Textes

Marc Aurèle Pensées à moi-même

 

Palingénésie [3]

Livre V

13. Deux éléments forment mon être, constitué comme il l'est : ce sont la cause et la matière. Ni l'un ni l'autre de ces principes ne peut se perdre dans le néant ; car ce n'est pas du néant qu'ils sont sortis. Ainsi, chacune des parties qui me composent se convertira, par le changement, en une partie de l'univers. Celle-là se changera encore en une partie différente ; et ainsi de suite à l'infini. C'est précisément un changement de cet ordre qui m'a fait être ce que je suis, qui a produit également nos parents, et qui se poursuit indéfiniment aussi loin qu'on veuille remonter. C'est là une vérité incontestable ; ce qui n'empêche pas que le monde ne soit soumis dans son organisation à des révolutions périodiques et régulières.

Livre IX

28. Les choses de ce monde roulent toujours, en haut, en bas, dans le même cercle, qu'elles parcourent perpétuellement d'âge en âge. Ou bien, l'intelligence universelle s'occupe de chacune d'elles spécialement ; et alors, si cela est, tu dois adorer ce qu'elle a réglé elle-même ; ou bien, elle s'est contentée de donner une première impulsion, à laquelle toutes choses obéissent les unes à la suite des autres ; ou bien enfin, il n'y a que des atomes, c'est-à-dire des indivisibles. En un mot, Dieu existe, et dès lors tout est bien. Si tout va au hasard, toi du moins tu n'y es pas soumis. Bientôt la terre nous aura tous cachés dans son sein ; puis, elle-même changera comme nous ; ce qui succédera changera encore à l'infini, et ce changement sera éternel. Aussi, en considérant ces flots accumulés de révolutions et la rapidité de ces vicissitudes incessantes, on se sentira pris, pour tout ce qui est mortel, d'un bien profond dédain.