SERMON XCVI
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 Abbaye Saint Benoît de Port-Valais
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SERMON XCVI. LE RENONCEMENT EVANGÉLIQUE (1).

ANALYSE. — Si cette obligation nous effraie, n'oublions pas que l'amour rend tout facile. En quoi donc consiste le renoncement prescrit par Notre-Seigneur? — Le malheur de l'homme est de s'être détaché de Dieu pour s'aimer soi-même; et en s'aimant soi-même désordonnément, il a été comme forcé de mendier près des créatures le bonheur qu'il ne trouvait pas en soi. Or le renoncement consiste à reprendre la route abandonnée du bonheur véritable, et par conséquent à se détacher de l'amour déréglé de soi, des créatures et du monde, pour s'unir à Dieu malgré toutes les séductions et toutes les difficultés. Tous donc sont astreints à ce devoir du renoncement chrétien, et qu'on évite avec soin de regarder en arrière une fois qu'on y est entré.

 

1. L'obligation imposée par le Seigneur de se renoncer soi-même si on veut le suivre, semble rude et accablante. Mais rien de ce qu'il commande n'est ni rude ni accablant, puisqu'il aide à l'accomplir. Si donc il est vrai de dire avec le Psalmiste : « En considération des paroles sorties de « vos lèvres, j'ai marché dans des voies difficiles (2); » il est vrai aussi de dire avec le Sauveur : « Mon joug est doux et mon fardeau léger (3); » car la charité adoucit tout ce que les préceptes divins peuvent avoir de dur.

De quoi l'amour n'est-il pas capable? Trop souvent, hélas! l'amour est corrompu et plongé dans les plaisirs : mais combien n'endure-t-on pas de fatigues, d'indignités, de choses intolérables, pour parvenir au but où tend l'amour ! Voyez ce que dévorent l'ami de l'argent ou l'avare, l'ami des honneurs ou l'ambitieux, l'ami des beautés corporelles ou le libertin ! Mais qui pourrait nombrer seulement toutes les espèces d'amours ? Considérez néanmoins que quelles que soient ses fatigues, l'amour n'en ressent aucune ; sa plus grande fatigue n'est-elle pas même de ne pouvoir se fatiguer ?

 

1. Marc, VIII, 14. — 2. Ps. XVI, 4. —3 Matt. XI, 30

 

D'un autre côté les hommes en général ressemblent à l'objet de leur amour, et pour régler sa vie il ne faut avoir soin que de régler son amour. Qu'y-a-t-il alors de surprenant qu'en aimant le Christ et en voulant le suivre on se renonce à soi-même pour l'amour de lui ? Si en effet l'homme se perd en s'aimant, c'est sûrement en se renonçant qu'il se sauve.

2. Le premier malheur de l'homme fut de s'être aimé. S'il ne s'était pas aimé, si toujours il avait préféré Dieu à soi, il lui serait resté soumis, et conséquemment il ne se serait pas oublié jusqu'à délaisser la volonté divine pour s'attacher à la sienne; car l'amour de soi consiste à vouloir faire sa volonté. Ah! préfère à la tienne la volonté de Dieu; apprends à t'aimer en ne t'aimant pas. L'Apôtre ne met-il pas l'amour de soi au nombre des vices quand il dit : « Il y aura des hommes s'aimant eux-mêmes (1)? » Or en s'aimant reste-t-on en soi? On ne s'aime qu'en abandonnant Dieu; mais alors l'amour même de soi pousse à l'amour des choses extérieures. Aussi, après avoir dit : « Il y aura des hommes s'aimant eux-mêmes; » l'Apôtre ajoute

 

1. I Tim. III, 2.

 

 

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aussitôt : « aimant l'argent (1). » Ici ne vois-tu pas que tu es hors de toi ? Tu t'es mis à t'aimer demeure en toi, si tu le peux. Que vas-tu chercher dehors? O ami de l'argent, est-ce que l'argent t'a rendu vraiment riche? Oui, tu t'es mis à aimer ce qui est hors de toi; mais alors tu t'es perdu. En effet l'amour d'un homme allant ainsi hors de lui vers les choses extérieures, bientôt ce malheureux devient aussi vain qu'elles, et épuise toutes ses forces avec une folle prodigalité. Ainsi énervé, répandu au dehors, dénué de tout, il paît des pourceaux; et fatigué de ce travail ignoble, il finit par rappeler ses souvenirs et par s'écrier : « Combien de mercenaires mangent du pain chez mon père, et moi je meurs ici de faim! » Mais quand il tient ce langage, quand s'exprime ainsi cet enfant prodigue qui a tout dissipé avec des prostituées, et qui est tombé dans là misère, après avoir voulu disposer librement de ce -que son père lui conservait avec tant de sagesse, qu'est-ce que l'Écriture dit de lui? « Or étant rentré en lui-même. » Or s'il est rentré en lui-même, c'est qu'il en était sorti. Et si après s'être détaché et être sorti de lui-même, il y rentre d'abord, c'est pour retourner à Celui dont il s'était éloigné volontairement. De même en effet qu'en sortant de lui-même il y était malheureusement resté; ainsi pour n'en plus sortir il n'y doit plus rester quand il y rentre. Que dit-il donc alors? Que dit-il quand il rentre en lui-même pour n'y pas demeurer? « Je me lèverai et j'irai vers mon Père (2). » Voilà d'où il s'était échappé en sortant de lui-même; c'est de son propre père qu'il s'était séparé, s'éloignant en même temps de lui-même pour se jeter aux choses du dehors. Afin donc de se conserver avec toute sécurité, il rentre en lui-même et poursuit sa course vers son père. Mais puisque l'amour de soi l'a porté à s'abandonner en quittant son père, ne faut-il pas qu'en rentrant en soi pour aller à son père, il se renonce? Qu'est-ce à dire, qu'il se renonce? Qu'il n'ait point de confiance en soi, qu'il sente qu'il n'est qu'un homme et ne perde pas de vue cette parole d'un prophète: « Maudit soit quiconque met  son espoir dans un homme (3) ! » Qu'il se retire donc de lui-même, mais aussi qu'il n'aille, pas au dessous. Qu'il se retire de lui-même, mais pour s'attacher à Dieu. Qu'il attribue à son auteur tout ce qu'il a de bon ; car tout ce, qu'il a de mal, chacun se l'est fait à lui même, et ce

 

1. II Tim. III, 2. — 2. Luc, XV, 12-18. — 3. Jérém. XVII, 5.

 

n'est pas Dieu. Qu'il détruise donc son propre ouvrage, puisque delà vient son malheur. « Qu'il se renonce, dit le Sauveur, prenne sa croix et me suive. »

3. Et où suivre le Seigneur? Nous savons où il est allé; il y a bien peu de jours que nous célébrions la solennité de son départ. Il est ressuscité et il est monté au ciel; c'est au ciel que nous devons le suivre. Pourquoi désespérer d'y parvenir? L'homme ne peut rien sans doute, mais le Sauveur nous a fait cette promesse. Pourquoi désespérer? Ne sommes-nous pas les membres de ce Chef divin ? Au ciel donc il nous faut le suivre. Qui d'ailleurs refuserait de l'accompagner dans ce séjour? La terre, hélas n'est-elle point travaillée de trop de craintes et de trop de douleurs ? Qui donc refuserait de suivre le Christ dans ce lieu où règnent une souveraine félicité, une paix suprême et une perpétuelle tranquillité ? Ah! il nous est bon de l'y suivre; mais par quel chemin?

Quand le Seigneur parlait ainsi, il n'était point encore ressuscité d'entre les morts ; il n'avait pas encore souffert. Il devait endurer le mépris, l’outrage, les fouets, les épines, les blessures, les insultes, l'opprobre et la mort. Cette voie te semble rude; aussi tu es indolent et tu ne veux pas y marcher; entres-y. Car, les aspérités sont l'ouvrage de l'homme; mais le Christ les a effacées en retournant au ciel. Eh? qui ne voudrait être élevé en gloire? Tous aiment la grandeur. Mais l'humilité est un degré pour y monter. Pourquoi élever le pied au dessus de toi-même? Ce n'est pas chercher à monter, c'est vouloir tomber. Place-le d'abord sur un degré : tu monteras ainsi.

Par ce degré d'humilité ne voulaient point passer ces deux disciples qui disaient : « Ordonnez, Seigneur, que dans votre royaume l'un de nous siège à votre droite et l'autre à votre gauche. » ils ambitionnaient la grandeur, mais il ne voyaient pas l'échelle qui y conduit. Le Seigneur la leur montra. « Pouvez-vous, dit-il, boire le calice que je boirai moi-même (1) ? » Vous qui aspirez au faîte de la grandeur, pouvez-vous boire la coupe de l'humilité? Aussi ne dit-il pas seulement: « Qu'il se renonce lui-même et me suive; » il ajoute : « qu'il prenne sa croix et me suive. »

4. Que signifie : « Qu'il prenne sa croix? » Qu'il supporte tout ce qui est pénible et me suive de cette sorte. En effet, lorsqu'il aura

 

1. Marc, X, 37, 38.

 

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commencé à m'imiter dans mes moeurs et à remplir mes préceptes, il rencontrera beaucoup

de contradicteurs, beaucoup d'hommes qui chercheront à l'empêcher, à le détourner par leurs conseils et qui prétendront être eux-mêmes les disciples et les compagnons du Christ. N'accompagnaient-ils pas le Christ aussi, ceux qui empêchaient les aveugles de crier vers lui ? Qu'il s'élève donc devant tondes menaces ou des caresses, si tu veux suivre le Sauveur, considère les comme une croix; porte-les, supporte-les et ne succombe pas. Ce sont ces paroles du Sauveur qui semblent avoir encouragé les martyrs. Si donc on te persécute, ne dois-tu pas fouler tout aux pieds pour le Christ? Tu aimes le monde; mais ne dois-tu pas préférer le Créateur du monde? Le monde est grand; l'auteur du monde ne l'est-il pas davantage? Le monde est beau; son auteur n'est-il pas plus beau encore? Le monde a des charmes ; n'y en a-t-il pas plus dans le Créateur ? Le monde est mauvais; mais Celui qui l'a fait n'est-il pas bon?

Comment toutefois pourrai-je prouver et faire comprendre cette dernière assertion ? Dieu me vienne en aide. Qu'ai-je donc dit? Qu'avez-vous applaudi? N'ai je pas énoncé une simple question ? Et pourtant vous avez applaudi. Comment donc le monde peut-il être mauvais, si Celui qui l'a fait est bon ? Dieu n'a-t-il pas créé toutes choses, et toutes n'étaient-elles pas très-bonnes ? L'Écriture en effet atteste que chaque être à été fait bon par Dieu : « Et Dieu vit, dit-elle, qu'il était bon. » Mais quand elle résume l'histoire de la création : « Et tout était très-bon, dit-elle (1). »

5. Comment donc, encore une fois, comment le monde peut-il être mauvais, quand l'auteur du monde est bon ? C'est qu'après avoir été formé par lui, le monde ne l'a pas connu 2. Il a fait le monde, c'est-à-dire le ciel, la terre et tout ce qu'ils renferment ; mais il n'a pas été connu du monde, c'est-à-dire de ceux qui aiment le monde, de ceux qui l'aiment en méprisant Dieu. Voilà pourquoi le monde est mauvais; il est mauvais parce qu'il faut l'être pour préférer le mondé à Dieu; et pourquoi au contraire est exclusivement bon Celui qui a fait le monde, qui a fait le ciel, la terre, la mer et ceux mêmes qui aiment le monde. Dans ceux-ci en effet il n'y a que cet amour du monde au mépris de Dieu, que Dieu n'ait pas fait. Il a fait en eus la nature, il n'y a pas le fait le vice. Voilà pourquoi je viens de

 

1. Gen. I. — 2. Jean, I, 10.

 

de dire: Que l'homme efface son propre ouvrage, et il aimera son auteur.

6. Car dans le monde même de l'humanité il y a du bien; mais ce bien est sorti du mal. Si en effet nous entendons par le monde, non pas le ciel, la terre et tout ce qu'ils contiennent, mais les hommes seulement, on peut dire que le premier pécheur a rendu mauvais le monde entier; l'arbre entier a été vicié dans sa racine. Dieu avait créé l’homme bon; voici ce que dit l'Écriture : « Dieu a fait l'homme droit; mais l'homme s'est jeté de lui-même dans des imaginations sans nombre (1). » Ah! de cette multiplicité cours à l'unité; réunis en une seule ces idées disparates; rentre dans ton lit, fleuve débordé, coules-y en sûreté; demeure dans L'unité sans te répandre au loin, car dans cette unité est le vrai bonheur. Mais hélas ! nous avons quitté la droite voie, nous nous sommes jetés dans la perdition; tous nous sommes nés dans le péché; de plus nous avons ajouté par une vie coupable au malheur de notre naissance, de sorte que le monde entier est perverti. Mais le Christ est venu, et il a choisi dans ce monde, non pas tout ce qu'il y a rencontré, mais tout ce qu'il y avait formé lui-même. Aussi tous les hommes y étaient-ils mauvais; mais il en est que sa grâce a rendus bons. De là un monde nouveau, et un monde persécutant le monde.

7. Quel est le monde persécuteur ? Celui dont il nous est parlé en ces termes : « Gardez-vous d'aimer le monde et ce qui est dans le monde. Si quelqu'un aime le monde, la charité du Père n'est point en lui; parce que tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil de la vie. Or tout cela ne vient pas du Père, mais du monde.

Mais le monde passe, et sa convoitise aussi; « tandis que celui qui fait la volonté de Dieu demeure éternellement, comme Dieu même (2). » Voilà donc les deux mondes, le monde persécuteur et le monde persécuté. Quel est le monde persécuteur? « Tout ce qui est dans le monde est convoitise de la chair, convoitise des yeux et orgueil de la vie. Or cela ne vient pas du Père, mais du monde; et le monde passe. » Voilà bien le monde persécuteur. Et quel est le monde persécuté? « Si quelqu'un fait la volonté de Dieu, il demeure éternellement, comme Dieu même. »

8. Voilà sans doute le nom de monde donné

 

1. Ecclés. VII, 30. — 2. I Jean, II, 15-17.

 

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aux persécuteurs; prouvons aussi que les persécutés portent le même nom. Mais quoi? As-tu fermé l'oreille à cette parole du Christ, ou plutôt à ce témoignage de l'Écriture : « Dieu était  dans le Christ, occupé à se réconcilier le monde (1)? » — « Si le monde vous hait, dit le Sauveur, sachez qu'il m'a haï d'abord (2)? » Ainsi le monde hait. Qui hait-il, sinon le monde? Et  quel monde ? « Dieu était dans le Christ, occupé à se réconcilier le monde. » Le monde condamné est donc le monde persécuteur, et le monde persécuté est le monde réconcilié avec Dieu. Le monde condamné comprend tout ce qui est en dehors de l'Église même. « Car le Fils de l'homme n'est pas venu pour juger le monde, mais pour l'aider à se sauver (3). »

9. Or, c'est au milieu de ce monde saint, bon, réconcilié, sauvé ou plutôt qui doit l'être, car il ne l'est maintenant qu'en espérance selon ce mot de l'Apôtre : « C'est en espérance que nous sommes sauvés (4); » c'est, dis je, au milieu de ce monde ou au milieu de l'Église qui tout entière marche sur les traces du Christ, que le Sauveur a dit en termes généraux: « Que celui « qui veut me suivre se renonce lui-même. » On ne peut dire en effet que cette obligation soit imposée seulement aux vierges et non aux femmes; aux veuves et non aux épouses; aux religieux et non aux hommes mariés; aux ecclésiastiques et non aux laïques : l'Église entière, le corps entier du Christ et chacun de ses membres, quelles que soient ses fonctions et la place qu'il occupe, doivent suivre le Christ. Qu'elle le suive donc tout entière, cette Église unique, cette colombe, cette épouse rachetée et enrichie par le sang de son Époux. Ici trouvent place et l'intégrité des vierges, et la continence des veuves, et la pudeur des époux; mais non pas l'adultère ni la débauche criminelle et condamnable. O membres qu'appelle ici le Christ en vous laissant et votre nature et le lieu que vous occupez et vos fonctions spéciales, suivez le Christ; renoncez-vous, c'est-à-dire ne comptez pas sur vous-mêmes; chargez votre croix, c'est-à-dire souffrez, pour le Christ, dans ce monde, tout ce que vous fera endurer le monde; aimez-le, car seul il ne trompe pas, aussi incapable de vous tromper que de se tromper lui-même, aimez-le, car ses

 

1. II Cor. V, 19. — 2. Jean, XV, 18. — 3 Ibid. III,17. — 4. Rom. VIII, 24.

 

promesses sont pleines de vérité. Néanmoins, comme il ne les accomplit pas actuellement, ta foi chancelle. Ah! tiens ferme, persévère, prends courage, supporte ces délais et ce sera porter ta croix.

10. Que la vierge ne dise pas : Je serai seule à remplir ce devoir. Si la vierge Marie le remplit, Anne la veuve ne le remplit-elle pas aussi? Que la femme mariée ne dise pas non plus Cette invitation sera pour la veuve, il n'y a rien ' pour moi. Si Anne est fidèle, Susanne ne l'est-elle pas également ? Voici comment doivent s'éprouver ceux qui aspirent à la récompense : ceux qui occupent ici un rang inférieur ne doivent pas jalouser, mais aimer dans les autres une condition plus sainte.

Par exemple, mes frères, et remarquez bien ceci : l'un a fait choix de la vie conjugale et l'autre de la continence absolue. Si le premier convoite l'adultère, il regarde en arrière, puisqu'il convoite le crime. Celui qui après avoir embrassé la continence songe ensuite au mariage, regarde également en arrière, quoique l'objet de son désir n'ait rien que de légitime en soi. Il faut donc condamner les noces? Garde-toi de les condamner; mais considère jusqu'où s'était avancé celui qui maintenant prend ce parti. Il était bien au delà. Quand jeune encore il vivait dans la débauche, le mariage était pour lui un état meilleur, il n'avait qu'à y tendre; aujourd'hui, qu'il a embrassé la continence, c'est une condition au dessous de la sienne. — « Souvenez-vous de la femme de Lot, » dit le Seigneur (1). Cette femme en regardant derrière perdit tout mouvement (2).

Ainsi donc une fois parvenu à un degré de sainteté; chacun doit craindre de regarder derrière. Qu'on suive son chemin, qu'on s'attache au Christ, qu'oubliant ce qui est en arrière ou s'avance vers ce qui est devant, avec l'intention sincère de parvenir à la palme de la vocation que Dieu accorde par le Christ Jésus (3). Que les époux préfèrent ceux qui vivent dans la continence, qu'ils avouent la supériorité de leur état, qu'ils aiment dans leur personne ce qui n'est pas en eux-mêmes, et que surtout ils y aiment Jésus-Christ.

 

1. Luc, XVII, 32. — 2 Gen. XIX,.26. —3. Philip. III, 13,14.

 

 

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