Textes

K Jaspers
Initiation à la méthode philosophique,
petite bibliothèque Payot, p.31-32.

"Toutes les fois que nous pensons, nous sommes un moi dirigé vers un connaissable, un sujet dirigé vers un objet. Ce rapport est unique : on ne peut le comparer à aucun autre rapport au monde. Le moi implique un objet. Cette attitude de la pensée dirigée est d'autant plus marqué que nous pensons distinctement. Etre éveillé, c'est cela.

A chaque instant, cette situation est évidente pour nous, mais nous y pensons rarement. Si nous y pensons, elle n'en devient que plus surprenante. Comment accédons-nous à un objet? En le pensant et, par là, en le fréquentant; en manipulant les objets manipulables, en pensant les objets pensables. Comment l'objet vient-il à nous? Par le fait que nous sommes frappés par lui, que nous le saisissons tel qu'il se donne à nous, que nous le produisons sous la forme d'une idée qui s'impose à nous comme exacte. L'objet existe-t-il par lui-même? Nous le pensons comme un objet existant et auquel nous nous allons; nous l'appelons quelque chose, une chose, une situation, bref, un objet. ... quel est donc ce lien d'unité à l'intérieur duquel ils sont malgré tout assez séparé pour que le sujet soit, par la pensée dirigé sur l'objet?

Nous l'appelons l'englobant, l'ensemble du sujet et de l'objet, qui n'est lui-même ni sujet, ni objet. La scission entre sujet et objet est la structure fondamentale de notre conscience. Ce n'est que par elle que le contenu infini de l'englobant parvient à la clarté... Si... ce qui est n'est ni l'objet, ni le sujet, ni objet ni moi, mais l'englobant, qui se révèle dans cette scission, alors toute ce qui se présence dans cette scission est manifestation. ce qui est pour nous, est manifestation et tant qu'éclairement de l'englobant, dans la scission sujet/objet".