Textes

Jean Duns Scot
La cause du vouloir...... est-elle l'objet qui meut la volonté ou la volonté qui se meut elle-même ? [6]

 

 

[69] Je réponds donc à la question posée que la cause effective de l'acte de volition n'est pas seulement l'objet ou le phantasme selon ce que pose la première opinion (parce que cela ne sauve en aucune manière la liberté), — et aussi que la volonté n'est pas la seule cause effective de l'acte de volition, comme le pose la seconde opinion qui est extrême, parce qu'alors toutes les conditions qui suivent de l'acte de vouloir ne pourraient être sauvées, comme on l'a montré. C'est pourquoi, je soutiens la voie médiane, à savoir qu'autant la volonté que l'objet concourent à causer l'acte de vouloir, si bien que l'acte de vouloir a pour cause effective la volonté et l'objet connu.

[70] Mais comment admettre cela quant à l'objet ? Car l'objet a un être abstrait dans l'intellect, et il faut que l'agent soit quelque chose de déterminé et en acte. C'est pourquoi j'affirme que l'intellect, en intelligeant en acte l'objet, concourt avec la volonté dans la raison de cause effective pour causer l'acte de vouloir. Pour le dire brièvement la cause du vouloir et du nouloir est « une nature libre qui intellige en acte un objet ». C'est en cela que consiste le libre arbitre, en nous comme chez les anges.

... est-elle quelque chose d'autre que la volonté ? [7]

[20] Je réponds donc à la question que, dans le créé, il n'y a rien d'autre que la volonté qui soit la cause totale de l'acte de vouloir dans la volonté, car quelque chose arrive de manière contingente dans les choses, c'est-à-dire de manière évitable.

... dans la volonté est-elle quelque chose d'autre que la volonté ? [8]

[22] Je réponds donc à la question posée que rien d'autre que la volonté n'est la cause totale de la volition dans la volonté. La raison, qu'on a avancée auparavant, en est la suivante : quelque chose arrive de manière contingente dans les choses, et j'appelle « arriver de manière contingente », arriver de manière évitable, autrement si tout arrivait de manière inévitable, il n'y aurait pas à délibérer ni à se donner de la peine comme le dit Aristote au livre I du De l'interprétation. Je demande donc à propos de ce qui arrive de manière contingente, d'où, ou par quelle cause, il arrive ? Il n'arrive pas par une cause déterminée, car en cet instant dans lequel la cause est déterminée, l'effet ne peut arriver de manière contingente. Donc, il arrive par une cause indéterminée à l'un ou à l'autre opposé. Soit cette cause peut se déterminer elle-même de manière contingente à l'un de ses effets, puisqu'elle ne peut pas se déterminer à l'un et l'autre en même temps, comme le dit Aristote de la puissance rationnelle au livre IX de la Métaphysique. Soit elle ne peut se déterminer elle-même à l'un de ces effets, mais autre chose l'y détermine. Si elle peut se déterminer elle-même de manière contingente ou de manière non évitable à l'un de ces effets, nous tenons notre conclusion. Si elle est déterminée par autre chose à l'un de ces effets, ou bien elle l'est nécessairement, ou bien elle l'est de manière contingente. Si elle l'est nécessairement, l'effet arrive inévitablement. Si le déterminant détermine de manière contingente et évitable à l'un de ces effets de sorte qu'il pourrait déterminer à un autre effet, ce déterminant ne peut être que la volonté, car toute cause active naturelle est déterminée à un effet ou si elle est indéterminée, elle ne peut se déterminer elle-même ni déterminer autre chose.