Bloc-Notes 2016
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Musique …

Je l'ai évoquée déjà ; ou ici encore : y revenir un peu.

De m'être successivement assis à droite, du côté du batteur, puis à gauche du côté du pianiste, lors du dernier concert de Fabrice, j'aurais saisi en pleine oreille le si mal nommé point de vue.

Évidence sans doute, truisme pour tout autre que le béotien que je demeure en matière musicale, je le concède, mais qui claque comme une soudaine promesse teintée de menace : nous ne saisissons jamais, de l'ouïe comme de la vue, qu'une infime glanure de l'être irrémédiablement rapportée à notre position ou posture, à la défaillance de nos sens et, surtout, aux infernales traductions et codages auxquels nous ne saurions nous soustraire.

Qu'on cesse sottement d'arguer de la dureté de l'être ou de l'objet : la réalité n'est qu'un leurre qui d'elle ne laissera jamais filtrer qu'une occurrence faible de ses combinatoires possibles.

Non ce n'était décidément pas la même musique que j'entendis ainsi successivement … et pourtant. Tout universelle qu'elle füt, n'oublions pas qu'elle résume en son nom toutes les riches facéties des Muses, quand même elle se donnât avec cette incroyable générosité, cette musique, je la dois saisir mais immanquablement je la tronque.

Pour saisir pleinement ce qui s'entonna ce soir là, il faudrait pouvoir rassembler une théorie humaine qui en même temps, pourtant, couvrirait tout de son brouhaha. Si je n'avais pas peur des grands mots je dirais le tragique de cette générosité qui s'offre mais ne se donne point ; qui se doit être saisie mais si parcimonieusement.

De quelle ubiquité devrions-nous faire montre dont sans doute seuls les Dieux sont capables ? D'aucuns avaient rêvé de savoir universel mais ce désir est aussi vain que fallacieux. Il faudrait pour entendre le monde non seulement voyager en tous les continents de connaissance mais aussi, mais surtout tremper sa raison au bouillonnement brouillon des sens.

Nous ne parvenons jamais assez à être cet honnête homme dont rêvait Montaigne : nous parvenons si mal à nous mêler. Je ne sais quelle folie ou quelle sagesse poussa ainsi Fabrice à cet entrelacs lui qui n'aura jamais imaginé pouvoir demeurer cet enseignant et chercheur qu'il est, sans, moins l'ornement que le soubassement des Muses. Les grecs le savaient qui nommèrent poésie l'accomplissement du faire.

Il y va de la sagesse, de la prudence aussi : puisqu'y règle la polyphonie de l'âme.