Elysées 2012

Un point d'histoire

 

C'est la chambre haute dans notre système parlementaire bicaméral. L'expression Chambre haute n'a pas une origine claire et si certains en voient l'origine dans le mode de désignation de ses membres et la durée des mandats, on peut peut-être aussi en considérer l'origine dans l'histoire : en Angleterre, régime parlementaire par excellence, c'est la Chambre des Lords par opposition aux Communes; dans le système monarchique d'Ancien Régime, il y eu bien opposition qu'illustrent les Etats Généraux, entre le Tiers Etat d'une part, et Noblesse et Tiers Etat. La chambre haute aura été composée de Pairs inamovibles jusqu'en 48 - le plus souvent des nobles.

La grande barrage à la fois idéologique et constitutionnelle qui se joua entre 1870 et 1875, dans cette chambre étonnante (1) qui mit cinq ans à se décider sur la forme constitutionnelle du régime, qui se dénoua, on le sait en 75 à une voix de majorité seulement, opposait, certes, les républicains, d'un côté et les monarchistes (eux-mêmes divisés) et les bonapartistes ; en réalité opposa d'abord surtout lespartisans d'une paix rapide avec les Prussiens, et les républicains (Gambetta en tête) partisans de la poursuite de la guerre. Il fallut l'habileté (la rouerie ? ) de Thiers d'abord, l'alliance en 73 entre Thiers et Gambetta pour que, se jouant des divisions entre légitimistes et orléanistes, la chambre finisse par voter la république.

Le prix à payer fut le compromis : un élément de ce compromis était non seulement la constitution d'un système bi-caméral, mais surtout une Chambre haute dont le mode de scrutin (suffrage indirect) dût lui permettre de devenir le Grand Conseil des communes françaises dont Gambetta parla dans son discours de Belleville de 1873 . Il fallait rassurer au point qu'on y ajoignit même dans une première phase des sénateurs inamovibles. La loi organique du 10 décembre 1884 supprima le mandat à vie, laissant toutefois les sénateurs inamovibles en place siéger jusqu'à leur décès.

C'est de cela dont il faut se souvenir : d'emblée le Sénat aura été conçu à la fois comme l'essence même du compromis républicain et comme le dispositif constitutionnel qui permît de tempérer les ardeurs, les excès du suffrage universel et donc de la chambre des députés. C'est une chambre, par définition, en retrait, modérée et modératrice, et tout aura été conçu pour qu'il puisse remplir ce rôle :

- le mode de scrutin indirect

- la durée du mandat (longtemps 9 ans; désormais 6 )

- le mode de renouvellement (par tiers désormais par moitié)

- la sur-représentation des communes et du monde rural sur les villes, les premières étant présumées plus modérées, plus conservatrices que les secondes )

 

Système monocaméral ou bicaméral ?

Il faut dire que le système monocaméral n'a pas laissé que des bons souvenirs. En 1869, encore, il est perçu comme l'essence même de la démocratie républicaine. (programme de Belleville - 1869).

La constitution de 1848 était monocamérale mais on sait son destin fugace puisque ne sachant arbitrer les conflits entre un président de la république élu au SU et une chambre elle-même élue au SU, elle se mit dangereusement dans les mmains d'un Louis Napoléon Bonaparte qui mit peu d'efforts à contourner son inéligibilité à l'issu de son mandat en transformant le régime en empire.

La constitution de l'an I, qui ne fut jamais appliquée, disposait elle aussi d'une seule chambre renouvelable par tiers tous les ans. Elle resta emblématique pour beaucoup de républicains comme incarnant l'esprit même de la révolution. A sa façon elle est effectivement emblématique :

- elle inscrit la notion de souveraineté populaire et non pas nationale

- elle proclame le devoir d'insurrection

- elle est profondément égalitaire.

Elle est emblématique aussi pour des raisons historiques : si pour les républicains elle représente effectivement le modèle dont il faut s'inspirer, elle est en même temps le repoussoir évident pour tous les modérés qui considérèrent toujours qu'elle était naturellement productrice de la Terreur qui s'ensuivit.

Autant dire que pour les droites, de tout temps, depuis, monocaméralisme signifie intolérance, radicalisme outrancier, désordre etc; et bicaméralisme, au contraire, modération, rigueur, sérieux.

Ceci explique qu'un Gambetta put à la fois revendiquer un sysème monocaméral (2) en 69, et, stratégie de compromis aidant à partir de 73, se rallier au bicaméralisme. (3)

L'attachement au système bi-caméral de s'est plus démenti depuis : reste révélateur de ce point de vue, le refus, par référendum, de la première mouture de la Constitution en 1946, qui était elle aussi mono-camérale, ce qui s'explique par le contexte politique de l'après-guerre où dominaient communistes et socialistes.

 

Second point d'histoire

La méfiance de la gauche à l'endroit du Sénat a aussi des raisons historiques. Il ne faut jamais oublier que le Sénat se sera si efficacement opposé au gouvernement de Front Populaire que par deux fois, en 37 comme lors de son second gouvernement, Blum aura démissionné non devant la chambre des députés, mais devant le Sénat qui notamment en 38 lui refusa les pleins pouvoirs financiers.

La VIe république fit de ce Sénat, selon l'article 24 de la constitution,le représentant des collectivités territoriales.

Le Sénat, dont le nombre de membres ne peut excéder trois cent quarante-huit, est élu au suffrage indirect. Il assure la représentation des collectivités territoriales de la République.

Il a un rôle réduit puisque c'est l'Assemblée Nationale qui a le dernier mot lors du vote des lois. Et même si le président di Sénat exerce l'intérim de la présidence de la république en cas de vacance ( ce qui s'est produit deux fois, en 69 après la démission de de Gaulle, et en 74 à la mort de Pompidou ( les deux fois par Poher), il n'est que le troisième personnage de l'Etat dans l'ordre protocolaire.

En réalité il n'est qu'un cas où effectivement le Sénat peut être force de blocage, c'est celui de la réforme constitutionnelle puisqu'un texte soumis soit au référendum soit au Congrès ( les deux chambres réunies) doit préalablement avoir été voté dans les mêmes termes par les deux assemblées.

 


1) lire

2) voir Programme de Belleville (1869)

3) voir discours de Belleville