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Brèves 4 : Ne jamais aller chez le coiffeur

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Incontournable … presque autant que bistrots et terrasses de bistrot ! Pendant que le spécialiste s'affaire à vous rendre allure humaine - barbe et cheveux compris - il parle. Toujours le même discours ou presque : ça ne va pas ; trop de charges ; on est dirigé par des incapables.

Jolie variation aujourd'hui sur un thème moins entendu depuis quelques mois : quand même quand on était jeune c'était mieux ; on avait moins d'argent mais on était heureux ! on s'est fait avoir avec l'euro !

Il fallait bien qu'il trouvât bouc-émissaire à son endémique hargne ! Pour une fois que ce n'était pas Sarkozy que l'on commence à oublier ; Hollande qui est tellement incapable, impuissant et pataud qu'on se surprendrait presque, non à le regretter ce serait excessif, mais à l'estimer avoir été si faible et impuissant qu'il en deviendrait irréprochable ; ni le prédicateur en chef Macron qui est l'épée de Damoclès subliminale de toutes les rancoeurs … Et bien, non, ce jour ce fut l'euro ! Pauvre monnaie commune qui connait le sort de toutes les unions : idylliques au début, vite infernales : l'euro accusé de faire exploser les prix au point que même travailler ne suffit plus ! Ce n'est pas le constat du m2 à plus de 10000 € à Paris qui inversera la tendance !

Bref c'était mieux avant …

Cliché habituel sur lequel je ne serais pas revenu si, en réalité, en écoutant parler Mauriac de sa jeunesse, ou Paul-Boncour ou d'autres encore sur la leur, ne m'apparut combien ce fût ici trouble ordinaire des consciences vieillissantes. Ce n'était pas forcément mieux avant mais au moins nous, étant jeunes, étions plus vaillants et plus endurants à supporter les vicissitudes que nous espérions ne pas pouvoir durer. Ce doux entrelacs de nos projets les plus fous, espérances les plus généreuses et vigueurs encore presque intactes où enthousiasmes excessifs le disputaient encore à désespoirs fatidiques, firent que, non, ce n'était pas mieux, mais offrait néanmoins pour quelques précieux instants encore, cette douce l'impression que tout était possible ; que ce possible ne dépendait que de nous.

Est-il plus amer que cette douleur de jeunesse que laisse filer l'adulte ? Il faut approcher de l'autre rive, et se préparer à se défaire du peu restant, pour commencer à s'émouvoir à nouveau de son enfance.

Je n'aime pas me sentir ainsi pris en tenailles : il est facile - et si vite méprisant - de considérer dans la parole de l'autre ce compendium de banalités, de stéréotypes et de petites rancœurs ordinaires ; il est si malaisé d'y répliquer à la fois parce que ce n'est pas le lieu, mais pas la peine non plus : ce qui s'énonce ici ne constituant pas les termes d'un dialogue mais seulement les spasmes tantôt fétides, tantôt drôles, mais plus souvent l'un que l'autre, d'un quotidien difficile et frustrant.

Au moins ne me trouvais-je pas dans cette position ridicule où le praticien dentiste, farfouillant dans votre bouche, vous posant questions dont il n'attend au reste nulle réponse mais pour combler ce vide dont la nature est supposée avoir horreur, s'emberlificote en d'aussi nobles que vaines considérations où il ne manque jamais de se perdre.

Fonction phatique du discours dirait doctement le linguiste ; exutoire - ou défouloir - dirait le psychanalyste par où se décharge la tension extrême. Communication dirait l'expert ! Vox populi dirait le démocrate en mal de suffrages. Ah cette sinistre manie de se croire avoir tout expliqué en baptisant seulement d'un concept la chose même que nous comprenons si mal !

Bref : Bruit simplement qui enfle.

J'aime cette audace qui veut que l'on ait un avis sur tout ; opinion tranchée même sur les sujets dont on ignore jusqu'aux tenants. Opinion toujours identique, inlassablement répétée jusqu'au spasme, qui permet cependant sous ses formes périodiquement actualisées de prendre le pouls d'une époque. D'où cette manie ? D'où cette propension à se croire non seulement raisonnable mais plus et mieux que son voisin ? Est-ce des principes du suffrage universel qui veut que le citoyen soit consulté non pas en raison de son expertise éventuelle mais de son seul statut de citoyen ? toujours est-il que tout le monde a toujours quelque chose à dire sur tout.

Animal raisonnable ? Aristote, est-ce si sûr ?

Je n'aime pas être pris en tenailles : mais entre le silence absolu, décidément insupportable, et le bruit de fond qui enfle incessamment n'est-il donc rien ? Ou faudrait-il pour y remédier que je devinsse chauve ?

Pascal aurait-il la réponse ?

 

Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours, ou nous rappelons le passé pour l’arrêter comme trop prompt, si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont point nôtres et ne pensons point au seul qui nous appartient, et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent d’ordinaire nous blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige, et s’il nous est agréable nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé ou à l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent, et si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin. Le passé et le présent sont nos moyens, le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre, et nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. Pascal