Elysées 2012

M. Sarkozy jugé énergique mais impuissant face à la crise


Quelle image les Français se font-ils des candidats à l'élection présidentielle ? Cinq mois avant le premier tour, Le Monde, le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), la Fondation pour l'innovation politique (proche de l'UMP) et la Fondation Jean-Jaurès (proche du PS) se sont associés à Ipsos et Logica Business Consulting pour répondre à cette question à partir d'un échantillon de taille exceptionnelle : 6 000 personnes inscrites sur les listes électorales et représentatives de la population française âgée de plus de 18 ans.

Réalisée par Internet du 4 au 10 novembre, c'est-à-dire au lendemain du sommet du G20 et au cours d'une semaine dominée, en France, par l'annonce d'un deuxième plan de rigueur, cette consultation fait d'abord apparaître l'avantage pris par François Hollande sur Nicolas Sarkozy.

Des onze candidats testés dans notre enquête, l'ancien premier secrétaire du Parti socialiste est le seul candidat dont une majorité de Français – 60 % – a une "bonne" opinion. François Bayrou, qui arrive en deuxième position, est 15 points derrière lui, sous la barre des 50 %. Nicolas Sarkozy, lui, est troisième : seuls 37 % des Français ont une bonne opinion de lui, tandis que 39 % ont une "très mauvaise" opinion. Avec Marine Le Pen, le président de la République est le seul candidat que plus du tiers des électeurs rejettent viscéralement.

QUALITÉS PERSONNELLES

Quand on interroge les électeurs sur les qualités qu'ils prêtent aux candidats, le contraste entre M. Hollande et M. Sarkozy apparaît, là encore, très nettement. Environ 60 % des Français jugent le premier "honnête", "sincère" et "sympathique" : ils sont moitié moins nombreux à penser que ces qualificatifs s'appliquent bien au second.

Autre trait positif prêté à M. Hollande : la capacité à "comprendre les problèmes des gens". De tous les candidats, il est le seul à se voir crédité d'une telle qualité par plus de la moitié des Français. M. Sarkozy, lui, est en queue de classement : 24 % des personnes interrogées estiment qu'il comprend leurs problèmes.

Les qualités personnelles sont une chose, la crédibilité en est une autre. En la matière, le chef de l'Etat conserve un net avantage sur son adversaire dans deux domaines régaliens : la politique étrangère et de défense (61 % contre 37 %), et la lutte contre l'insécurité (54 % contre 44 %).

"PROTÉGER LES FRANÇAIS"

Sur les questions économiques et sociales, qui arrivent en tête des préoccupations des Français, la crédibilité de M. Sarkozy est beaucoup plus fragile. Si le président sortant semble un peu plus capable que M. Hollande de "faire mieux fonctionner l'Europe" et de "faire face à la crise économique et financière", ce dernier est en revanche crédité d'une plus grande aptitude à "protéger les Français des conséquences de la crise" (55 % contre 44 %).

"La crise a incontestablement permis à Nicolas Sarkozy de renforcer sa stature présidentielle, mais c'est un leadership sans effet concret : les Français reconnaissent que Nicolas Sarkozy est capable de prendre des décisions, mais ils considèrent que celles-ci ne débouchent sur aucun résultat", observe Brice Teinturier, directeur général délégué d'Ipsos France.

M. Hollande, lui, se trouve dans la situation inverse : si les électeurs lui font moins confiance pour "prendre des décisions difficiles" (39 % contre 60 %), ils le jugent plus capable de les protéger. C'est le paradoxe du duel qui se profile, où celui qui fait figure de leader est taxé d'impuissance et celui qui passe pour le plus indécis est considéré comme le plus apte à changer le cours des choses.

M. BAYROU "HONNÊTE"

S'agissant des autres candidats, les principaux enseignements concernent François Bayrou et Marine Le Pen. Considéré comme "honnête", "sincère" et "sympathique" dans des proportions à peu près équivalentes à M. Hollande, le président du MoDem est en revanche loin derrière en termes de "présidentialité".

Sur ce point, le troisième homme de 2007 est devancé par Mme LePen : 32 % des Français estiment qu'elle a une stature présidentielle, ce qui la place certes à une vingtaine de points derrière M. Sarkozy et M. Hollande, mais devant M. Bayrou (30 %), Jean-Luc Mélenchon (18 %) et Eva Joly (13 %).

Troisième dans les intentions de vote (Le Monde des 20-21 novembre), la présidente du FN se situe, en termes d'image, dans une situation intermédiaire. Jugée moins compétente que les deux favoris, elle est en revanche considérée comme plus honnête et sincère que M. Sarkozy, écrase M. Hollande en termes de dynamisme et, enfin, est jugée plus crédible que ses deux adversaires quand elle assure qu'elle tiendra ses engagements (44 % contre 43 % pour M. Hollande et 30 % pour M. Sarkozy).

Le vote en faveur du FN ne peut plus être réduit à sa dimension protestataire. Parmi les électeurs de Marine Le Pen, 56 % le font par adhésion à ses propositions et 70 % parce qu'ils croient en sa capacité à "changer vraiment les choses".
Thomas Wieder