Elysées 2012

Sarkozy, un rebond loin du compte

 

Si sa cote remonte, le chef de l’Etat accumule un retard historique dans les sondages et peine à arrêter une stratégie : surfer sur la stature d’un président au-dessus de la mêlée ou cliver à droite.

Par GRÉGOIRE BISEAU

Un vrai rebond de popularité. Mais qui n’annonce pas (pour l’instant en tout cas) de printemps présidentiel sarkozyste. C’est si vrai que l’entourage du chef de l’Etat la joue incroyablement modeste. «C’était attendu», dit un conseiller. «Il faut rester très prudent», dit un autre. «On a encore beaucoup de chemin à faire», dit un troisième. On ne sait si la consigne a été donnée, mais le résultat est sidérant de précaution oratoire. Pourtant, la Sarkozie attendait depuis des mois ce moment.

En septembre, Alain Carignon, qui anime avec Brice Hortefeux la cellule riposte de l’UMP, nous avait donné rendez-vous à la fin du mois novembre. «Normalement ça devrait bouger à ce moment-là. Mais si ça ne bouge pas, alors ce sera très inquiétant»,avait-il confié. Aujourd’hui, l’Elysée peut respirer : la cote de popularité et les intentions de vote de Nicolas Sarkozy remontent. Bien sûr, ce n’est pas le Pérou. Mais la hausse est bien là, confirmée par presque tous les organismes de sondage.

Selon une enquête LH2 pour Yahoo publié hier soir, le Président gagne 5 points d’intentions de vote au premier tour (29%), se hissant au niveau de François Hollande, qui lui perd 9 points (à 30%). Le deuxième tour, en revanche, même si l’écart se resserre un peu, reste très favorable au candidat socialiste avec 58% des votes, contre 42%à Sarkozy. On sentait venir ce résultat depuis plusieurs jours. Il y a deux semaines, dans la foulée de l’annonce du plan de rigueur de François Fillon, le chef de l’Etat avait déjà pris 8 points d’indice de confiance dans un sondage CSA. La plus forte hausse depuis le début du quinquennat, qui lui permet de retrouver son niveau de février 2010.

Mécanique.

Pour les experts de l’opinion, ces résultats ne sont pas étonnants. Tous s’attendaient à une correction presque mécanique. A la sortie de la primaire, Hollande allait devoir redescendre de son nuage. «Avant il était le candidat centriste de la primaire, maintenant il est le candidat de la gauche tout entière», explique François Miquet-Marty, directeur de Viavoice. Et, depuis, le cafouillis des négociations sur le nucléaire avec les Verts n’a évidemment pas arrangé ses affaires. Quant à Sarkozy, il retrouve un peu de crédibilité perdue. Son action pendant la crise de l’euro, le G20 de Cannes, son duplex avec Obama et sa causerie télévisée avec Pernaut et Calvi (12 millions de téléspectateurs)… tout cela a semble-t-il poussé dans le même sens. «Les Français sont aujourd’hui convaincus que la survie du système est en jeu et que Sarkozy ne surjoue plus», explique Jérôme Sainte-Marie, directeur du département opinion du CSA.

A l’Elysée, on guettait cette évolution depuis longtemps. «Depuis un an, la façon dont les Français regardent l’action du Président est en train de changer en profondeur», croit un conseiller. «Il y a un an, il y avait une vraie colère contre le Président. Ce n’est plus le cas aujourd’hui», assure un ministre. Reste que les handicaps dont souffre Sarkozy sont effrayants. D’abord, le rapport gauche-droite n’a jamais été aussi favorable au PS. Ensuite, jamais dans l’histoire un candidat n’a pu combler un tel écart avec son concurrent de deuxième tour. Enfin, en Europe, toutes les majorités ont été balayées par la crise. «C’est vrai, répond Sainte-Marie, de CSA, mais cette crise est de nature exceptionnelle et elle peut très bien produire des réactions très différentes.» Pour l’instant, l’image éculée du capitaine qui tient la barre en pleine tempête, dont toute la majorité se gargarise, semble produire ses effets.

Réserves.

Mais même l’Elysée sait que cela sera insuffisant. «C’est bien, cela signifie que le Président est crédible sur la gestion des déficits. Mais ce n’est pas avec cette image de capitaine qu’on va gagner une élection présidentielle. Il faut dire aux Français ce qui se passera après la tempête», confie un conseiller. Et le Palais, tiraillé entre deux options radicalement différentes, n’a pas tranché (lire page 4). Pour une simple raison : Sarkozy a certes retrouvé un score convenable au premier tour, mais ses réserves de voix sont très faibles. Notamment à cause du niveau toujours élevé de Marine Le Pen. Cet attentisme effraye un poids lourd du gouvernement : «Pour rattraper son retard, il faut que Sarkozy prenne un risque politique avant la fin de l’année. Il n’a pas trop le choix que de faire le débat.» Sauf à se laisser porter par les vagues de la crise.