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Une série inspirée par une série d'articles du Monde : Les religions ne meurent jamais

Agacé parfois, étonné souvent, qu'on puisse être à ce point négligent quand il s'agit de l'usage des mots comme si en forcer l'usage ou se contenter de l'à-peu près pouvait faciliter le dialogue ou la compréhension de l'autre quand ceci ne traduit le plus souvent que la pauvreté de la pensée et/ou une étonnante paresse intellectuelle.

De quoi parle-t-on lorsque l'on parle de religion ? de foi ? de croyances ? de simples rituels qui scandent la vie sociale et marquent votre appartenance ? d'institutions plus ou moins liées au pouvoir qui en scandent l'existence ?

Trop de questions ; trop de directions différentes. Tenter pourtant de les esquisser.

 

Religion ? Préambule Croyance                  

 

Relegere ou religare ?

Pour cette série d'articles du Monde : Les religions ne meurent jamais ! Articles révélateurs qui, à partir de la permanence du judaïsme, des différentes étapes de la christianisation, de la résistance du manichéisme, notamment, tentent de brosser le portrait de courants moins permanents qu'on ne le croit souvent, mais plus résistants qu'on ne le dit.

Mais révélateurs de ceci encore que l'on n'est jamais très clair lorsque l'on parle de religion. Y évoque-t-on telle ou telle croyance ? ou les églises, les institutions qui les portent ? y évoque-t-on le rapport au monde et/ou à l'autre ou le si délicat mais inévitable compromis avec le politique qu'invariablement l'on noue ?

S'agit-il seulement de cette disposition à interroger le sens de son existence et son rapport avec le monde voire les dieux où un Cicéron voit une vertu ? S'agit-il d'une interrogation individuelle ou collective, présidant à des actes, des rites intimes ou collectifs ? ou d'une vaste entreprise d'assujettissement et de soumission ?

Faut-il y voir une question spirituelle ou métaphysique ou bien plutôt un fait social complexe sachant que lorsqu'on a écrit ceci on n'a en réalité rien dit et surtout pas même effleuré la question ?

Sont-ce mes origines qui m'y poussèrent - un judaïsme omniprésent mais silencieux, un protestantisme discret mais incisif en ces terres alsaciennes ? j'aurai en tout cas toujours clairement distingué d'entre la foi ou l'interrogation qui peut vous porter vers l'être et l'Eglise qui en organise les rituels. Rien ne m'est plus étranger que cet attachement sans retenue à l'égard d'une institution à vocation universelle, présumée sainte et trop spontanément assimilée au divin pour que je n'y voie pas malice. Cette confusion entre fin et moyen - entre l'Etre que l'on cherche et le chemin, rencontres et recueillements qui y conduisent - m'a, depuis Kant, toujours paru être la forme même de la malignité. Qu'une institution se drape des titres de sainte ou de mère, que des ministres du culte s'honorent du titre de père, révérend, éminence et autre sainteté me parait tellement contrevenir au 1e commandement que j'imagine mal qu'on pût à ce point tomber dans le piège.

Rien n'est à ce titre plus révélateur de la dérive que cette controverse, née après la publication du rapport Sauvé sur la pédocriminalité à l'intérieur de l'Eglise , sur un « secret de la confession plus fort que les lois de la République » qui vaut au président de la Conférence des évêques de France d'être convoqué au ministère de l'Intérieur. Comment mieux illustrer que la question religieuse qu'on pourrait naïvement croire affaire intime est aussi - d'abord - affaire politique et donc affaire de pouvoir et de rapport de forces ce que toute l'histoire de l'Eglise conforme.

Si ce sont des Eglises, diverses et variées, dont on affirme ici qu'elles ne meurent pas, le propos m'indiffère même s'il faut bien reconnaître qu'elles sont bien plus solides qu'on ne l'imaginait et, s'agissant de l'église catholique, qu'elle résista à bien des assauts et qu'aucune des vagues successives de déchristianisation ne parvint à la terrasser même si, bigre, les églises sont désormais bien vides.

Partir peut-être, pour comprendre, de la controverse sur l'étymologie même du terme.

Comme souvent, on peut aborder la question par le haut - qu'en est-il du divin ? - ou par le bas - les pratiques religieuses - ou par leur intersection - les institutions qui en organisent le rituel.

Autrement dit, derrière la pérennité du religieux …

une question métaphysique : l'existence du divin n'est qu'une autre manière de poser celle de l'être

une question morale : ce qu'individuellement mais aussi collectivement une société fait de cette croyance

une question politique : les place et rôle des institutions qui règlent les pratiques et ses rapports avec le politique

 

Allons y

(suite)