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Partir

1- Voyager 2- Partir 3 - Partir ou abandonner ? 4- Fermer le cercle 5 - Raconter  

 

Vivre c'est être parti et être tellement allégé qu'on en devient tout nu. Plus on vieillit plus on se dénude. Serres

J'avais déjà évoqué, il y a plus de cinq ans, en une série autour de l'abandon perçu comme l'expérience humaine fondamentale selon Serres. Il est la conséquence de ce être parti. Serres ne dit pas qu'exister c'est partir mais que c'est être parti comme si l'existence équivalait à cette transhumance.

Ce qui, en réalité, est loin d'être faux ! Tout effectivement, en notre existence signe la rupture, l'écart, le débordement et le départ :

 

Oui, décidément nous sommes en partance depuis le début et le demeurons … jusqu'à la fin ; conduits au départ mais si vite et sottement entreprenants par la suite. Condamnés à la route. Au devenir. A nous réaliser et nos projest, avec tous les risques qu'une telle réification engendre en terme d'emprise, de pouvoir ; d'aliénation.

Les voyages que nous entreprenons ne sont-il pas, sous une forme ludique mais aussi terriblement convenue, le simulacre de nos abandons ; des violences que nous imposons, des blessures que nous infligeons et, parfois, subissons ? A l'instar de nos jeux - ceux que nous pratiquons comme ceux que nous avons transformés en spectacle pour bourgeois avachis repus de bière et de passions sans risques où nous contrefaisons conquête de territoire, combats divers et variés d'attaque, de défense autant que de mise à mort. René Girard nous avait enseigné combien nos rituels religieux se contentaient de mimer d'antiques sacrifices qui furent autant de mises à mort, autant de tentatives désespérées pour canaliser une irrésistible violence mimétique. Nous avons, depuis, délaissé oratoires, abbatiales et autels et leur avons préféré stades ou, pire encore, écrans et canapés moelleux.

Ils nous disent sur un mode sans doute plaisant la fatalité de la violence où nous nous condamnons nous-mêmes.

Comment vivre sans meurtrir, blesser ; décevoir ? sans empiéter, bousculer ; expulser ?

Ce qu'avec une précision d'horloger révèle ce cruel usage d'abandon. Car enfin ce n'est pas même geste de s'éloigner d'un lieu ou d'une personne et l'abandonner. Dans abandon il y a queque chose de l'ordre de la trahison comme si l'on avait rompu ici un lien si profond si profondément ancré en nos âmes qu'on le crut naturel. Quel parent peut abandonner son petit sans dénouer en même temps une promesse presque ontologique.