Bloc-Notes 2017
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12 juillet

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C et D

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Revenir sur ce qui précède parce qu'à la fois ce me semble anodin et crucial.

Depuis lundi dans un lieu où je n'étais jamais venu, sur un continent que je n'avais jamais foulé ; dans une culture que je connais évidemment mal ou peu …Et quoi ? devrais-je être troublé ? désarçonné au moins ? Je ne le suis pas.

Bien sûr je n'ai encore rien vu et puis, avec une franche délectation, j'avoue me laisser guider paresseusement, contrefaisant moins le touriste d'ailleurs que le niais. Disons le candide pour faire moins tarte.

Pour faire savant, rien de plus à craindre que l'ethnocentrisme surtout pour quelqu'un comme moi qui n'étant guère sorti de chez soi, de son pays, eût vite été tenté de confondre la diversité des nations européennes pour la diversité totale des compossibles. Sauf à considérer, pour peu que je me revendique philosophe, qu'en matière de jugement j'aurais appris au moins autant le principe de rigueur que celui de précaution qu'autrefois Aristote nommait la prudence. Ici, on plonge dans l'action et l'on échappe ainsi à la fois à l'universel et au nécessaire : le terrain de la morale est miné - il l'a toujours été - dangereux évidemment. Mais quoi je ne suis pas censeur, ni juge.

Touriste paresseux, oui, ce doit bien être lui le destinataire de ces croisières corsaires dont je fus le client, l'acteur …le patient. Une des rares activités touristiques de l'ile qui marche et donc fait vivre … soit ! Une armada de bateaux de pêche remaquillés en navires corsaires accueillent ce qu'il faut d'enfants avec leurs mères, mais surtout de touristes, allemands bien sûr, pas plus vulgaires que d'autres ni même plus gras, mais cette engeance curieuse de dames, sans doute retraitées, appareillées à rien mais arcboutées à une libido d'autant plus tyrannique qu'expirante, promptes à frétiller devant tout Adonis dont la fermeté des muscles fessiers vaudrait promesse d'extase même seulement sublimée.

Vulgaires ? Comment dire ? Non plutôt guiguittes ! Bavardes comme si leurs vies ne tenaient qu'au fil ininterrompu de leurs billevesées, en boucle répétées comme si l'horizon obstrué de leurs espérances interdisait que rien de nouveau puisse seulement se dire à défaut de se vivre. A l'aller mais surtout au retour, ces volailles empesées pousseront le luxe jusqu'à joindre le geste à la parole esquissant pas de danse - enfin plutôt trace poussive que pas ; rustique bourrée plutôt que danse … je crois même avoir reconnu la pêche aux moules - et ceci juste pour l'extase contrefaite d'approcher et imiter les pas de l'Adonis. Durant le repas, ce fut une autre affaire : de nous voir, assis à leur table, elles caquetèrent, interminablement ! Etions-nous de leur poulailler ? avions-nous payé notre écôt pour ainsi oser nous imposer sur leur perchoir ? Mais nous sommes un de trop ? mais qui n'a pas payé ? Ah je sais … la poule n'a jamais brillé par son intelligence ! mais la poule rassise … ! Voici la bestiole uniquement préoccupée d'elle-même, disposée à contrefaire la modernité en s'échangeant via MMS quelque traces de ses raids antérieurs : je ne sais pas si la vieillesse est un naufrage mais la retraitée de province, elle, est autisme de l'âme. Elle bloque sur des segments de phrases, des parcelles dépareillées de comportements, des éclisses éparpillées de sens. Pas un disque rayé, non ; le hoquet de l'être.

A l'arrivée, la cohorte, écrasée par la chaleur, traversera la bande de sable, se plongera dans l'eau d'où elle ne ressortira que deux heures plus tard pour le retour via une halte déjeuner.

 

Bien sûr, j'aurais pu remarquer autre chose : que sais-je ? la diversité des femmes, certaines drapées de tissus magnifiques, d'autres à l'occidentale en tenue estivale. Mais pourquoi sinon pour entonner quelque sulfureuse vindicte où je ne me reconnais pas.

Il m'en souvient, là, maintenant, parce que je vais en chercher les traces dans ma mémoire, qu'aux temps de mon enfance, le religieux était d'autant plus présent que je vivais dans les terres concordataires de l'Est ; d'autant plus bariolé qu'en ces ultimes années de la colonisation, les nord-africains, algériens surtout, formaient les légions nouvelles de ces mineurs de fond qui disparaîtraient bientôt ! C'est bien le souvenir que j'aime à garder de ces temps d'enfance, par ailleurs si anodins : quand se croisent ainsi les religions sans qu'aucune ne puisse se dire majoritaire, quand les populations s'entremêlent à ce point en ces lieux de frontières, de passage mais aussi d'écueils, la diversité était le paysage ; n'en était pas le prétexte. Sans idéaliser pour autant - car la tolérance n'est ni un état, ni une vertu, tout au mieux une tension - l'indifférence dut bien prendre sa lourde part, la méfiance ou le mépris, mais au moins la diversité était-elle un fait … Et si d'aucuns d'entre nous affectaient de se la jouer laicards, qu'était-ce d'autre qu'un jeu, une posture ; une -alors - aimable galéjade ?