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Et si on levait le voile ?

L'actualité parfois opère des rapprochements cruels !

La mort de B Tapie n'aurait pas suscité en moi un quelconque commentaire sans la prolifération d'articles à son sujet faussement objectifs et parfois franchement hypocrites, n'était encore cet hommage que Canal tint à lui rendre ! L'homme était haut en couleur, certes ; hâbleur, sans conteste ; bonimenteur à merveille … mais quand même !

Et puis ce soir ce second article de la série Pandorapaper jetant la lumière sur les petites affaires de DSK.

L'homme a depuis longtemps quitté la lumière, contraint et forcé par ses exactions privées … savait-on véritablement qu'il paressait veulement dans les caniveaux si sombres de pseudo-conseils à des tyrans de tout poil ?

L'un et l'autre, même si de manière différente, symbolisèrent des moments - honteux - de la gauche. On se souvient des raisons plutôt byzantines et pseudo-habiles qui firent Mitterrand appeler gouvernement cet affairiste toute-à-tout et dépeceur d'entreprises. Qui se souvient de ce -plutôt bon au reste - gouvernement Jospin qu'on nomma parfois Dream Team dont DSK dut démissionner - déjà - pour de sombres affaires avec l'UNEF ?

Sortons des clichés habituels et des sottes remarques partisanes pour tenter de comprendre. Que les grandes litanies d'une gauche vertueuse et aisément donneuses de leçons se sont rapidement évanouies après l'ère Mitterrand : le passage au pouvoir ne s'est pas contenté de mettre à mal idéologie, programme et espérance. Nombreux furent ceux qui s'y perdirent. De là à penser que le pouvoir en tout état de cause est délétère … on en serait facilement tenté. Encore, pour l'affirmer, faudrait-il comprendre ce qui, dans le pouvoir, aurait cet inéluctable pouvoir corrosif.

J"y songe d'autant plus que, lors d'une récente soirée, j'entendis des camarades de tables peser et soupeser ceux qui de nos dirigeants récents avaient été à la hauteur avaient endossé le costume, bref eurent charisme ou dignité à hauteur de la fonction. D'aucuns jugeant, qu'en dépit de sa politique, Macron était digne de la fonction, d'autres non et tous s'accordant à en dénier toute apparence à Hollande. Pourquoi fut-ce à ce moment que je jugeai utile de rappeler que lui, au moins, ne traînait aucune casserole derrière lui et que s'il était facile de l'avoir jugé incompétent ou le devrait, au moins, lui reconnaître son honnêteté.

Certes le brouillage idéologique, l'évidement de tout contenu audible pour le socialisme, la victoire par défaut de cette absence totale d'idéologie qu'est le pragmatisme libéral faussement raisonnable, véritablement cynique, mais aussi la démagogie, depuis Chirac au moins, que caractérise l'empire des communicants professionnels et la certitude qu'une campagne n'était jamais qu'un vaste barnum où tout se pouvait dire, promettre et dénoncer sans conséquence aucune et surtout pas de s'y engager, tout ceci, oui, aura contribué à détourner du politique et du vote nombre de citoyens et à en dégoûter les autres au point de les pousser dans les bras des extrêmes fascisants.

Mais sont-ils responsables ? seuls responsables en tout cas ?

Après tout, n'est-ce pas parce que, nous-mêmes n'avons pas encore désappris de voir un thaumaturge capable de tout comme le serait l'oint du Seigneur, que nous nous obstinons en célébrations de victoire aussitôt suivies de déceptions violentes et de rejets massifs. Que la Ve République, concentrant si aisément sur une seule tête l'essentiel du pouvoir ait accentué notre histoire d'amour contrariée avec nos élus est vraisemblable ; n'a pas pour autant fait de nous des citoyens raisonnables. Nous n'aurions pas de si fréquentes colères ou passions mal contrôlées si nous ne nourrissions encore à l'endroit du politique une foi de charbonnier.

Je regarde notre passé et observe que parmi les hommes incontestablement intègres il y eut certes de Gaulle, peut-être Pompidou mais qui ne résista pas toujours au clinquant mais c'est tout à droite. Ni Chirac ni Sarkozy n'y brillèrent. Et à gauche, après Blum et Mendès, Jospin peut-être à qui on peut reprocher sans doute un rapport un peu trouble avec ses origines gauchistes mais certainement pas son affairisme.

Faut-il de dégoût détourner le regard ? ou accepter, une fois pour toute, que les miracles de la complexité œuvrent parfois en sorte que de belle pousses prolifèrent sur les immondices …

L'accepter, oui, non sans amertume néanmoins.

Est-ce ceci l'humanisme ? Aimer l'humain pour ces hauteurs qu'il ne parviendra jamais à atteindre ?

Les systèmes, les époques, l'Histoire, en somme, sécrète les hommes dont elle a besoin. Nous le savons depuis Hegel. Aux grandes fractures, les grands acteurs. Aux moments ordinaires … Il faut relire Mauriac qui parle très bien de ces cohortes de ministricules avançant lentement et pour pas grand chose. La IIIe, croyant retenir la leçon du coup de Napoléon III, s'affaira précisément à barrer la route aux hommes providentiels et y parvint presque toujours (Gambetta, Boulanger et même Clemenceau qu'elle n'élira pas à la présidence en 1919) : elle s'effondra de n'y plus parvenir (Pétain). La IVe fit de même, rongée par ses divisions mais aussi par un parlementarisme dévoyé, et y parvint dans un premier temps (De Gaulle très vite, Mendès après moins d'un an) et s'effondra de même de n'y plus parvenir (de Gaulle derechef).

Je crains que nous n'ayons trop forte dilection pour les grands hommes, fussent-ils de trouble démesure, pour supporter les hommes ordinaire ; un président normal ! L'épisode Hollande demeurera pour moi à la fois une énigme et un symptôme caricatural. Qu'est-ce finalement qu'habiter ce costume dont on augure que Macron y parvient alors qu'Hollande y eût échoué ? S'agit-il de ce charisme, souvent si mal défini, qui lui eût manqué alors que Macron en eût fait preuve, ce que je conteste ? ou simplement d'exercer pleinement, sans limite et sans obstacle un pouvoir total ?

Nous nous rengorgeons de notre tradition républicaine et nous flattons de nos révolutions. Pourtant de Robespierre à Napoléon, de Clemenceau à de Gaulle nous n'aurons jamais adoré que les providences. N'eûmes jamais que du mépris pour les autres, sans doute parce qu'ils nous ressemblent trop.

La Ve aura successivement vidé de toute substance le Parlement, le gouvernement, le conseil des ministres, les partis politiques - la concomitance des présidentielles et des législatives ne fit qu'amplifier le processus. La pente est vertigineuse et la manière dont fut gérée la crise sanitaire en dit long sur ce qui nous attend : les situations d'urgence qui ne manqueront pas de se reproduire avec la crise climatique susciteront de la même façon ce réflexe sinon autoritaire en tout cas non républicain. Point n'était besoin de supprimer ou réformer l'article 16 : nous y sommes en permanence. Un conseil de défense quelconque suffira désormais à assurer toute apparence de concertation.

Je ne m'étonne point désormais qu'une partie de l'électorat incline vers des candidats d'extrême-droite - type le Pen ou Zemmour - , quitte à la fin à ne pas passer à l'acte ; ou vers des forts-en-gueule - type Mélenchon. La convoitise des pouvoirs forts est réelle, attisée, comme ce fut le cas dans les années trente, par une presse écrite mais surtout TV et médias divers totalement dominées par des grandes fortunes peu scrupuleuses, peu regardantes sur les moyens employés, voire franchement convertie aux néo-fascismes.

Il en faudra du courage dans les temps à venir pour défendre une manière de normalité quand tout le monde affirme que la présidence n'est pas un métier normal et que la période ne n'est plus. Il en faudra du courage pour défendre le parlementarisme et, au delà de la démocratie, la République. Ce ne sont pas de telles figures qui nous y inciteront

Ce n'est pas la Patrie qui est en danger. Mais la République. Entendre ici et là que les temps sont trop difficiles et les périls à venir trop lourds pour que nous puissions demain les régler autrement qu'en urgence et de manière forte ; entendre que sans doute la démocratie serait un luxe que nous ne pourrons nous permettre demain et, qu'après tout, l'essentiel serait ailleurs que dans le politique ; suggérer que la transition écologique et le souci de la planète exigent des actions individuelles - ce qui est vrai - bien plus que collectives et politiques - ce qui est faux ; entendre que les jeunes générations s'engagent - ce qui est vrai - mais de manière nouvelle hors des sentiers battus du politique - ce qui est possible mais dangereux ; suggérer enfin que le politique fût affaire d'émotion bien plus que d'idéologie, oui tout cela fait le lit de systèmes autoritaires qui s'installent de manière d'autant plus efficaces qu'insidieuses : en nos têtes autant que dans les faits.

Inquiétant !