Palimpsestes

SPINOZA (1632-1677)
traité de la réforme de l’entendement

SpinozaAinsi, par exemple, pour former le concept de la sphère, je forme arbitrairement la fiction d'une cause, à savoir qu'un demi-cercle tourne autour de son centre et que la sphère est comme engendrée par sa rotation. Cette idée est certainement vraie et, bien que nous sachions qu'aucune sphère ne fut jamais engendrée ainsi dans la Nature, c'est là néanmoins une perception vraie, et la manière la plus facile de former le concept de la sphère. Il faut noter, en outre, que cette perception affirme que le semi-cercle tourne, affirmation qui serait fausse si elle n'était jointe au concept de la sphère, ou de la cause déterminant un tel mouvement, c'est-à-dire, (en parlant) d'une manière absolue, si cette affirmation était isolée. Car l'esprit se bornerait alors à affirmer le mouvement du semi-cercle, qui n'est ni contenu dans le concept du semi-cercle, ni ne provient du concept de la cause déterminant le mouvement. Aussi la fausseté consiste-t-elle en cela seulement que d'une chose est affirmé quelque chose qui n'est pas contenu dans le concept que nous en avons formé; ainsi (est affirmé) du semi-cercle le mouvement ou le repos. D'où il suit que les pensées simples ne peuvent pas ne pas être vraies; ainsi l'idée simple du semi cercle, du mouvement, de la quantité, etc. Ce que ces idées contiennent d'affirmation correspond exactement à leur concept et ne s'étend pas au delà; aussi pouvons-nous former des idées simples à volonté, et sans aucune crainte d'erreur. (...)
Car lorsque nous attribuons à quelqu'objet quelque chose qui n'est pas contenu dans le concept que nous en avons formé, cela indique un défaut de notre perception, ou veut dire que nous avons des pensées ou idées en quelque sorte mutilées et tronquées.


Textes de Spinoza téléchargeables ici