Bloc-Notes 2017
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Un autocrate à visage bienveillant pourPierre-André Taguieff

Les nouveaux despotes sont tout sourire. Ils sont devenus “pragmatiques”. Ils ne tuent personne. Seulement nos âmes. Et avec la courtoisie, voire la suavité requise. " C'est en évoquant Néron – et en comparant la " terre entière " à Rome incendiée  – que Pierre-André -Taguieff conclut son ouvrage consacré à -Emmanuel Macron. Une chose est sûre : le philosophe n'a (vraiment) rien cédé face à " l'affaissement de l'esprit critique " qu'il observe dans " l'épais conformisme intellectuel qui s'est installé en France "" L'optimisme officiel ", très peu pour lui.

Ecrivant de " cet espace immatériel où s'est réfugiée la pensée ", un  endroit peuplé de - " non-encartés ", d'" esprits libres, sans appar-tenan-ce partisane ", loin des " in-signifiantes tables rondes où s'affrontent de pâles et fades créatures du monde -médiatique ", l'auteur dresse un -portrait au -vitriol d'un président qui " se veut le maître des -horloges ", mais qui est " surtout le maître des rêves ". Et ce sont ces rêves que Pierre-André -Taguieff -s'attache à déconstruire, guidé par ce vers de Sophocle : " Je n'ai que mépris pour le mortel qui se -réchauffe avec des -espérances creuses. "

" Coup d'État BCBG "

Après de si longs mois de campagnes électorales à répétition, -conclues par l'élection d'Emmanuel Macron et celle de nombreux " marcheurs " à l'Assemblée nationale, c'est vers un foyer d'illusions -encore -ardent – même s'il s'est quelque peu consumé pendant l'été – que l'historien des idées brandit sa lance d'incendie. Un " triomphe ", un " sacre " ?

" Président par défaut, Macron apparaît avant tout comme le produit de la décomposition de fait du système politique français, une décomposition qu'il n'a nul-lement provoquée mais seulement exploitée habilement ", note -Pierre-André Taguieff, qui évoque " un coup d'Etat BCBG "," un coup d'Etat -démocratique accompli grâce au travail acharné - notamment -  d'une avant-garde de communicants ".

L'auteur rappelle " l'avalanche de formules creuses " qui ont émaillé les discours de -campagne du candidat Emmanuel Macron, ce " machiavélien d'un nouveau type, un maître de la stratégie de l'ambiguïté et de l'équivoque  à l'âge de la  communication ". Après une critique implacable d'un " pragmatisme (…) repeint aux couleurs du -jeunisme " et une érudite mise en  perspective du flou d'autres -concepts, comme le " progressisme ", le philosophe met en garde sur l'envers du -décor.

Derrière ce " potage -notionnel " aux mots " destinés à plaire à tous " percerait " un petit avatar de Bonaparte "," un -autocrate à visage bienveillant ". Et si le breuvage a été servi sans distinction, on pourrait ne pas être également rassasié à la fin du repas.

" Les citoyens français sont loin d'être tous devenus libéraux (ou  sociaux-libéraux), progressistes, prœuropéens et proglobali-sation ",note M. Taguieff. Ce dernier, on l'aura compris, ne s'est nullement converti.

Jean-Baptiste de Montvalon