Textes

Arthur SCHOPENHAUER (1788-1860)


Schopenhauer, fut professeur à Berlin durant quelques semaines en 1820, mais ses cours n'eurent que peu de succès, les étudiants lui préférant les cours de Hegel. Son ouvrage principal, Le Monde comme volonté et comme représentation (1818), n'eut quasiment aucun lecteur. Mais les Parerga et Paralipomena (1851) le rendirent célèbre. Les disciples accoururent à Francfort, et Wagner lui dédicaça L'Anneau des Niebelungen en 1853. Il mourut en pleine gloire en 1860.

La philosophie de Schopenhauer fut influencée par Platon et par Kant, dont il reprendra, tout en la critiquant, la théorie de la connaissance exposant la distinction du "phénomène" et de la "chose en soi". Elle trouva également dans les doctrines religieuses indiennes et dans le bouddhisme, que le romantisme allemand découvrait, la confirmation de sa pensée. Il fut l'adversaire déclaré de Hegel qu'il qualifie, dans ses notes, d'" écrivailleur d'absurdité et détraqueur de cervelle ".

Schopenhauer pose le "vouloir-vivre" comme une puissance sans but et sans repos, n'engendrant en nous que souffrance et nous plongeant dans une éternelle douleur. Aussi faut-il parvenir à l'anéantissement suprême de ce vouloir-vivre, et se détacher de lui de manière à atteindre le Nirvana qui met un terme à la souffrance. La volonté, vouloir-vivre aveugle et universel, commun à toutes les réalités physiques, vivantes et humaines, se situe au centre de la pensée de Schopenhauer. Il en va de même pour la notion de représentation qui est conçue de façon kantienne comme l'acte par lequel l'esprit détermine ses propres objets à travers les formes pures de l'intuition sensible.

Schopenhauer voit dans l'homme un être profondément métaphysique, s'étonnant devant le monde et aspirant à l'absolu. Cet être métaphysique reste voué, comme tout ce qui existe, au malheur et à la souffrance. Le fondement de l'existence est la douleur. Dans cette perspective, le bonheur n'a aucune positivité : c'est la simple suspension de la souffrance. Schopenhauer complète ce point en établissant une hiérarchie des moyens qui, selon lui, nous permettent de sortir de la souffrance : tout d'abord il y a l'art, qui nous fait faire le premier pas en direction de la contemplation pure ; puis il y a la morale qui, grâce au sentiment de pitié, nous fait sortir de notre égoïsme premier ; et enfin il y a le renoncement à tout vouloir vivre, qui nous détourne de toute représentation.

La force et le génie de Schopenhauer résident bien dans le fait d'avoir postulé que le flux de représentations, qui constitue la relation de l'homme au monde, n'est ni purement subjectif, ni transcendant, mais ancré dans la volonté de la nature se voulant elle-même. La volonté explique, en effet, mieux que tout autre chose, pourquoi il n'y a pas de sujet sans objet, ni d'objet sans sujet. Par la volonté d'une vie voulant vivre en nous comme dans la nature, il devient possible de comprendre pourquoi nous ne pouvons pas ne pas penser, et pourquoi rien n'est insignifiant, neutre ou muet dans la nature.