, quelle que soit sa quantité, repose au-dessous de l'air. Mais, puisque les autres corps possèdent, les uns la pesanteur, les autres la légèreté, il est évident que la présence en eux de ces déterminations réside dans la différence de leurs parties incomposées : suivant que l'une ou l'autre se rencontre tantôt en quantité plus grande, tantôt en quantité plus petite, les corps seront respectivement légers et lourds.


Par conséquent, c'est de ces parties que nous devons parler, puisque tout le reste ne fait qu'obéir à ces parties premières, et c'est là précisément ce que nous conseillons de faire à ceux qui définissent le lourd par le plein, et le léger par le vide. S'il arrive, dès lors, que les mêmes corps ne sont pas regardés comme étant partout lourds et partout légers, c'est en raison des propriétés différentes de leurs corps premiers. Je veux dire que, dans l'air, par exemple, un talent de bois sera plus lourd qu'une mine de plomb, alors que, dans l'eau, le bois est plus léger.


La cause en est que tous les éléments, à l'exception du feu, ont poids, et que tous, à l'exception de la terre, ont légèreté. La terre, donc, et tous les corps où la terre est élément prédominant, est nécessairement partout pesante, tandis que l'eau est pesante partout, sauf dans la terre, et l'air est pesant quand il n'est pas dans l'eau ou dans la terre, car dans l'emplacement qui leur est propre, tous les corps sont pesants, à l'exception du feu, même l'air. Une preuve, c'est qu'une vessie une fois gonflée pèse davantage que vide. Par suite, un corps qui a plus d'air que de terre et d'eau, peut bien être plus léger, dans l'eau, qu'un autre corps, tout en étant plus lourd que lui, dans l'air, puisqu'il ne monte pas à la surface de l'air, alors qu'il monte à la surface de l'eau.