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Brèves 3 : ne jamais prendre le train

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Ce que ce pays va mal ! Combien ce pays ne s’aime plus … Ce que ce pays paraît mûr pour l’horreur : haine du politique, rancœur en tout cas. Vieille rengaine du Tous pourris, tous incapables.

Il y eut si peu de temps entre juin 36 et Juillet 40 … Si peu de temps entre la légèreté si vite évaporée d'un été trop rapide et les acrimonies sentencieuses du vieillard ivre de vengeance et d'orgueil bafoué …

C'est comme si le scenario infernal s'enclenchait à nouveau ; que bêtise et frustration mêlées complotaient derechef à bafouer tout honneur, toute dignité.

Toute liberté …

Je déteste décidément le fumet que rend ce ragoût !

Fin de journée un peu chaude … Sur le quai en attendant mon train. Un quidam m'interpelle, la cinquantaine aigrie, semblant tomber de nulle part. J'apprendrai plus tard, au gré de ses récriminations, qu'il s'agit d'un expatrié. Je ne sais d'où ; d'un mauvais rêve, assurément. Maugrée avant même que le train n'ait du retard ; il n'en aura d'ailleurs pas. Commence par s'en prendre à la SNCF qui pratique des prix exorbitants ; qui laisse entrer en 1e classe un père avec deux jeunes enfants qui brailleront tout au long du voyage. Quelle honte, effectivement, manquerait plus qu'on y laisse entrer les pauvres !

Seconde rengaina : c'était mieux avant, c'est mieux ailleurs ! Ce pays est foutu ! Analyse de l'acariâtre : après les politiques, les technocrates, les fonctionnaires. Grassement payés, fainéants, profiteurs. Ou quand l'atrabilaire contrefait la finesse ! Aurais aimé lui dire que si les fonctionnaires étaient si sots ils ne seraient pas parvenus à ne rien faire pour un salaire de pacha et qu'à ce titre ce serait plutôt lui qui serait un raté ! N'ai pas voulu exciter l'atrabilaire outre décence ; je ne voulais pas essuyer ses fielleuses pensées tout au long du voyage et cherchai désespérément à écourter ce qui était moins une conversation qu'un débordement hypocondriaque d'acide dépit.

Lui qui cherche dans l'homme, dans la malignité des autres une explication universelle, ne réalise pas combien ce que lui et ceux de son engeance auront voulu depuis quarante ans - le retrait de l’Etat - désormais se paie très cher Explication toujours facile : la faute au politique ; des escrocs ; des gangsters ; des incapables ou des niais  !!!! Mais qui a voté pour eux ? Qui a laissé faire ??? Qui a hurlé avec les loups ? Qui curieusement, dans un simpliste à faire frémir même un hérétique cathare, ne se sent jamais comptable de rien, encore moins responsable, surtout pas coupable ! Regard de l’expatrié qui s’indigne de tout et tombe dans la rengaine du c’est mieux ailleurs - pardi à jouer sur l'exploitation des populations autochtones, je l'imagine bien regretter son confort de pacha servi avec componction par un boy sous-payé - s'il l'est seulement !

Mais haine de soi finalement.

Plus souvent qu’autrefois ? Pays qui, en tout cas, qui semble n'avoir plus rien à aimer ; pas grand-chose à admirer ; tout à craindre. D’où la référence à De Gaulle, à la grande épopée de 40 ou la belle aventure de la Ve  : oui mais bigre cela fait quand même près d’un demi-siècle, non ?

Voici étalées toutes nos sombres contradictions ! l'hépatique ronchon qui, pour rien au monde, ne mettrait la main à la pâte, attend avec frilosité un grand homme qui prît les choses en main … à sa place.

Combien, dans ces conditions, l'époque est-elle propice aux prétentions centrifuges des féodalités d'à présent : les partis, l'argent, les syndicats, la presse, aux chimères de ceux qui voudraient remplacer notre action dans le monde par l'effacement international, au dénigrement corrosif de tant de milieux, affairistes, journalistiques, intellectuels, mondains, délivrés de leurs terreurs ! Bref, c'est en un temps de toutes parts sollicité par la médiocrité que je devrai agir pour la grandeur.
De Gaulle

Mais le grand homme lui-même ne cessa de se plaindre de la médiocrité ambiante, si éloignée des lumières de l'épopée d'antan …

Derrière la grande histoire, la petite ; derrière un grand peuple, le petit. Fourmilière grouillante, brouillonne. Confuse sous son ordre apparent. A moins que ce ne soit l'inverse.

Mais, assurément, vaut-il mieux ne pas regarder de trop près. De haut, la vue est meilleure et le fumet presque agréable.

De près ……

Il ne faut pas trop écouter le petit peuple. Il n'est intelligent que collectivement. Pris un à un, séparément, nous sommes stupides ; veules surtout ; prompts à nous donner telle une cocotte défraîchie, au premier maquereau venu pourvu qu'il parle fort et porte haut … quitte à nous plaindre demain des coups reçus.

Atmosphère, atmosphère …