Elle était là à se déglinguer nonchalamment derrière ses parents, je suppose, touristes peut-être, s'en allant contempler la Tour non loin.

J'y ai vu comme une caricature … ou une synthèse de cette espèce si particulière que l'on nomme l'ado ! Je ne devrais pas me moquer moi qui eut ce public tout au long de ma carrière professionnelle d'autant qu'en réalité je les aime bien, pour le déséquilibre qu'involontairement ils incarnent et qui les oblige, si douloureusement parfois, si chaotiquement toujours, à s'inventer.

Car l'adolescence - que selon les époques on fait se commencer plus ou moins tôt et terminer plus ou moins tard - n'est décidément pas un âge - et certainement pas plus ingrat que tous les autres - mais espace, un intervalle instable d'entre deux que l'on se hâtait de quitter et d'atteindre sans y vraiment parvenir. Une de ces mystérieuses lignes de partage, pures abstractions qui feignent de nous aider à comprendre mais qui n'occupant nul espace, étant nulle part et partout à la fois, ressemblent plus à des forteresses imprenables qu'à des corridors même étroits même anguleux.

Sans doute l'a-t-on traîné là, elle qui n'en avait nulle envie - mais peut-elle avoir envie de quoi que ce soit ?

Voici belle illustration de l'expression traîner les pieds : mais ne vaut-il pas mieux traîner que lourdement s'attarder ?

Suis passé devant souvent non sans parfois un pincement au cœur, demeurant toujours sensible au miracle que représente encore, quoiqu'on dise, la démocratie que je sais fragile, l'avoir toujours été, l'être plus encore en ce moment. Or l'Assemblée, même sous la V^e où elle parut souvent simple chambre d'enregistrement ou parlement croupion, demeure néanmoins l'expression la moins infidèle du souverain populaire.

Ne m'étais jamais posé la question des statues qui en ornait le fronton. Pas plus que je ne m'étais soucis qu'il dût faire écho à l'église de la Madeleine, là-bas, de l'autre côté de la Seine.

A côté de d'Aguesseau, juriste janséniste comme on savait les concocter en ces heures-là et de Colbert qu'on ne présente pas, Sully et de l'Hospital forment un joli quarteron de serviteurs de l’État, protestant pour l'un mais n'ayant pas hésiter à conseiller à Henri de Navarre d'abjurer ; grands administrateurs, juristes, scrupuleux à rétablir les comptes d'un royaume appauvri jusqu'à l'indignité par les guerres - de religion ou non.

Joli message que l'on transmet à cette occasion : oui, l'argent reste bien le nerf de la guerre !

Je crois bien leur préférer Thémis et Minerve.

Au même endroit que l'autre jour, pris d'en bas. Méditation ou prière, je ne sais, mais ce serait tellement drôle que ce fût le même volatile.

Je ne déteste pas les retournements et si je suis le premier, peu élégamment, à souligner le regard vide du pigeon, j'essaie d'imaginer ce que ce dernier voit de nous et, s'il le pouvait, pense de nous ! J'imagine persiflage du même ordre. Que cette roturière colombe, pas voyageuse pour un sous, n'eût cédé pour rien sa place tant le spectacle ici offert, pour varié qu'il ne cesse, n'en reste pas moins drôle, étrange.

Sibyllin.

Sur le pont Mirabeau, tous se précipitent, empressés de rentrer chez eux, sans doute, et tournent le dos à ce ciel étrange qui semble vouloir avaler impitoyablement ces silhouettes disgracieuses.

Ainsi va notre monde qui nous pousse souvent à tourner le dos à ce qui importe ou pourrait nous éveiller.

Rares sont, pourtant, ces éloïses, pour écrire comme Montaigne, qui nous laissent une chance de ne point nous engouffrer dans l'indifféeznce