La guerre (1914-1918)....
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Masse et ... impuissance
Sur le front Est ( 14 - 15)

 

Impuissance ! C'est peut-être cela qui caractérise le plus les opérations sur le front Est.

Deux erreurs et un échec

Les empires centraux - mais l'Allemagne surtout - craignant par dessus tout une guerre sur plusieurs fronts y furent néanmoins contraints . Le plan Schlieffen était supposé résoudre la question qui disposait d'une victoire rapide en France permettant d'en finir avec le front occidental afin de reporter les troupes à l'Est face à des russes dont on prévoyait une lente mobilisation.

L'échec, on le sait, tint dans l'enlisement de la guerre en France, qui allait durer jusqu'en 18 et empêcher de porter l'essentiel de l'effort à l'Est.

Les erreurs tinrent dans la double sur-évaluation des armées austro-hongroises et russes.

L'Autriche allait s'avérer un allié bien faible, incapable notamment d'en finir avec la Serbie - ce qui était pourtant la cause initiale du déclenchement de la guerre. Armée autrichienne mal préparée, dont la modernisation tant de ses armes que de son organisations ne s'est pas faite, armée par ailleurs polyglotte, traversée par des tensions fortes où ses membres slaves répugnaient à combattre d'autres slaves. Ce qui contraindra les allemands à les soutenir et donc à dégarnir plus qu'envisagé, le front ouest.

L'armée russe, quant à elle, dont les allemands craignirent tant le nombre, et dont la France notamment espérait qu'elle fût un irrésistible rouleau compresseur, s'avéra tout aussi faible : outre de piètres talents stratégiques - on misait encore sur la puissance de la cavalerie - des tensions fortes, et parfois personnelles, au sein du haut-commandement, il apparut bien vite que cette armée n'avait que le nombre pour elle : équipement insuffisant, archaïque, désorganisation des lignes arrières et de l'approvisionnement ....

Évolution du front

Au fond, ni plus ici qu'à l'ouest, rien ne se passa comme prévu et c'est bien après tout une des marques de cette guerre d'avoir ainsi impliqué des hommes qui n'y étaient pas préparé, des stratégies souvent inappropriées, des dirigeants tant militaires que politiques dépassés par l'ampleur des événements qu'ils avaient déclenchés.

Les premières victoires russes en Prusse Orientale tinrent plus d'une mobilisation plus rapide que prévue et d'un front intentionnellement dégarni par les allemands. L'offensive fut aisément arrêtée à Tannenberg et sur les lacs Mazures (fin Août et Septembre) : les russes se replièrent sur leurs frontières. Leur offensive sur la Silésie fut de même manière arrêtée avec la prise de Łódź (fin novembre- décembre) même si les allemands ne réussirent pas à prendre Varsovie.

Ce sera, à peu près le même scénario qui prévalut plus au Sud : les autrichiens perdent Lemberg dès le 3 septembre et envahissant la Galicie les russes parviennent à les repousser jusque dans les Carpates... Mais dès mai 15, une offensive austro-allemande déclenchée surtout pour éviter l'invasion de la Hongrie aboutit à la reprise de Lemberg et au retrait des russes sur un front de 160 km.

En même temps, l'offensive allemande sur Varsovie contraint les russes à se replier et abandonner la Pologne.

Année finalement désastreuse pour la Russie qui se révélera un allié bien décevant et bientôt défaillant pour la France. Au moment même où les troupes allemandes entrent dans Varsovie et prennent Vilnius, le grand-duc Nicolas qui se sera révélé stratège calamiteux est remplacé.

Année inquiétante pour les allemands qui ne peuvent que constater la grande faiblesse de leur allié autrichien : ils devront ici aussi porter seuls l'effort de guerre et ne devront qu'à la révolution russe une issue -provisoirement - favorable à l'Est.

On ne peut effectivement qu'être frappé par l'écart énorme qu'il y a ici entre la masse des troupes engagées, le nombre final de morts (1,5 million de tués de part et d'autre ; sans compter les millions de blessés et de prisonniers) et ce résultat qui n'aura été décisif que par la désaffection d'un des protagonistes. Pour une guerre qui devait être courte ...

La guerre a toujours fait partie de ces rares moments, avec les révolutions sans doute, où le cadre général du quotidien étant suspendu, tout devient possible, et même l'improbable, où l'on peut nourrir l'impression prise sur les choses et d'en pouvoir détourner le cours. Il n'est pas d'autre raison pour quoi elle demeure le levier de prédilection du pouvoir.

Or, précisément, avec cette guerre, même si comme toutes les autres, elle laissera le monde radicalement bouleversé, et les mentalités avec elle, cette suspension de l'ordre quotidien, cet allégement du temps ordinaire ne laisse aucune prise à personne. Il ne fut pas de moment plus cru ni plus cruel pour constater combien l'homme a cessé de faire l'histoire ! Il aura cru pouvoir renverser la table mais c'est elle qui l'a écrasé !

Y revenir !