Bloc-Notes 2017
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La présidentielle française n’a pas sombré dans la post-vérité… pour l’instant
Grégoire Biseau


24 janvier 2017

Lors du débat pour la primaire de gauche, le 12 janvier. Photo Denis Allard.Réa pour Libération
La vie politique française est-elle en voie de trumpisation avancée ? Nos débats démocratiques, notamment ceux de la primaire de la droite et de la gauche, ont-ils été pollués par l’ère du soupçon et de la «post-vérité» ? La réponse est plutôt négative.


Non pas que la démocratie française soit mieux-disante que son homologue américaine : elle sait être aussi caricaturale, brutale, diffamante et de mauvaise foi que sa grande sœur anglo-saxonne. Mais, à l’exception de quelques cas, elle n’a pas été prise en flagrant délit de débat d’une fausse réalité. Ou de nier des «données objectives élémentaires» du débat public, pour mieux s’en s’affranchir. Bien sûr, certains hommes politiques ont la fâcheuse habitude de marteler des chiffres tendancieux, voire carrément faux, en toute connaissance de cause. Pendant la campagne de la primaire, Nicolas Sarkozy en a été un merveilleux archétype, répétant sans vergogne des chiffres que son équipe de campagne savait parfaitement erronés. Bien sûr, les réseaux sociaux, notamment sous l’influence de la fachosphère et de sites complotistes, véhiculent et amplifient des calomnies ou des «rumeurs sans fondements», qui réussissent à remonter à la surface du débat public. La campagne menée par des milieux d’extrême droite contre «Ali Juppé» en a été une parfaite illustration.


Pour autant, la primaire de la droite, comme celle de la gauche, a plutôt démontré que notre écosystème médiatico-politique ne fonctionne pas si mal. En tout cas qu’il ne tourne pas dans le vide. Le pouvoir politique et son contre-pouvoir médiatique se parlent (énormément), s’écoutent (beaucoup) et se corrigent (un peu). Trop peu, sûrement, mais un peu quand même. Deux exemples récents. Au lendemain du deuxième débat de la primaire de la droite, les médias ont largement relayé et expertisé (et donc crédibilisé) les attaques d’Alain Juppé contre le programme de François Fillon, notamment sur son projet de réforme de la Sécurité sociale. Ouvrant une vraie séquence de rapport de force politique qui a obligé le candidat LR à amender son programme.


Pour la primaire à gauche, un mécanisme similaire s’est mis en marche sur le projet de revenu universel, défendu par Benoît Hamon. Là encore, celui qui allait devenir le favori de la primaire a dû, sous la pression conjointe des médias et de ses concurrents, préciser le calendrier d’application de sa mesure, et en chiffrer (dans une certaine mesure) les modalités de financement. Dans ces deux cas, loin de s’affranchir des questions des médias, Fillon comme Hamon ont dû ajuster leur discours et leur programme.


Cela n’empêche pas la classe politique française d’aimer de plus en plus surjouer son mépris pour le supposé pouvoir médiatique et sa pensée «unique». C’est même devenu une sorte de caution pour tout candidat qui se revendique du «hors système». C’est notamment vrai pour Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon. Mardi matin, sur France 2, ce dernier n’hésitait pas à dénoncer, sans preuves, un «trucage de masse» de la primaire à gauche. Mélenchon est même allé jusqu’à remettre en cause le fait que Hamon soit en tête du suffrage, avec un argument, pour le coup, très «post-vérité» : «Comment faire pour ne croire qu’à une partie de la fraude ? Qu’est-ce que vous en savez ? Vous décidez que ça, c’est vrai, et que ça, c’est pas vrai ?»