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Comparaison n'est pas raison

Et l'histoire, je le sais, ne se répète jamais.

Troublé pourtant à la relecture de ces quelques soixante pages de Vichy et les juifs où Paxton et Marrus abordent les origines de l'antisémitisme de Vichy. Se méfier des amalgames, soit ; mais que de rapprochements nonobstant. Une crise qui se traîne ; un emploi de plus en plus rare et précaire ; une crainte névrotique du déclin et une obsession entretenue à l'endroit d'une immigration si hâtivement assimilée à la menace quand ce n'est pas au terrorisme.

Et l'air de rien, la digue qui se fissure ici et là, d'intellectuels qui avec armes et bagages se mettent brusquement à hurler avec les loups ...

C'est un point d'histoire ? pas seulement ! il est des moments, rares mais tragiques, honteux comme les ultimes ressacs d'ombre que l'aurore encore timide ne sait affronter, où l'inconcevable, l’inacceptable subitement prend corps, cesse de s'insinuer pour s'instituer.

Qu'un vieux fond antisémite grève les mentalités françaises s'offrant ici et là quelques prurits comme la crise Boulanger ou l'affaire Dreyfus, on le savait ... on l'a toujours su. Ce que l'histoire de Vichy nous enseigne c'est comment la conjonction de la peur, de la crise et de l'incertitude peut à l'occasion offrir à un État pourtant solidement ancré, pourtant démocratique, la séduction du gouffre. Subrepticement l'administration avait pris le relais et commença dès 38 à dresser des listes, à fomenter des plans d'expulsions, de dénaturalisation ... Déjà ...

Les habitudes se prennent vite ; les mauvaises surtout. Il n'y a jamais loin de la coupe aux lèvres dit l'adage ! oh que oui ! Des décisions se prennent aujourd’hui dans l'urgence qu'on n'eût pas même imaginé concevoir hier. L'efficacité et le pragmatisme sont toujours le maquillage des hontes bues.

Vous avez eu à choisir entre la guerre et le déshonneur ; vous avez choisi le déshonneur, vous aurez la guerre.

C'est cela que je crains et vois se profiler : l'institution lente, discrète d'abord, mais bien vite tapageuse de tous les renoncements. Comment ne pas songer à cette harangue de Churchill à Chamberlain en 38 après les accords de Munich ? Le déshonneur nous sommes déjà en train de le consommer ... De l'urgence nous en viendrons bientôt à l'exception ... Doit-on oublier que dans cette chambre élue en 36, dans cette assemblée de Front Populaire certes réduite des élus communistes [1] mais quand même, il ne s'en trouva que 80 pour refuser de voter les pleins pouvoirs à Pétain et tout ceci au nom du réalisme ?

Il faudra y revenir ... en attendant lire ces pages ! vraiment ...

 


1) Le Parlement comptait à l'époque 846 membres, 60 députés et un sénateur (communistes) ayant été déchus de leur mandat en janvier 1940.