Chronique du quinquennat

Figures de style ...

Langue qui fourche, langue de bois ou langue fielleuse ?


J’aime ces effets de langage qui nous changent décidément des éléments de langage de la période précédente. Ces langues qui ne disent rien ou qui en disent trop ; ces langues qui dérapent à force de vouloir jouer la posture …

Trois exemples nous en offrent l’illustration : A Filippetti ; E Zemmour ; Ch Lagarde

Filippetti d’abord

Une ministre qu’on interroge * sur les dossiers qu’elle aura à traiter et qui ne peut pas encore dire grand chose, non qu’elle n’y soit pas compétente – après tout elle avait la charge de ces dossiers dans l’équipe de campagne – mais plutôt que, choisissant la stratégie de la concertation préalable, elle ne peut rien dire sous peine de verrouiller la discussion avant même qu’elle n’ait commencé.

Alors ne rien dire revient plutôt que de porter le commentaire sur les moyens à mettre en œuvre, à fixer l’objectif. Si l’on se souvient, en bonne logique, que la liberté de notre volonté porte sur les moyens , jamais sur les fins, la volonté inclinant toujours vers le mieux, et que, par ailleurs ce but a été préalablement précisé par le programme du président élu, force est de constater … qu’elle ne dit rien. Or, c’est nécessairement sur les moyens que les positions s’affronteront, que les contradictions apparaîtront. Mais ici, non … rien !

Lagarde ensuite

La directrice du FMI, ex-ministre de l’économie, ultime rescapée de la période précédente, est forcément en pointe sur le dossier de la dette grecque. Mais quand elle s’exprime elle n’y va pas de main morte.

Elle affirme que

«les Grecs devraient commencer par s’entraider collectivement», et ce, en «payant tous leurs impôts».

Dans cette interview au Gardian, parue vendredi, elle évoque aussi «tous ces gens qui essaient tout le temps d’échapper aux taxes». La directrice du FMI dresse même un parallèle avec la situation en Afrique, estimant que les jeunes enfants dans un petit village du Niger

«ont encore plus besoin d’aide que les gens à Athènes».

Il y a deux aspects dans cette déclaration :

Manifestement, Lagarde semble dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas. Il n’y a pas que du côté allemand que l’on estime que les grecs ont été défaillants et qu’ils doivent désormais tirer – et payer – les conséquences de leur défaillance, de leur négligence. Cela, c'est le point de vue technique, le point de vue de l'autorité que lui confère son statut mais aussi sa position de généreux bailleur de fonds.

Mais ce faisant, Lagarde adopte la posture supposée courageuse de qui brave les canons de la pensée unique et les fioritures convenues de la langue de bois. En disant clairement ceci, elle profite manifestement de sa position d’édile internationale puisqu’au fond elle est la seule à ne pas représenter son pays mais la communauté internationale tout entière, la seule aussi à occuper cette place confortable et généreuse de bailleur de fonds  qui offre et ne demande rien.

But I try to not be French, not be European, when I do my job. And I know that resolving the Euro area crisis matters also to the Mexican, the Australian, the Brazilian.

On peut, bien entendu, trouver quelque excuse à la brutalité du propos - que les concernés ont immédiatement perçus comme humiliants- et s'arrêter à la simple considération d'une erreur de communication ; d'une bourde. Ce qui serait quand même étonnant de la part de quelqu'un qui est rompu aux échanges internationaux, qui connaît parfaitement le monde anglo-saxon et à été ministre de l'économie pendant la quasi totalité du quinquennat. On peut au contraire y voir une communication parfaitement maîtrisée qui, alors dit bien autre chose que ce qu'elle paraît avancer à première vue.

En réalité, sous ce discours d'autorité se cache en vérité à la fois un discours moral et politique qui fonctionne en quatre temps :

1e étape : la généralisation – forcément caricaturale - : les grecs sont gens à œuvrer d’abord à ne pas payer leurs impôts ; donc à tricher

2e étape : le sous entendu moral – pas véritablement explicité mais qui suggère d’une part que les grecs trichent ; d’autre pas sont irresponsables au sens strict du terme c'est-à-dire cherchant à se soustraire aux conséquences de leurs actes.

3e étape : l’appel au bon sens en suggérant toujours le vieil adage biblique : aide toi le ciel t’aidera qui comporte au mieux un conseil au pire une menace : pour pouvoir les aider, encore faut-il que préalablement ils s’aident eux-mêmes et fassent le premier pas

4e étape : la comparaison, ici avec  les jeunes enfants du Niger.


No, I think more of the little kids from a school in a little village in Niger who get teaching two hours a day, sharing one chair for three of them, and who are very keen to get an education. I have them in my mind all the time. Because I think they need even more help than the people in Athens
(…) Do you know what? As far as Athens is concerned, I also think about all those people who are trying to escape tax all the time. All these people in Greece who are trying to escape tax

Comparaison n’est pas raison, dit-on, mais celle-ci a une rationalité terriblement ravageuse :

- elle met en balance d’un côté des enfants, innocents, et des adultes supposés négligents et tricheurs ; des enfants qui fournissent tous les efforts possibles face à des adultes qui renâclent devant tout sacrifice ; des enfants qui méritent qu’on les aide et qui en ont besoin face à des adultes qui ne le méritent pas.
- elle introduit un jugement moral – mérite et innocence – face à une culpabilité que l’on n’ose pas prononcer et à une sanction qu’on ne veut pas décréter.

Point n’est besoin alors de s’indigner devant des propos brutaux ou injustes en remarquant par exemple que ce sont les petits qui trinqueront quand les gros, les institutions par exemple ont déjà su en Grèce se mettre à l’abri. Parce que le propos ne visait pas une solution à trouver, une aide à apporter, notamment en facilitant la reconstruction d’un État digne de ce nom, mais seulement à fustiger, à dénoncer.

Le propos est indigne parce qu’inutilement blessant ; insupportable parce qu’il ne relève pas du politique, encore moins du technique, mais de cette stratégie de dénonciation morale – plus fréquente du côté de l’extrême-droite que de la droite d’ailleurs – qui pointe l’attention et le ressentiment du public sur les tricheurs, les assistés – ce qu’on a tellement entendu durant la campagne électorale ….

Point n’est besoin d s’indigner non décidément tant ceci relève d’une stratégie que d’aucuns qualifieraient de populiste que je crois simplement démagogique . elle révèle la tentation de plus en plus fréquente du repliement sur soi, de la rupture de la solidarité que les périodes de crise suscitent ordinairement. Elle est juste scandaleuse de la part de la directrice d’une institution internationale dont la raison d’être, précisément, est de créer une solidarité  … Elle est tout au plus culottée quand on se rappelle, ce que les internautes se sont fait un plaisir de souligner ... qu'en tant que fonctionnaire internationale Lagarde non plus ne paie pas d'impôts. **

Le propos est donc bien politique et reprend les bases de la campagne présidentielle.

Zemmour enfin :

On sait, pour l'avoir rapidement évoqué, qu'il s'en est pris dans une chronique sur RTL à C Taubira et aura renvoyé dans leurs buts toutes les insinuations portées sur les critiques faites au Ministre en arguant qu'elle en fût responsable.

On remarquera la même stratégie en trois temps :

- la généralisation abusive entre mineurs et délinquants de banlieue, trafiquants de drogues et caïds de quartier

- le sous-entendu moral : deux poids deux mesures entre les harceleurs à l’égard de qui l’on se veut intransigeant et les délinquants à l’égard de qui on nourrit une complaisance coupable

- l’appel au bon sens : les attaques dont Taubira est l’objet sont en réalité un juste retour des choses . Le sous entendu est ici aussi biblique Qui sème le vent récolte la tempête ! Cette femme a  choisi ses victimes : elle le paie ! Elle n’a que ce qu’elle mérite.

Il y a juste, chez Zemmour quelque chose de plus, en filigrane, qui participe de l’analyse qu’il fait depuis longtemps d’une virilité occidentale menacée par une féminisation ivre d’égalitarisme..

L’implicite, et donc la comparaison est chez lui double : on le repère notamment dans la mise au point qu’il a cru devoir faire quelques jours après sa première intervention et dont, le moins que l’on puisse dire, est qu’elle ne fait qu’aggraver l’imputation.

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Zemmour se pose en victime des critiques professionnels, mais au même titre que dans sa première intervention il suggéra que Taubira avait trié entre les bonnes victimes femmes et les enfants et les bourreaux les hommes blancs  et laissait entendre ainsi que la ministre pratiquait une vaginocratie doublée d’un racisme anti-blanc, de la même manière dans sa mise au point en évoquant les professionnels de l’indignation tarifée il suggère que toute critique à lui faite non seulement serait le fait de la bien pensance de gauche, de cette forme de pensée unique dont il se fait le contempteur mais surtout d’une pratique un peu honteuse à peine plus honorable que la fréquentation des péripatéticiennes ou que la prostitution elle-même.

On peut s’interroger sur cette propension à aller quérir ses vocables dans le registre de la sexualité : n’est-ce qu’une manière habile de renvoyer les moralisateurs de gauche à leur soutien, il y a à peine un an, à DSK ? ou, plus grave, est-ce une manière de remettre sur le tapis cette idée, très droitière, en réalité d’extrême-droite, d’un Occident menacé de dégénérescence  à la fois par l’étranger et par l’appel débilitant à l’égalitarisme ? Ce qu’on a entendu à Toulon comme à Toulouse dans le discours sur les frontières ; ce qui reste l’antienne de M Le Pen dont il n’y a du coup pas à s’étonner du soutien si vite  apporté à Zemmour.

On peut s’amuser aussi de cette habile inversion des postures qui permet à Zemmour à la fois de se poser en victime et de brocarder la pensée du système, la gauche et les élites tous ceux dont Sarkozy a martelé durant la campagne qu’ils n’ont rien compris.

En évoquant ces

Torquemadas de café du commerce qui essaient de me brûler en place de Grève régulièrement". "Ils passent leur temps à vous faire des procès d'inquisition, non seulement sur les mots que vous employez, c'est même pas les mots, parce que derrière les mots il y a vos pensées et derrière vos pensées, il y a vos arrière-pensées",

il se place délibérément comme la victime d’une Inquisition nouvelle qui interdirait de penser mais s’amuse en même temps à brocarder l’imputation à sous-entendus, lui qui en est le maître. Détour classique que ce renvoi à l’adversaire de l’arme pointée : il y a quand même ici un côté c’est qui qui dit qui est ou c’est pas moi, Mdame c’est l’autre qui préfigure plus la querelle de cours de récréation que la digne rigueur de la pensée. Citer par ailleurs Torquemada qui fut quand même le plus intransigeant des inquisiteurs espagnols et est devenu pour cela la figure emblématique des aspects les plus noirs de l'Inquisition n'est pas anodin. Ce n'est pas tant que Zemmour se pose en martyre de la vérité qui dérange qui est révélateur ici, c'est la manière dont il revendique de pouvoir dire ce qu'il avance sans être critiqué, pour ceci que ce serait une analyse politique ; celle dont, en bon zélote, il repousse tout argument contraire au nom de la libre expression insinuant par là que ses contradicteurs seraient liberticide. Et en digne héritier d'une droite extrême dont il s'approche de plus en plus, il retourne l'argument de la diabolisation. Critiquer = diaboliser. Autrement dit ne pas dialoguer !

Zemmour sur la question des hommes comme sur celle de la sécurité réinvente non la pensée unique, mais la voix de son maître !

Figures de style

Alors oui comparaison, extrapolation empressée, analogie paresseuse plus moralisation sont bien les ingrédients de cette nouvelle manière sinon de penser en tout cas de chroniquer – où la provocation finalement compte plus que le propos ; où le propos compte moins que l’auto-justification c'est-à-dire la posture.

 


sur le rapport à la morale et en particulier la culture de l'austérité lire ce texte de Mona Chollet

lire ce point de vue paru dans Libération

TVA, RFI, CSA, Hadopi... les dossiers de Mme Filippetti

Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication, a passé en revue, lundi 21 mai, sur France Inter, les premiers dossiers qu'elle va traiter. Conformément à la promesse de François Hollande, elle va refaire passer la TVA sur le livre papier de 7 % à 5,5 %. Cette mesure sera prise rapidement dans le cadre de la nouvelle loi de finances, en juillet. " Cette baisse ne doit pas entraîner de nouveaux frais d'étiquetage pour les libraires ", a-t-elle précisé.

Dans le domaine audiovisuel, la ministre a évoqué la réforme du Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA), qui aura de nouveau la responsabilité de nommer les présidents des groupes audiovisuels publics. La réforme se fera en concertation et pourra aboutir en 2013, quand le mandat des actuels dirigeants du CSA arrive à expiration.

Sur le dossier chaud de la réforme de l'audiovisuel extérieur de la France et le projet de fusion entre France 24 et RFI, elle a souhaité que " RFI puisse retrouver sa mission " et a estimé que " le déménagement n'est pas inéluctable ".

Concernant la presse écrite, la ministre avait déclaré, samedi 19 mai à l'AFP, qu'elle souhaitait " une loi pour la protection des sources des journalistes ". " J'y tiens énormément, c'est un sujet essentiel pour une grande démocratie ", a-t-elle ajouté.

Elle a aussi évoqué Presstalis, principal acteur de la distribution de la presse, qui se trouve au bord du dépôt de bilan et a besoin de 170 millions d'euros pour mener à bien sa restructuration. " Il faudra de manière assez rapide s'occuper de trouver une solution ", a-t-elle souligné.

Pour la Haute Autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), la ministre a précisé qu'il allait " y avoir une grande concertation pour l'acte II de l'exception culturelle ". Elle s'est félicité que " le débat se soit apaisé sur le sujet ".

La nouvelle loi devra permettre aux internautes d'avoir accès aux contenus culturels, tout en assurant la rémunération des artistes et de la création. Dans la même logique d'équilibre, l'objectif est d'assurer le développement de l'offre légale et de lutter contre la contrefaçon. La ministre s'est prononcée en faveur de l'abandon du volet répressif de la loi Hadopi. " Le système de sanctions actuel s'est révélé inefficace et négatif d'un point de vue du message envoyé car on a opposé les artistes avec leur public. "

Ministres à l'unisson

Sur ce dossier, Aurélie Filippetti et Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des PME et de l'économie numérique, sont pour l'instant à l'unisson. La concertation sur Hadopi, qui impliquera tous les acteurs de la filière et les consommateurs, " sera lancée avant l'été et prendra le temps qu'il faudra (au moins six mois) ", a précisé Mme Pellerin sur France 3, dimanche 20 mai.

La fiscalité des acteurs de l'Internet et des télécommunications est un autre chantier qui devrait être ouvert " dans les semaines qui viennent ", précise Mme Pellerin, jointe par Le Monde lundi 21 mai. Il y aura une revue des taxes imposées aux fournisseurs d'accès à Internet : " Ils payent encore des impôts, par exemple, pour les vidéogrammes et les phonogrammes, cela n'a plus beaucoup de sens, une mise à jour est nécessaire ", selon Mme Pellerin. Elle va aussi travailler sur une fiscalité plus équilibrée des acteurs de l'Internet.

Alain Beuve-Méry


Christine Lagarde non plus ne paie pas d'impôt
Le Monde.fr

Voilà qui ne devrait pas arranger les affaires de Christine Lagarde : quelques jours après provoqué un véritable tollé en conseillant aux Grecs, dans un entretien au quotidien britannique The Guardian vendredi 25 mai, de "s'entraider mutuellement" en "payant tous leurs impôts" - l'obligeant à s'expliquer sur sa page Facebook -, plusieurs internautes ont rappelé, lundi 28 mai, que la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI) ne paie elle-même pas d'impôts sur le revenu, malgré un salaire annuel de 380 939 euros.

Comme l'indiquait le site Tout sur les impôts en juillet 2011, la directrice générale du FMI bénéficie en effet d'un statut fiscal spécifique en qualité de fonctionnaire internationale. Tous ses revenus et traitements issus du Fonds ne sont pas imposables.

Cette situation est définie par les articles 34 et 38 de la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques de 1961 (voir le traité en PDF), qui affirment que "l'agent diplomatique est exempt de tous impôts et taxes, personnels ou réels nationaux, régionaux ou communaux".

Il est toutefois redevable de certains impôts sur "les biens immeubles privés situés sur le territoire de l'Etat accréditaire" ou encore sur les "services particuliers"